Facture électronique : un marché privé, une obligation publique

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Facture électronique : un marché privé, une obligation publique

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Publié le 26 juillet 2025
Par André-Arnaud Alpha
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Au 1er septembre 2026, toutes les entreprises assujetties à la TVA devront être en mesure de recevoir des factures électroniques. La décision, prise en octobre 2024, d’abandonner le portail public de facturation confère aux plateformes privées de dématérialisation un rôle désormais incontournable.

Les 90 opérateurs de plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) accrédités par Bercy peuvent se frotter les mains. Ils vont en effet s’offrir un gigantesque marché captif de 4 millions d’entreprises, générant chaque année près de 2 milliards de factures par an. Dès le 1er septembre prochain, l’obligation de recevoir des factures électroniques concernera l’ensemble des entreprises françaises. Quant à leur émission, elle sera obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à la même date, et pour les PME et microentreprises, au 1er septembre 2027. Pensée pour lutter contre la fraude fiscale, simplifier les déclarations de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et faciliter la gestion financière des entreprises, cette réforme maque un tournant. Pour rappel, une facture est dite « électronique » lorsque l’authenticité de son origine et l’intégrité de son contenu sont garanties par une signature ou un cachet électronique qualifié, et que sa lisibilité est assurée pendant toute sa durée de conservation.

Du public au privé

Par communiqué du 15 octobre 2024, le ministère chargé du budget annonçait : « L’État est pleinement confiant dans la capacité des plateformes à garantir des services de qualité, sécurisés et à proposer des offres suffisamment élargies pour couvrir les besoins […] de toutes les entreprises. Dans ce contexte, le projet sera poursuivi en privilégiant la construction d’un annuaire des destinataires […]. Cette réorientation doit notamment permettre d’assurer la tenue du calendrier prévu par la loi de finances pour 2024 et le respect des moyens définis. » Le portail public de facturation (PPF), public et gratuit, est abandonné au profit des plateformes de dématérialisation partenaires (PDP), privées et payantes. « La complexité de la fiscalité et de la facturation en France est telle que construire le portail public de facturation initialement prévu aurait encore demandé des millions d’euros et des années de travail à l’Agence pour l’informatique financière de l’État », indique Lorène Garnichat, directrice commerciale de Digipharmacie, PDP spécialisée dans les pharmacies de ville.

3 milliards de TVA à récupérer

Grand dada du ministère des Finances depuis 2012, la facture électronique devait être obligatoire, en réception, au 1er juillet 2024 pour toutes les entreprises (loi de finance rectificative, 2022-1157, art. 23). Cette échéance a été reportée au 1er septembre 2026. Quant à l’obligation d’émission pour les microentreprises et les PME, elle a été fixée au 1er septembre 2027 (loi de finance pour 2024, 2023-1322, art. 91). « A priori, il n’y aura pas d’autre report. L’État mise sur près de 3 milliards d’euros de TVA à récupérer », indique Lorène Garnichat. Lors des débats en avril sur le projet de loi de simplification de la vie économique, des députés des deux bords, à l’unisson avec le gouvernement, ont enterré un amendement qui visait un second report de cette obligation.

En pratique pour l’officine

Si des coûts sont à prévoir, la facture électronique devrait apporter des commodités aux entreprises. Grâce aux transmissions au fisc, elles recevront leur déclaration de TVA préremplies. Les échanges avec les experts-comptables devraient aussi gagner en fluidité. En attendant l’obligation d’émission pour toutes les entreprises, Digipharmacie met en avant ses outils logiciels qui permettent d’entrer dans les espaces clients de plus de 300 fournisseurs, ainsi que les messageries de l’officine, pour y récupérer automatiquement les factures. Autre outil de Digipharmacie : le rapprochement entre les factures et les prélèvements par lettre de change relevé.  L’entreprise indique que la réception et la conservation des factures électroniques seront comprises dans son abonnement actuel (29,90 €/mois). « La gestion des flux entrants [réception de factures, NDLR] ne présente pas vraiment de complexité pour une PDP », indique-t-elle.

Données de caisse aussi concernées

Plus que la fonction d’édition de factures électroniques (les patients en demandent rarement), les officines sont pleinement concernées par celle de transmission des données de transaction.

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Ces dernières indiquent notamment, par taux de TVA, le montant des transactions hors taxe et celui de la taxe correspondante. Avec ces informations sur les échanges entre entreprises et consommateurs, l’État veut obtenir une vue complète sur l’activité économique du pays. Pour l’officine, cette ambition implique donc aussi de recourir à une PDP qui se connectera au journal de ventes de son logiciel de gestion d’officine (LGO) pour en extraire les données. « Nous échangeons déjà avec le logiciel id. [édité par le groupe Equasens, NDLR] et nous échangerons demain, je pense, avec les autres LGO. Là non plus, ces échanges ne présentent pas de grandes difficultés », prévoit Lorène Garnichat.