4/8 – Sécheresse oculaire : lutter contre le syndrome de l’œil sec

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4/8 – Sécheresse oculaire : lutter contre le syndrome de l’œil sec

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Publié le 29 août 2025
Par Nathalie Belin
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« J’ai comme du sable dans les yeux les jours où je travaille sur écran ». Le syndrome de l’œil sec, touchant notamment les femmes après la ménopause, provoque des irritations et un inconfort au quotidien. Les conseils pour substituer les déficits du film lacrymal.

Contexte

La sécheresse oculaire ou syndrome de l’œil sec est une pathologie d’origine multifactorielle, liée à un défaut quantitatif ou qualitatif du film lacrymal. Fréquente, en particulier chez la femme après la ménopause, elle représenterait 25 % des motifs de consultation en ophtalmologie (« Surface oculaire », rapport de la Société française d’ophtalmologie (SFO), 2015).

Pour comprendre

Anomalie du film lacrymal

Fine couche de larmes recouvrant l’œil, le film lacrymal hydrate l’œil, le nourrit et le protège. Il se compose de trois couches :

  • mucinique, la plus profonde, synthétisée par les cellules à mucus et « ancrant » les larmes à la surface de l’œil ;
  • aqueuse secrétée par les glandes lacrymales, la plus épaisse, joue un rôle antimicrobien ;
  • lipidique produite par les glandes de Meibomius palpébrales, qui favorise l’étalement des larmes et en limite l’évaporation.

En cas d’anomalie de l’un de ces composants, le film lacrymal se rompt, exposant à l’air des zones de la surface oculaire : la déshydratation des cellules épithéliales et l’hyperosmolarité qui en résultent entraînent une inflammation de la surface oculaire qui, elle-même, favorise l’altération du film lacrymal. La sécheresse tend ainsi à s’autoentretenir alors que la cause initiale peut avoir disparu.

Facteurs de risque

Le sexe féminin, l’âge et une pathologie des glandes de Meibomius sont les principaux facteurs de risque d’une sécheresse oculaire. De nombreux autres facteurs peuvent déclencher ou aggraver les symptômes : lentilles de contact, médicaments, conservateurs des collyres, en particulier le chlorure de benzalkonium, exposition à la poussière, au soleil, au vent, à la fumée, climatisation favorisant un air sec, travail sur écran ou lecture prolongée qui limitent le clignement des paupières, etc.

Reconnaître

Les signes, d’intensité variable, restent généralement bénins même s’ils peuvent fortement affecter le quotidien : sensations de grains de sable, picotements, brûlures, besoin de cligner des paupières, prurit. Certains patients se plaignent d’une sensibilité passagère à la lumière, de difficultés à supporter les lentilles de contact. Un larmoiement paradoxal est également possible. Les signes sont généralement plus invalidants en fin de journée et durant les mois secs (période estivale, air sec et froid l’hiver). Initialement transitoire, la sécheresse oculaire tend à devenir chronique avec le temps. Des formes graves peuvent être associées à des lésions cornéennes (kératites ou kératoconjonctivites).

Étiologies : deux grands types de sécheresse oculaire

Hyposécrétion de la couche aqueuse du film lacrymal

La sécrétion de la couche lacrymale est sous contrôle nerveux (expliquant certaines sécheresses d’origine iatrogène liées, par exemple, à des médicaments atropiniques, aux rétinoïdes, aux diurétiques) et hormonal, notamment par les androgènes, d’où une plus grande fréquence de la sécheresse oculaire liée à l’âge chez les femmes. Autres causes plus rares : une maladie auto-immune, telle que le syndrome de Gougerot-Sjögren.

Instabilité du film lacrymal créant une hyperévaporation des larmes

La cause la plus fréquente est le dysfonctionnement des glandes de Meibomius observé en cas de blépharite mais aussi de rosacée ou de dermite séborrhéique. Autre cause : conjonctivite allergique à l’origine d’une inflammation chronique. Parfois les deux types de mécanisme à l’origine de la sécheresse oculaire sont intriqués.

