Onychomycoses : comprendre, traiter et prévenir les récidives

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Onychomycoses : comprendre, traiter et prévenir les récidives

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Publié le 6 octobre 2025
Par Nathalie Belin
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Les mycoses de l’ongle, à l’origine d’une gêne esthétique, parfois de douleurs, sont des pathologies bénignes chez un individu par ailleurs en bonne santé. Le conseil doit cibler les difficultés que sont l’observance, la durée du traitement… et les récidives, fréquentes !

Infections relativement courantes de l’ongle, les onychomycoses sont généralement dues à des dermatophytes (genre Trichophyton) qui atteignent plutôt les ongles de pieds. Les onychomycoses à Candida albicans concernent plus souvent les ongles des mains. Les moisissures, plus rares, surviennent davantage en zones tropicales au niveau des ongles des pieds.

Quels sont les facteurs de risque ?

Ils sont essentiellement environnementaux en ce qui concerne l’atteinte des pieds : pratiques sportives ou professionnelles associées à un risque d’humidité ou de transpiration et/ou de microtraumatismes locaux (port prolongé de chaussures serrées, fermées, running, escalade, activités nautiques, etc.). Le diabète est en outre un facteur de risque ainsi que, plus généralement, les pathologies vasculaires périphériques. Des déformations des pieds peuvent favoriser la macération (hallux valgus, orteils en marteau, par exemple) et également être en cause.

Les atteintes des ongles des mains apparaissent surtout chez des patients immunodéprimés ou diabétiques ou qui présentent une prédisposition génétique entraînant des candidoses cutanéomuqueuses chroniques. L’humidité excessive des mains (par exemple, chez les professionnels de santé ou de l’alimentation) offre aussi un terrain propice.

Comment reconnaître une mycose de l’ongle ?

L’atteinte est le plus souvent distolatérale : l’ongle prend une coloration blanche ou jaune, devient friable, s’épaissit et se décolle (onycholyse) progressivement en remontant vers la matrice.

Une forme superficielle, caractérisée par la présence de petits îlots blancs sur l’ongle, est parfois observée. Une atteinte d’emblée matricielle fait rechercher une immunosuppression sous-jacente.

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Précédant ou accompagnant l’infection des ongles, une mycose cutanée (périonyxis au niveau des ongles des mains, pied d’athlète ou intertrigo interorteils au niveau des pieds) entraînant rougeur, fissures puis desquamation de la peau, est fréquente.

Quels sont les diagnostics différentiels ?

Ils sont nombreux. Au moins la moitié des affections unguéales ne seraient pas d’origine fungique mais dues à des microtraumatismes unguéaux, à des pathologies (psoriasis, lichen plan, pelade, par exemple), voire à une tumeur maligne. Des médicaments immunosuppresseurs sont à l’origine d’onychopathies ou de lésions périunguéales (notamment les taxanes et les anthracyclines).

Un prélèvement mycologique est ainsi recommandé en cas de doute diagnostique ou avant l’instauration d’un traitement oral. En pratique, il est préconisé d’avoir cessé tout traitement antifongique oral ou local depuis au moins 3 mois avant le prélèvement.

Quelles sont les complications ?

Une onychomycose ne guérit généralement pas spontanément mais les complications sont rares. Il s’agit essentiellement de surinfections bactériennes qui concernent surtout les patients diabétiques ou souffrants de pathologies vasculaires périphériques.

Quelle est la prise en charge ?

Les traitements locaux en vernis ou en solutions filmogènes (amorolfine 5 % et ciclopirox) sont utilisés seuls en l’absence d’atteinte matricielle.

En cas d’onycholyse ou d’épaississement important de l’ongle, les zones atteintes doivent être éliminées, pour permettre une bonne diffusion des antifongiques, de manière mécanique (les zones sont découpées par le médecin ou le dermatologue) ou chimique : l’urée à 40 % est alors utilisée sous pansement occlusif quotidien durant 1 à 3 semaines (en association avec un antifongique, le bifonazole, dans Amycor Onychoset, sur liste I) avant de poursuivre avec un antifongique seul. Un dispositif médical (Xerial 40), qui s’emploie sans occlusion (et dont l’action est moins rapide), est également disponible.

Un traitement systémique (terbinafine, itraconazole, notamment) est associé ou utilisé à la place du traitement local si l’atteinte concerne plus de 50 % de la surface de l’ongle ou la matrice ou encore si plus de 2 ou 3 ongles généralement sont atteints.

Quels conseils à l’officine ?

Orienter. Un avis médical est nécessaire en cas de diabète, d’immunodépression ou de troubles circulatoires périphériques (syndrome de Raynaud, artérite) ou si l’ongle est très épaissi, voire décollé. Les traitements conseil à base d’amorolfine (LocerylPro et génériques) sont réservés aux atteintes limitées au tiers distal de l’ongle et concernant au plus 2 ongles (des mains ou des pieds).

Clarifier la stratégie. Réservés à l’adulte, les vernis antifongiques offrent un large spectre d’actions ciblant les dermatophytes, les levures et certaines moisissures, ce qui les rend efficaces même en l’absence d’identification du germe en cause, du moment que l’atteinte n’est pas matricielle. Ils doivent être appliqués jusqu’à la repousse complète de l’ongle sain : soit environ 6 mois pour les ongles des mains, 9 mois pour ceux des pieds, voire davantage.

Détailler les applications. Outre le respect des modalités d’emploi, recommander de limer les ongles atteints 1 fois par semaine et de couper régulièrement les bords libres. Un bain de pied de 10 minutes dans l’eau tiède facilite cette « toilette ».

Informer des effets indésirables possibles et des précautions. Des rougeurs, démangeaisons, sensations de brûlures, généralement passagères et bénignes, peuvent survenir. L’application d’un vernis coloré au-dessus du vernis traitant est déconseillée sauf pour l’amorolfine à condition d’attendre au moins 10 minutes après la pose.

Rechercher une atteinte cutanée associée. Elle doit être traitée parallèlement à l’aide d’une crème ou d’une poudre antifongique (éconazole, isoconazole, par exemple).

En prévention. Durant le traitement et après guérison, certaines mesures permettent de limiter les récidives : inspecter ses pieds de manière régulière et soigner un intertrigo sans tarder ; bien sécher les pieds et les espaces interdigitaux ; couper les ongles courts sans agresser la peau saine autour ; porter un chaussage adéquat dans les piscines, vestiaires et salles de sport ; changer de chaussettes chaque jour et décontaminer de façon hebdomadaire les chaussures et chaussons à l’aide d’une poudre antifongique. Avoir plusieurs paires de chaussures pour en changer régulièrement.

Les produits conseils non médicamenteux, renfermant des composants à visée fongistatique (tels que la piroctone olamine ou des huiles essentielles) ou kératolytique (à base d’urée notamment) ou créant un environnement défavorable au développement du champignon (acide acétique, acide citrique, etc.), peuvent être utiles en cas d’atteinte légère ou en prévention, bien que leur efficacité n’ait pas été démontrée par des études cliniques.

Sources : « Diagnostic et traitement des onychomycoses », Revue médicale suisse, 2005 ; « Onychomycoses - Modalités de diagnostic et prise en charge », Société française de dermatologie, 2007 ; « Onychomycoses en pratique clinique », La Revue du praticien, 2022.