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Répondre au naturel
Conseiller un produit « naturel ». Bio, à base de plantes… chacun a sa définition de ce qui n’est pas chimique. Clarifier la demande et se former sont gages de réponses efficaces.
Comprendre la demande
Faire préciser la définition
En pharmacie, l’évocation d’un « produit naturel » signe une volonté du patient de s’éloigner de la chimie. Toutefois, la requête reste vague. Complément alimentaire, produit bio, à base de plantes, sans additifs ou perturbateurs endocriniens, quel est la demande exacte ?
→ Délimiter la notion de « naturel ». Votre définition d’un tel produit n’est pas nécessairement celle du patient. Il peut en avoir une idée précise ou non, avoir ses préférences, ses habitudes, ou encore vouloir un produit naturel mais ne pas croire, par exemple, en l’homéopathie.
→ Éviter les quiproquos. Précisez la demande : « Avez-vous une préférence : plantes sèches, gemmothérapie, huiles essentielles, compléments alimentaires à base de plantes, homéopathie… ? »
Rechercher l’objectif
→ En général, le produit naturel ne vise pas à éradiquer les symptômes au plus vite, mais à stimuler les défenses naturelles. C’est le cas d’un complexe de plantes en cas de rhume, par exemple. Les symptômes mettent plus de temps à disparaître qu’en optant pour un traitement chimique. Les patients « branchés naturels » en sont conscients.
→ Si le patient veut apaiser rapidement ses symptômes, orientez votre conseil vers des plantes ou des huiles essentielles, dont l’action sur les symptômes est ciblée et a priori plus rapide.
Cibler les cas adaptés
Repérer les adeptes
→ La femme enceinte est soumise à de nombreuses recommandations – aliments sans pesticides, crèmes sans parfum, sans perturbateurs endocriniens… – ou interdictions : alcool, médicaments… Une prise de conscience de la nocivité des produits de consommation courante s’opère fréquemment durant la grossesse et perdure parfois. Le produit naturel est vu comme rassurant, devient synonyme de « prendre soin » du bébé, du foyer. Son usage entre dans les habitudes et devient parfois une priorité. La question « Est-ce que c’est naturel ? » face au gel dentaire pour bébé proposé est classique.
→ La désertification médicale et la Covid-19 ont incité à agir sur la prévention : cures de vitamines à l’approche de l’hiver, etc.
Identifier les situations propices
→ Pour les bobos du quotidien, en automédication, rhume, toux, contracture musculaire, ou en complément de l’ordonnance, par exemple avec antibiotiques, certains clients demandent : « Avez-vous des probiotiques ? »
→ En préventif, par exemple pour stimuler l’immunité, à l’approche de l’hiver.
→ En dermo-cosmétique, les clients sont de plus en plus attentifs à la composition de leurs déodorants ou crèmes.
Ceux qui les achètent en pharmacie peuvent rechercher des produits de qualité, parfois bio, mais surtout avec peu d’ingrédients, sans additifs, perturbateurs endocriniens, composants controversés, colorants.
→ En soutien d’un traitement lourd. Certains patients ont entendu parler de tel produit réputé soulager tel effet indésirable de la chimiothérapie : fatigue, nausées…
→ En recherche d’une alternative naturelle, en cas de symptômes chroniques ou de trouble fonctionnel bénin qu’ils soulagent d’habitude avec un médicament.
Rester professionnel
La confiance du patient repose sur la connaissance des produits par l’officinal, la qualité des explications et l’actualisation de ses connaissances.
Expliquer
→ Soyez pédagogue. Les clients sont souvent très informés – parfois mal ! –, et demandent beaucoup d’explications. Ils veulent comprendre et beaucoup souhaitent être acteurs de leur santé. Ils s’interrogent : « Pourquoi tel produit et pas tel autre ? » Montrer le pictogramme qui rassure derrière les boîtes, voire les formules, même si c’est scientifique, est un gage de professionnalisme.
→ Accompagnez les applis. Certains clients font appel à des applications comme Yuka, INCI Beauty, etc. qui se basent chacune sur des critères différents. Certaines notent mauvais des ingrédients pourtant davantage indiqués que d’autres au regard du profil du patient. Personnalisez votre conseil : « Je vous déconseille ce produit de la ruche, étant donné que vous êtes allergique au miel. »
Mettre en garde
→ Anticiper. Qui dit produit naturel, ne dit pas innocuité. L’officinal doit anticiper la iatrogénie et les interactions potentielles avec les pathologies et traitements en cours, dont il a connaissance, contrairement, par exemple, au personnel du magasin bio (lire Enquête p. 16) : « Je vois que vous êtes enceinte. Je vous déconseille fortement l’huile essentielle de menthe poivrée dangereuse pour le fœtus », « Vous êtes sous anticoagulants, je vous déconseille ce produit à base de curcuma pour remédier à vos douleurs de dos »…
→ Relativiser les notations des applications : « Vous avez un terrain allergique. Je vous conseille plutôt cette crème que ce produit aux huiles essentielles, bien noté sur votre application mais qui peut provoquer des allergies. »
Se former
Bien connaître ses produits
Il n’y a rien de plus gênant que le professionnel qui ne connaît pas son produit et qui cherche désespérément des éléments de réponse sur le packaging pour les répéter. Votre rôle ? Conseiller le bon produit, au bon patient, au bon moment, à la bonne posologie, au bon dosage !