Prise en charge

Limites du conseil

Une prise en charge officinale permet d’apaiser l’inconfort après avoir écarté tout signe de gravité (par exemple, douleur importante, altération de la vue, photophobie). En cas de port de lentilles de contact, si les symptômes persistent malgré les substituts lacrymaux et le respect des conditions de port et d’entretien, les retirer et consulter rapidement l’ophtalmologiste. Une consultation ophtalmologique doit également être programmée lorsque les symptômes se répètent ou s’ils ne sont pas suffisamment soulagés par les substituts lacrymaux en automédication ou prescrits par le médecin traitant.

Principes

Il n’existe pas de traitement curatif de la sécheresse oculaire. En revanche, bien employés, les substituts lacrymaux pallient efficacement la déficience du film lacrymal. Ils se distinguent par leur viscosité, c’est-à-dire leur propension à se maintenir sur la cornée (rémanence). Un produit à forte rémanence permet une action plus longue mais avec le risque de gêner transitoirement la vision. La prise en charge d’une éventuelle pathologie associée est parallèlement essentielle.

Les substituts lacrymaux

Conseils généraux

L’usage de références sans conservateurs, qui peuvent déstabiliser la couche lipidique du film lacrymal, est particulièrement important. La tolérance et le soulagement des différents produits étant variables, il faut parfois en essayer plusieurs avant de trouver celui qui convient. Les formules les plus récentes ou sophistiquées ne sont pas toujours celles qui conviennent le mieux.

Différentes familles

Le sérum physiologique et les polymères de vinyle sont parmi les plus fluides.

Les polymères de cellulose, plus ou moins fluides selon les formules, ont une viscosité légèrement supérieure.

Les carbomères et l’acide hyaluronique offrent les meilleures rémanences avec, selon leur concentration, des formules plus ou moins visqueuses : la forme gel peut induire un flou transitoire, voire, notamment pour les carbomères, des dépôts sur les cils. Certaines formules intègrent des composants agissant sur l’osmolarité (comme le tréhalose ou la lévocarnitine) ou des lipides pour suppléer un déficit potentiel, ou encore associent plusieurs polymères dans le but d’améliorer la rémanence et la tolérance.

Choix

Il est nécessaire de guider le patient pour trouver le bon produit et l’horaire le mieux adapté à son instillation, afin d’en tirer un bénéfice sans gêne visuelle. Il est recommandé de combiner deux collyres de viscosité différente : un plus visqueux qui agit plus longtemps, utile la nuit mais aussi en journée à condition d’anticiper l’utilisation (5 minutes avant de lire, travailler sur un écran, conduire) ; et une formule fluide « en dépannage » qui agit vite sans provoquer de gêne.

Instillations

À la demande en journée, ainsi que le soir au coucher et le matin au réveil, car la sécheresse tend à s’intensifier la nuit (due notamment à une diminution de la sécrétion de larmes et à l’absence de clignements de l’œil). Se laver les mains puis instiller une ou deux gouttes à la fois, pas plus : le surplus n’est de toute façon pas absorbé. Respecter un délai de 5 minutes en cas d’association à d’autres collyres, en terminant par le substitut lacrymal, généralement plus visqueux. Les formes en spray, dépourvues de conservateurs, s’appliquent sans toucher l’œil et sont appréciées des personnes qui ont du mal à mettre des gouttes dans l’œil.

Conseils complémentaires

Lors de travail sur écran

Cligner fréquemment des yeux. Faire des pauses toutes les 20 minutes en regardant au loin durant 20 secondes, prévoir un éclairage correct, le regard à l’horizontal doit se porter sur le haut de l’écran de sorte que la lecture se fasse regard légèrement vers le bas.

Limiter l’impact de facteurs aggravants

Porter des lunettes de soleil en extérieur, éviter les lieux enfumés.

Acides gras essentiels

Leur rôle dans la sécheresse oculaire est établi (« Surface oculaire », Société française d’ophtalmologie (SFO), 2015). Plusieurs études concluent à un bénéfice léger des oméga 3. Ils peuvent notamment être recommandés dans les sécheresses insuffisamment soulagées par les substituts lacrymaux ou chez les personnes consommant peu de poissons gras.

Avec l’aimable relecture du Dr Serge Doan, ophtalmologue à l’hôpital Bichat (Paris) et à l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild (Paris)

Article issu du cahier Formation du n°3558, paru le 19 avril 2025​​​​​

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