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Infirmiers en pratique avancée prescripteurs : un flou inquiétant pour les pharmaciens
Deux textes structurent désormais les compétences élargies des infirmiers en pratique avancée :
– le décret n° 2025-55 du 20 janvier 2025, qui autorise l’accès direct des patients à un IPA et encadre les prescriptions initiales sans intervention médicale préalable ;
– l’arrêté du 25 avril 2025, publié au Journal officiel du 30 avril, qui modifie celui du 18 juillet 2018 et actualise la liste des actes, examens et produits de santé que les IPA sont habilités à prescrire.
À ce stade, les représentants syndicaux jugent que les pharmaciens doivent intégrer un prescripteur supplémentaire sans disposer des outils réglementaires nécessaires à une analyse fiable.
Médicaments, examens, dispositifs médicaux : une autonomie sous conditions
Médicaments :
Les infirmiers en pratique avancée peuvent prescrire de nombreux médicaments inscrits sur les listes I et II, à l’exclusion des stupéfiants. Leurs prescriptions couvrent la prise en charge de pathologies chroniques stabilisées ou des traitements spécialisés en oncologie, psychiatrie, néphrologie, selon leur domaine de formation.
Examens complémentaires :
Sont également autorisés des examens de biologie médicale (numération formule sanguine, hémoglobine glyquée, bilan lipidique, glycémie à jeun, rapport albumine/créatinine), des examens d’imagerie simple à visée diagnostique, et des actes techniques de suivi ou de prévention.
Dispositifs médicaux :
L’arrêté autorise la prescription de dispositifs d’autosurveillance (glucomètres, tensiomètres), de pansements complexes et de prestations de soins ou de transport à domicile.
Deux nouvelles annexes réglementaires : un cadre théorique, une mise en œuvre bancale
L’arrêté du 25 avril 2025 introduit deux annexes majeures :
– l’annexe 6 : produits et prestations que tous les IPA peuvent prescrire, quel que soit leur domaine d’intervention ;
– l’annexe 7 : prescriptions réservées à certains domaines cliniques spécifiques, et conditionnées par un diagnostic médical préalable.
Mais cette distinction théorique ne se reflète pas dans les pratiques. Les ordonnances ne mentionnent ni le domaine de spécialisation du prescripteur, ni le caractère initial ou renouvelé de la prescription, ni l’existence d’un diagnostic médical préalable, pourtant indispensable pour de nombreux produits.
Une ordonnance difficile à exploiter
En l’état, le pharmacien ne dispose d’aucun support réglementaire fiable pour déterminer si la prescription entre dans le périmètre autorisé de l’IPA. Pourtant, selon l’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux bonnes pratiques de dispensation, il doit impérativement vérifier la qualification du prescripteur et la conformité des produits prescrits à son champ de compétence. Le cadre réglementaire les place dans une zone de responsabilité floue, exposée au risque de non-conformité.
« Ce n’est pas raisonnable de continuer comme ça »
Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), confirme que les syndicats attendent toujours des réponses claires sur les conditions de délivrance des ordonnances IPA. Il indique avoir interpellé à plusieurs reprises la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), sans obtenir à ce jour de cadrage officiel sur les responsabilités du pharmacien.
Selon lui, aucun juge ne serait capable de trancher dans l’état actuel des textes, tant les lacunes réglementaires sont profondes. Il estime urgent d’obtenir une doctrine claire, opposable, et formellement transmise aux professionnels de terrain.
L’Ordre des pharmaciens alerte
Dans une publication datée du 28 mai 2025, l’Ordre national des pharmaciens estime également que la réforme ne peut rester dans cette zone d’incertitude. Il appelle à une clarification réglementaire rapide, exigeant que les ordonnances IPA comportent :
– la mention du domaine d’exercice du prescripteur ;
– le statut de la prescription (initiale ou non) ;
– la preuve du diagnostic préalable lorsque requis ;
– et le cas échéant, la traçabilité de la concertation médicale.
Une autonomie sous surveillance
Si l’autonomie prescriptrice des infirmiers en pratique avancée s’inscrit dans la généralisation de l’exercice coordonné (maisons de santé pluriprofessionnelles, communautés professionnelles territoriales de santé, centres de santé), elle impose aussi de nouveaux standards dans la chaîne de délivrance officinale.
Trois chantiers sont identifiés comme prioritaires :
– la standardisation nationale des ordonnances IPA, avec intégration systématique des mentions réglementaires clés.
– l’accès officinal sécurisé aux données du parcours patient, via le dossier médical partagé ou une plateforme interprofessionnelle.
– la valorisation économique de l’analyse pharmaceutique renforcée, pour prendre en compte le temps passé à sécuriser ces prescriptions non standardisées.
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