Se maintenir au niveau
→ Faire des fiches produits et mettre des pop-up, pour ne pas passer à côté d’une contre-indication ou d’une interaction.
→ Surveiller les évolutions de formules et l’actualité : changements de dosage, surdosages à cause de produits mal calibrés ou d’un manque d’information, etc.
Guider le client
Questionner à bon escient
→ Investiguez le besoin. Même si le client sait ce qu’il veut, questionnez a minima : « Pour quelle maladie souhaitez-vous ce produit ? », « Est-ce pour vous ? » Si oui : « Avez-vous l’habitude de l’utiliser ? » S’il répond : « Oui, oui, je l’utilise depuis 15 ans », la vigilance ne sera pas la même que s’il dit : « Non, mais j’ai lu dans un magazine que c’est efficace pour ce que j’ai. » Dans les deux cas, assurez-vous que le produit est bien indiqué : « Quels sont vos symptômes ? » Si le produit convient : « Oui, en effet, il peut être efficace, mais il ne doit pas être pris n’importe comment, ni en association avec tel médicament. Il peut aussi provoquer des allergies. Si vous le voulez bien, nous allons faire le point sur vos antécédents. »
→ Choisissez la galénique adaptée. Là encore, questionnez. Si le patient a besoin de sirop mais qu’il passe ses journées en voiture ou en déplacement, orientez-le plutôt vers une forme solide, pastille, gélule ou comprimé.
→ Tenez compte du rapport qualité/prix. Si le produit vise une cure prolongée sur plusieurs mois, un prix élevé pourrait être rédhibitoire. Pensez à l’observance liée au budget et demandez : « Ce produit, pour être efficace, nécessite une cure de trois mois. Est-ce que le prix de la cure vous semble acceptable ? » Si la personne hésite ou demande un produit moins cher, proposez une alternative, gage d’une bonne observance.
Associer l’hygiène de vie
Le produit est-il vraiment nécessaire ? Le symptôme trouve parfois sa source dans une mauvaise habitude à perdre.
→ Questionnez. « Quelle est votre alimentation sur une journée type ? Quels produits consommez-vous au quotidien ? »
→ Informez. Demandez toujours avant de donner des informations : « Que savez-vous des effets de l’alimentation sur le reflux ? », puis : « Puis-je me permettre de vous apporter quelques informations ? » Ainsi, vous transmettrez quelques points pratiques. Par exemple : « Réduire le grignotage apaise le reflux gastro-œsophagien », « Ce produit très sucré entraîne un pic d’insuline, qui s’effondre brutalement au bout d’une heure et demie à 2 heures, ce qui peut provoquer une hypoglycémie et une sensation de malaise. » Il s’agit de donner des clés au patient pour comprendre que tel comportement a tel effet et amorcer un éventuel changement.
→ Respectez. Certaines personnes vous remercieront – « Ah ! Je comprends mieux ! Pourquoi ne me l’a-t-on pas dit avant ? » – d’autres se sentiront incapables de modifier leur comportement pour l’instant. Délivrez le produit en précisant : « Ce sera peut-être suffisant pour que tout rentre dans l’ordre cette fois-ci, mais si la situation se dérègle à nouveau, revenez et nous verrons comment agir alors. » Vous offrez l’opportunité d’une prise de conscience sur le « prendre soin de soi », invitant ces patients à sortir du : « Il faut que ça aille vite, en une fois, sans engagement, en prenant une pilule magique. »
Avec l’aimable collaboration de Céline Devesa, naturopathe et préparatrice en pharmacie, et d’Aurélie Vieillard, docteur en pharmacie, naturopathe et réflexologue plantaire.
Avis de la spé
Aurélie Vieillard, docteur en pharmacie, naturopathe et réflexologue plantaire à Anost (71)
Au départ, les clients viennent réclamer un produit naturel pour supprimer un symptôme quand, à 40, 50 ans, la prise de sang n’est pas parfaite : borne haute de la glycémie, cholestérol, prise de tension qu’ils n’arrivent pas à réguler… Ils ne s’attendaient pas à de tels résultats, car ils se sentent encore jeunes, et sont presque effrayés en s’imaginant investir le pilulier de grand-mère ! Ils n’ont pas la culture de l’hygiène de vie préventive, ne savent pas qu’en modifiant leur alimentation ou en jouant sur l’activité physique, ils peuvent améliorer la situation. Quoi qu’il en soit, la visite de ces patients en pharmacie est l’occasion de les intercepter pour faire passer des messages. L’équipe officinale a son rôle à jouer pour éduquer le patient sur l’hygiène de vie préventive, en développant un conseil, un service qui fera la différence.
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