Application carte Vitale : entre promesse d’efficacité et obstacles techniques

© Shutterstock

Application carte Vitale : entre promesse d’efficacité et obstacles techniques

Publié le 21 juin 2025 | modifié le 30 juin 2025
Par André-Arnaud Alpha
Mettre en favori

Dès octobre prochain, l’application carte Vitale montera en puissance. Les pharmaciens qui ne sont pas encore équipés pour lire le QR Code vont devoir sauter le pas, mais plusieurs points de vigilance sont à prendre en compte.

Jusqu’alors disponible dans 23 départements (pour la plupart en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes), l’appli carte Vitale s’étend progressivement depuis mars dernier à l’ensemble du territoire. D’ici fin octobre 2025, tous les assurés pourront l’activer via l’application France Identité, à condition d’être détenteurs d’une carte d’identité électronique (CNIe). Mais pas de panique, un parcours d’activation alternatif incluant la reconnaissance faciale est proposé à ceux qui ne possèdent pas encore la CNIe.

Un potentiel à développer

Selon les derniers chiffres publiés par l’Assurance maladie, un million d’assurés auraient déjà téléchargé l’application. Au mois de mars, lors du déploiement national, pas moins de 150 000 téléchargements ont été enregistrés en une semaine. Un succès relatif quand on sait que 25,5 millions de Français détiennent une carte d’identité électronique.

Pour accompagner la montée en puissance de l’application, le GIE Sesam-Vitale et l’Assurance maladie ont demandé aux fournisseurs de lecteurs, aux logiciels de gestion officinaux (LGO) et aux pharmacies de se préparer à l’arrivée des deux modes de communication de l’appli : le QR Code et le NFC (Near Field Communication, une technique de communication sans fil permettant l’échange d’informations entre des périphériques grâce à des ondes électromagnétiques). Si la demande est satisfaite du côté des lecteurs, elle reste en suspens côté LGO.

Mémo

Le QR Code et le NFC de l’appli carte Vitale permettent de récupérer les droits du patient à la date de la délivrance (ADRi) ainsi qu’une identité nationale de santé (INS) automatiquement qualifiée. Ces droits sont présentés par le logiciel de gestion officinal de la même façon que par une lecture de la carte Vitale.

Votre LGO communique-t-il en USB com ?

Pour échanger avec les lecteurs, les LGO peuvent utiliser deux modes de communication, le « HID clavier » et le « USB Com ». « Le mode USB Com permet aux logiciels de recevoir les données plus rapidement et de les traiter directement. Or, certains éditeurs de LGO ne l’ont pas encore développé. Actuellement, le mode “clavier” est donc le plus courant. Celui-ci induit un temps de lecture plus long car le QR Code de l’application représente un volume de données très important. Pour améliorer la rapidité et la fluidité de la lecture, nous recommandons aux éditeurs de prévoir l’utilisation du mode USB Com », indique l’Assurance maladie.

Publicité

Autrement dit, même avec des lecteurs spécialement conçus pour la lecture de l’appli, les transmissions ne seront pas plus rapides si les LGO n’utilisent que le mode clavier. Dirigeant du fabricant Sensyl, Christophe Ferrando détaille : « Le mode clavier ne nécessite aucun effort de programmation côté LGO. Donc tous les éditeurs l’implémentent par facilité. Le mode USB Com implique, lui, un peu plus de travail de programmation et une configuration lors de l’installation du LGO. Beaucoup d’éditeurs ne font pas cet effort. »

Le problème NFC

Autre point problématique qui retarde la montée en puissance de l’appli : certains smartphones Android ne sont pas compatibles avec le NFC, et l’ensemble des iPhone ne sont, pour l’heure, pas autorisés à utiliser cette technologie pour l’appli carte Vitale. « Même si l’application reste utilisable avec le QR Code, c’est dommage de ne pas pouvoir profiter du NFC étant donné le nombre de gens habitués à payer avec leur iPhone. Les assurés propriétaires de ce type de smartphones risquent de se détourner de cette solution », souligne Stéphane Zemour, responsable commercial chez Pharmaland. « Le NFC est aussi plus fiable, plus sécurisé pour la transmission des données. Il nécessite moins de manipulations autour du lecteur : vous avez juste à rapprocher votre smartphone. Et il fonctionnera, même si l’écran est endommagé », abonde Christophe Ferrando. Aucune date n’a pour l’instant été communiquée par Apple quant à la mise à jour de sa technologie NFC.

Les douchettes feront-elles l’affaire ?

Enfin, les douchettes utilisées actuellement pour la lecture des codes Datamatrix sur les boîtes seront-elles compatibles avec celle des QR Code affichés sur les smartphones ? « Ces QR Code sont beaucoup plus gros que ceux des boîtes de médicaments, ce n’est pas très pratique, prévient Christophe Ferrando. Mais si pour l’instant, la douchette fait le job, alors oui, on peut continuer à s’en servir. » Cependant, l’emplacement de ces douchettes – souvent derrière le comptoir, orientées face aux équipes – devra être changé. « En tant que client, vous ne donnez pas votre smartphone au commerçant, par-dessus le comptoir, pour qu’il le passe sur son lecteur… », constate Franck Favier, directeur général de Kapelse.

Bien choisir son lecteur !

Voilà pourquoi un lecteur d’appli carte Vitale ergonomique sera placé face au patient, a priori, sur le comptoir. Ses caméra, antenne NFC et processeur effectueront les lectures en 300 millisecondes. Il sera aussi utilisable pour d’autres applications, telles que les ordonnances numériques et les codes Datamatrix des mutuelles. Pour aider les pharmaciens à faire leur choix, le GIE Sesam-Vitale recense les lecteurs (voir encadré) dont les fabricants attestent de la comptabilité à lire le QR Code de l’application carte Vitale et de l’ordonnance numérique. À parcourir avant de s’équiper !

Le GIE Sesam-Vitale, référence des lecteurs

Accessible sur le site internet sesam-vitale.fr, le catalogue du GIE Sesam-Vitale recense une soixantaine de lecteurs dont les fabricants attestent qu’ils satisfont aux tests décrits dans le cahier des charges du GIE. En cochant « Équipements de lecture autodéclarés », puis « compatibles Code 2D » et « NFC », six produits, commercialisés par les sociétés Kapelse, LKN France Orchestra et Districode, sont proposés.

Lancé en mars 2025 et vendu à près de 200 €, le Kap-eCV a été conçu et fabriqué en France par Kapelse. Il est notamment recommandé par Equasens (société mère) et Smart Rx. Prévu pour s’intégrer sur un comptoir, un bureau ou fixé derrière un écran, il permet la lecture des codes 1D (codes-barres) et 2D (QR Code ou codes Datamatrix) et profite d’une polyvalence d’utilisation pour l’appli carte Vitale, les ordonnances numériques et les attestations de complémentaires. En plus des lectures de 1D, 2D et NFC, le DC300 fabriqué par Districode a gardé, lui, un lecteur de carte à puce et est vendu à 169 €.

Quelle rémunération pour le pharmacien ?

La convention nationale de 2022 prévoit une rémunération annuelle de 50 € pour l’utilisation de l’application carte Vitale. Cette rémunération est versée automatiquement pour la télétransmission d’une première feuille de soins électronique (FSE) sur l’application. Pour les années suivantes, la même somme sera versée à condition que 5 % au moins des FSE soient réalisées via l’application. Reste à la voir arriver au comptoir.