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Portrait : elles se sont installées en milieu rural
« Nous voulions exercer dans une atmosphère chaleureuse, pouvoir tisser du lien avec les patients. Cela nous semblait bien plus difficile dans l’environnement parfois très concurrentiel de la ville », explique Sophie Dutreix, cotitulaire avec Manon Giroir, depuis l’automne 2021, de la pharmacie Dutreix-Giroir de Bujaleuf, en Haute-Vienne. Dans cet écrin de verdure situé en bordure d’un lac éponyme, au sein du parc naturel du plateau de Millevaches, les deux trentenaires ont trouvé leur port d’attaches après quelques mois de recherche seulement, au détour d’une petite annonce dénichée sur Internet. « Un peu par hasard, sur un site qui ne concernait absolument pas les entreprises médicales, quand les transactionnaires contactés n’avaient rien à nous proposer », s’amuse Sophie Dutreix.
Le cadre idéal
Avec ses 800 habitants, et à moins de 40 minutes de Limoges où les deux amies se sont connues durant leurs études, le village de Bujaleuf répond parfaitement au cahier des charges établi. « Au début, j’étais un peu réticente. J’avais peur que ce soit trop petit pour deux titulaires », confesse la pharmacienne. Ses doutes se sont estompés dès la première visite. Les deux amies découvrent une officine quasiment neuve, un outil remis aux normes par leur prédécesseure dans l’optique de son départ à la retraite et d’une cession. Mobilier, parquet et gestion des stocks récemment informatisée, etc. : « On a pu se concentrer tout de suite sur notre cœur de métier, et nous former à la gestion. » Avec un chiffre d’affaires annuel de près de 1 million d’euros, les experts-comptables les rassurent également sur la faisabilité de leur projet à deux. Enfin, une rapide enquête de terrain pour mieux connaître l’environnement médical alentour achève de les convaincre. La généraliste du village leur témoigne sa volonté de s’implanter de manière pérenne, la présence d’un centre de santé dans la communauté d’agglomération est une autre source de prescriptions providentielle…
Une mission de service public
450 000 € investis dans l’achat et trois ans d’exercice plus tard, aucun regret ne semble ternir leur décision. Immédiatement adoptées par une population séduite par leur jeunesse et leur dynamisme, le meilleur des antidotes au vieillissement et à l’exode des territoires ruraux, elles louent « la fidélité de leur patientèle, la solidarité entre professionnels de santé ». À quiconque tenté de marcher dans leurs pas et de s’installer au vert, Sophie Dutreix rappelle « l’importance d’avoir l’envie de garantir la pérennité de l’accès aux soins de personnes isolées, parfois grabataires ». De réaliser une démarche de service public en somme. Ainsi, elles se sont rapidement formées aux nouvelles missions : vaccination, prescription d’antibiotiques en cas d’angine ou de cystite, tests antigéniques… « Non seulement cela nous a permis de nous faire connaître auprès des patients – nous avons été les premières du coin à proposer des tests de dépistage du Covid-19 –, mais c’est aussi une expérience extrêmement valorisante. Nous avons réellement le sentiment de soutenir un système de santé en difficulté. Il est essentiel que nous puissions aider à soulager les médecins, déjà fortement sollicités, en prenant en charge certaines de leurs tâches », détaille la cotitulaire.
À deux, c’est mieux
Face à l’ampleur de la tâche, elles ne peuvent d’ailleurs que se féliciter de la partager à deux. « Nous n’avions jusqu’alors qu’une expérience d’adjointe chacune, c’est tout de même plus sécurisant de découvrir les aspects entrepreneurial et gestionnaire du métier. Domaines auxquels notre formation nous prépare peu en réalité. »
Un autre atout de l’association est la possibilité de concilier vie professionnelle et personnelle. Lorsque Manon Giroir est partie en congé maternité l’an dernier, sa partenaire de travail a pris le relais sans difficulté. Tout avait été anticipé en amont, y compris la gestion d’un éventuel départ futur, grâce à un pacte d’associées. « La confiance entre nous est totale. L’idée est de prévoir chaque situation difficile ou imprévue afin d’être prêtes le moment venu », souligne la cotitulaire. Elle ajoute que, face aux difficultés et aux coûts élevés du recrutement d’un adjoint, cette organisation leur permet d’éviter un véritable casse-tête. De plus, exercer en binôme, « prendre les décisions sur un pied d’égalité, les répartir équitablement et alterner entre le comptoir et les tâches administratives nous offrent une plus grande souplesse et une efficacité bien supérieure à un modèle hiérarchique classique ».
Bio express
2016. Manon Giroir travaille en tant qu’étudiante puis adjointe dans une pharmacie de Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), tandis que Sophie Dutreix fait ses débuts à 30 km de là, à Sussac (Haute-Vienne)
2017. Sophie Dutreix et Manon Giroir obtiennent leur diplôme d’état de docteure en pharmacie à l’université de Limoges (Haute-Vienne)
2021. Cotitulaires de la pharmacie de Bujaleuf (Haute-Vienne)
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