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« 5 euros pour les médecins, zéro pour les pharmaciens » : la réforme qui crispe l’officine

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« 5 euros pour les médecins, zéro pour les pharmaciens » : la réforme qui crispe l’officine

Publié le 9 septembre 2025 | modifié le 12 septembre 2025
Par Christelle Pangrazzi

À partir de 2026, pour chacun de ses patients, chaque médecin traitant percevra 5 € par indicateur de prévention validé (vaccination, dépistage, suivi des pathologies chroniques) même si les actes ont été effectués par un autre professionnel de santé. Dans un contexte de baisse des remises génériques et de restrictions budgétaires, les pharmaciens ont l’impression d’un « deux poids, deux mesures ».

Cette réforme issue de la convention nationale médicale de 2024 s’incarne dans le nouveau forfait médecin traitant (FMT), qui remplacera à compter du 1er janvier 2026 deux dispositifs existants : la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) et le forfait patient médecin traitant (FPMT). Le FMT repose sur deux piliers complémentaires :

– une part fixe, liée à l’âge, l’état de santé et la situation sociale du patient, pouvant atteindre 100 € pour un patient de plus de 80 ans en affection de longue durée (ALD) ;

– une part variable, centrée sur la prévention, avec 5 € par indicateur validé.

L’ambition affichée est claire : valoriser le rôle de coordination du généraliste dans le suivi de la prévention. Mais pour les pharmaciens, qui assurent déjà une partie de ces missions, la mesure a un goût amer.

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Les critiques de l’USPO

Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), monte au créneau :
« Avant, les médecins touchaient déjà une somme via la Rosp, conditionnée à un pourcentage de vaccination. Désormais, ils perçoivent 5 € par patient de manière systématique. Dans un contexte où l’on nous impose des économies massives, où l’on plafonne les remises génériques et baisse les prix des médicaments, c’est à deux poids, deux mesures. »

L’élu insiste également sur la chronologie des revalorisations accordées aux médecins : « Les médecins ont été revalorisés pour leurs gardes estivales, pour leur participation au service d’accès aux soins (SAS), et maintenant pour la prévention. Pendant ce temps, l’officine se serre la ceinture. »

Autrement dit, alors que l’État demande aux pharmaciens de contribuer aux économies de l’Assurance maladie, il renforce en parallèle les revenus des médecins.

La réserve de la FSPF

Du côté de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le discours se veut plus nuancé. Son président, Philippe Besset, reconnaît la légitimité d’une rémunération médicale : « Le médecin mérite ces 5 €, à condition qu’il vérifie dans son logiciel que son patient est bien vacciné et qu’il ait intégré ces données. Ce n’est pas une automaticité. Le pharmacien ou l’infirmier peut vacciner, mais le médecin doit contrôler que le parcours de prévention est suivi. »

Une manière de rappeler que la rémunération est liée à un acte de coordination, plus qu’à l’acte vaccinal lui-même. Mais Philippe Besset met en garde : « Je ne regarde pas dans la gamelle du voisin. Ce qui m’intéresse, c’est que les pharmaciens soient justement rémunérés pour leurs propres missions de prévention. »

Une fracture interprofessionnelle

Globalement, ce « deux poids, deux mesures » nourrit un sentiment d’injustice dans les officines, où la baisse des marges commerciales et la multiplication des missions non rémunérées accentuent la fragilité économique. La réforme, censée renforcer la prévention, risque ainsi d’élargir la fracture entre professions de santé.

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