« J’ai bricolé dans la poussière et depuis, j’ai les yeux rouges ». Les irritations conjonctivales par des poussières, fumées ou autres substances sont traitées localement. Le traitement repose sur un lavage oculaire et une prise en charge symptomatique adaptée à la cause de l’irritation.
Contexte
Une irritation conjonctivale, uni- ou bilatérale, peut survenir à la suite d’une exposition à différentes substances ou conditions (pollution, poussière, fumée de tabac, vent, soleil, eau de mer ou de piscine, maquillage, etc.) ou être liée à d’autres facteurs, tels que la fatigue, la sécheresse oculaire ou le port prolongé de lentilles.
Anatomie de l’œil
Signes cliniques
L’irritation se manifeste par une rougeur oculaire liée à une hyperhémie (accumulation de sang dans les capillaires), sans sécrétion mais avec un léger larmoiement, le plus souvent associée à une sensation de « grain de sable ».
Limites du conseil
En cas de douleur, de photophobie ou de baisse de l’acuité visuelle, le patient doit être orienté vers une consultation médicale en urgence.
La conjonctivite
La conjonctive, qui participe à la protection du globe oculaire avec les paupières et l’appareil lacrymal, est une muqueuse riche en vaisseaux sanguins et lymphatiques.
La conjonctivite se manifeste par une inflammation de la conjonctive : l’œil est rouge en raison de l’hyperhémie des vaisseaux conjonctivaux et cela peut être associé à une gêne oculaire non douloureuse. En fonction de son origine, d’autres signes caractéristiques sont associés : sécrétions en cas d’origine infectieuse, démangeaisons en cas d’allergie, larmoiement en cas d’irritation. L’acuité visuelle est conservée et l’œil est typiquement non ou peu douloureux.
Conseils officinaux
Lavage oculaire
Un lavage à l’aide de sérum physiologique ou d’une solution de lavage oculaire boratée aux propriétés antiseptiques et astringentes (par exemple : Dacryoserum, Dacryum, Dos’Optrex, Ciella qui contient aussi de l’acide salicylique), 3 à 4 fois par jour, permet d’éliminer les impuretés éventuelles.
Collyres anti-irritation
En cas d’irritation importante, attendre au moins 5 à 10 minutes après le lavage oculaire pour instiller un collyre anti-irritation, de préférence sans conservateurs (eux-mêmes irritants). Ces collyres sont formulés à base de plantes traditionnellement utilisées pour leurs effets apaisants, notamment le plantain lancéolé ou l’euphraise : 1 à 3 instillations par jour, voire plus fréquemment en cas de besoin.
La durée du traitement est en moyenne de 5 à 7 jours et ne doit pas excéder 10 jours. Le port de lentilles de contact est déconseillé durant toute la durée de l’irritation. En l’absence d’amélioration, un avis médical est nécessaire.
Autres collyres
Selon la cause de l’irritation, d’autres collyres peuvent être associés : antiseptique en cas de risque de surinfection ou substitut lacrymal en cas de sécheresse oculaire. Souvent, l’instillation d’un substitut lacrymal seul peut suffire à soulager les symptômes d’irritation oculaire. Les collyres qui renferment un vasoconstricteur ayant une indication dans l’hyperhémie (comme la brimonidine dans Lumobry ou la naphazoline dans Collyre Bleu Laiter) ne peuvent être obtenus que sur prescription médicale en raison de leurs effets indésirables locaux (irritation, risque de glaucome par fermeture de l’angle, mydriase, notamment) et exceptionnellement systémiques (tels qu’une augmentation de la pression artérielle, une pâleur, des tremblements, une céphalée ou des troubles du rythme), de leurs contre-indications (hypertension artérielle, affections cardiaques, hyperthyroïdie, glaucome par angle fermé, port de lentilles souples), ainsi que de leurs interactions (méthylphénidate, pseudoéphédrine, bromocriptine, etc.).
Prévention
Certaines situations à risque d’irritation oculaire nécessitent des précautions :
porter systématiquement des lunettes de soleil en cas d’ensoleillement, voire des lunettes fermées sur le côté en cas de risque de réverbération (mer et neige principalement), des lunettes de piscine ou un masque de plongée pour la baignade ;
limiter le temps passé devant les écrans et quitter l’écran des yeux régulièrement ;
humidifier l’atmosphère sèche d’une pièce.
Qu’en pensez-vous ?
Rémi, en vacances à la montagne souffre d’« ophtalmie des neiges » avec yeux rouges, photophobie, larmoiement et douleur, apparus après quelques heures de ski. Il demande combien de temps ses symptômes vont durer :
A. Quelques heures
B. Quelques jours
Réponse : les signes cliniques de la kératoconjonctivite phototraumatique ou « ophtalmie des neiges », peuvent survenir de quelques minutes à quelques jours après l’exposition (mer, neige). Les yeux doivent être mis au repos dans la quasi-obscurité à l’aide d’une compresse et de sparadrap pendant plusieurs heures. Les symptômes, soulagés par un collyre anti-irritation, une pommade à base de vitamine A et éventuellement du paracétamol, doivent disparaître après quelques heures. Dans le cas contraire, Rémi devra consulter rapidement un ophtalmologue. Si la douleur est intense ou en cas de baisse de l’acuité visuelle, la consultation est nécessaire d’emblée. Il fallait choisir la première proposition.
Bon usage des lentilles
Les lentilles diminuent l’oxygénation de l’œil et l’action du film lacrymal. Le port prolongé peut par ailleurs provoquer une sécheresse oculaire, voire une irritation. Un bon entretien est également nécessaire.
Entretien
Les lentilles journalières ne nécessitent aucun entretien particulier. Les lentilles non journalières doivent être placées le soir dans leur étui, propre, avec une solution d’entretien adéquate (solutions multifonctions, solutions oxydantes/de neutralisation). Ne jamais rincer les lentilles avec un liquide autre que le produit d’entretien adapté ou du sérum physiologique : l’eau du robinet, l’eau minérale et la salive qui, en plus de ne pas suffisamment hydrater la lentille et la rendre moins souple, sont à proscrire car à risque de développer une kératite bactérienne, fongique ou amibienne. Bien respecter la durée d’utilisation des lentilles : journalières, bimensuelles, mensuelles ou annuelles.
Port
Il est conseiller de :
ne pas porter de lentilles en cas de conjonctivite et/ou d’irritation oculaire ;
de limiter le temps de port des lentilles à 8 heures par jour et faire une pause d’un jour par semaine ;
d’éviter le port des lentilles lors d’activités aquatiques et dans les lieux pauvres en oxygène (avion ou séjour en altitude, par exemple) ;
de choisir des produits de maquillage hypoallergéniques, de les appliquer après la pose des lentilles et de procéder au démaquillage après leur retrait.
Avec l’aimable relecture du Dr Paul Bastelica, chirurgien ophtalmologue à l’hôpital national des quinze-vingts à Paris et à l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).