Prendre en charge la crise hémorroïdaire à l’officine

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Prendre en charge la crise hémorroïdaire à l’officine

Publié le 1 juin 2025
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Les hémorroïdes forment un réseau de vaisseaux internes et externes au niveau du canal anal. Lorsqu’elles dysfonctionnent, elles peuvent provoquer des crises souvent bénignes mais gênantes. Fréquentes entre 40 et 65 ans, elles touchent autant les hommes que les femmes. Un tiers des adultes en ont déjà souffert.

Questionner

Pour déterminer si la situation relève du conseil pharmaceutique (voir infographie) et orienter la prise en charge, il convient d’interroger le patient sur certains éléments.

La situation

  • Quel est l’âge du patient ?
  • Quels sont les symptômes : intensité de la douleur, prurit, prolapsus (extériorisation par l’anus), rectorragies ? Depuis quand sont-ils ressentis ?
  • Existe-t-il des troubles du transit associés : constipation, diarrhées ?
  • Une grossesse est-elle en cours ?

Les antécédents

  • S’agit-il d’une première crise ou d’une récidive. Dans le. cas d’une récidive, la première crise était-elle diagnostiquée par un médecin ? Quel délai s’est écoulé entre les crises ?
  • Le patient souffre-t-il d’une pathologie digestive chronique (notamment maladie inflammatoire chronique de l’intestin), d’un antécédent de cancer colorectal ?

Limites du conseil

Les symptômes des hémorroïdes ne sont pas spécifiques. Certaines situations nécessitent donc une consultation médicale pour un examen clinique, en particulier en cas de maladie chronique intestinale, d’antécédents de tumeurs colorectales, de récidives fréquentes des crises hémorroïdaires dans l’année, de douleur forte, de sang mêlé aux selles, d’amaigrissement ou de fatigue inhabituelle.

À l’officine, la prise en charge est possible pour un adulte capable de reconnaître des symptômes déjà identifiés par un médecin et en l’absence de signes d’alertes.
Elle est toujours médicale en première intention et associe généralement plusieurs mesures symptomatiques.

Prendre en charge à l’officine

Soulager les symptômes

Les topiques, sous forme de gels, de pommade, de crème et de suppositoires sont recommandés en phase aiguë pour apaiser la douleur et faciliter l’exonération des selles. Ils peuvent contenir des agents filmogènes, des lubrifiants, des cicatrisants, des assainissants, des phlébotropes, voire un anesthésique local en cas de douleurs plus importantes.

Posologie : de 1 à 4 applications par jour selon la référence, pendant 7 jours au maximum.

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Suppositoires et crème peuvent être associés.

Les phlébotoniques per os, d’origine végétale (vigne rouge, hamamélis, marronnier d’Inde, ginkgo biloba, esculosides, rutosides, notamment) ou synthétique (par exemple, diosmine, troxérutine, heptaminol), peuvent contribuer à améliorer les symptômes, notamment la douleur, le prurit, les rectorragies et le soiling (perte involontaire de sécrétions anales).

Posologie : à prendre au milieu du repas, à dose maximale d’emblée et en cure courte de 7 à 21 jours selon les produits.

Éviter l’heptaminol en cas d’hypertension artérielle non équilibrée ou d’hyperthyroïdie et le ginkgo biloba sous traitement anticoagulant ou antiépileptique.
Les antalgiques per os peuvent être associés si besoin : anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), qui agissent sur la douleur et l’inflammation, ou paracétamol. L’aspirine est à proscrire car elle risque de majorer les saignements.

Posologie : dose efficace la plus faible possible et sur la durée la plus courte, ne devant pas dépasser 5 jours sans avis médical.

Les corticoïdes topiques ne sont délivrés que sur prescription médicale.

Réguler le transit

Constipation ou, plus rarement, diarrhées, favorisent la crise et ralentissent la guérison. Les efforts de poussée accentuent par ailleurs la douleur et le risque de saignements.

En cas de constipation, augmenter les apports quotidiens hydriques et en fibres (céréales complètes, légumes verts, fruits, par exemple) et pratiquer une activité physique régulière. Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, associer un laxatif doux, par voie orale, de lest (ispaghul, psyllium) ou osmotique (polyols, macrogol).
En cas de diarrhée, adopter un régime plus pauvre en fibres et en graisses, associé si besoin à un antidiarrhéique ponctuellement, tel qu’un pansement intestinal, le racécadotril ou éventuellement le lopéramide.

Accompagner

La prise en charge doit s’accompagner de conseils pratiques :

  • éviter autant que possible les efforts de défécation. Aux toilettes, adopter une position facilitant l’évacuation des selles, genoux légèrement surélevés sur un marche-pied. Remplacer si possible le papier hygiénique par une toilette à l’eau, moins irritante. Des lingettes pré-imprégnées d’agents lavants, apaisants, voire de phlébotropes, peuvent être utiles en l’absence de point d’eau ;
  • utiliser pour la toilette biquotidienne (et après chaque selle) un lavant doux, idéalement sans savon et enrichi en agent apaisant. Préférer les douches aux bains chauds qui favorisent la vasodilatation locale ;
  • l’application des topiques peut être facilitée par l’usage de doigtiers ou, lorsque les plexus hémorroïdaires restent internes, de canules fournies avec certains topiques ;
  • si les symptômes persistent au-delà de 7 jours, un avis médical est nécessaire.

Prévenir les récidives

La régularisation du transit est la seule mesure préventive au long cours à avoir montré son efficacité sur les symptômes hémorroïdaires. Les mesures hygiénodiététiques, voire l’utilisation ponctuelle de modificateurs du transit doivent être poursuivies en cas de prédisposition à la récidive.

Sources : « Recommandations pour la pratique clinique du traitement de la maladie hémorroïdaire », Société nationale française de coloproctologie, janvier 2014, mis à jour en août 2022 ; « Prise en charge de la maladie hémorroïdaire : recommandations européennes », Association française de formation médicale continue en hépato-gastroentérologie, POST’U, 2021 ; « Pathologie hémorroïdaire », La Revue du praticien, 19 octobre 2022 ; « Hémorroïdes : définition, facteurs favorisants et symptômes », Assurance maladie, février 2025.

La crise hémorroïdaire chez la femme enceinte

La crise hémorroïdaire nécessite un avis médical. La prise en charge de première intention est la même qu’en population générale : mesures de régulation du transit, topiques, phlébotoniques et antalgiques.

Faute d’études, les monographies des topiques déconseillent leur usage durant la grossesse mais le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) autorise leur usage sur la base du recul d’usage, en privilégiant les spécialités pour lesquelles les données sont les plus fournies, notamment Titanoréïne avec ou sans lidocaïne, Tronothane à base de pramocaïne ou les topiques contenant des corticoïdes (sur prescription). De même pour les phlébotropes, utilisables quel que soit le terme de la grossesse en privilégiant la diosmine, l’hespéridine, la troxérutine et le rutoside, mieux documentés. L’utilisation d’AINS est formellement contre-indiquée dès le sixième mois de grossesse.