Rist bien dosé pour la profession

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Publié le 27 mai 2023
Par Magali Clausener
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La loi de la députée Stéphanie Rist (Renaissance) portant amélioration de l’accès aux soins et visant à décloisonner le système de santé a été promulguée le 20 mai. Seconde loi santé importante sous la présidence d’Emmanuel Macron, elle comporte des mesures touchant directement l’exercice officinal.

 

Les représentants des pharmaciens sont satisfaits. Le texte voté par le Sénat le 9 mai 2023 et par l’Assemblée le 10 mai, et paru au Journal officiel du 20 mai 2023, est positif pour la profession. La loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, portée par la députée Renaissance du Loiret Stéphanie Rist, introduit en effet plusieurs évolutions pour les pharmaciens et les préparateurs.

De nouvelles perspectives

 

Trois articles concernent directement les pharmaciens et l’exercice officinal. L’article 15 autorise les pharmaciens à renouveler pour trois mois une ordonnance expirée pour le traitement d’une pathologie chronique. La délivrance devra s’effectuer pour un mois, soit trois fois. Le médecin prescripteur devra en être informé « par des moyens de communication sécurisés ». « C’est une avancée pour la prise en charge des patients qui ne peuvent pas voir un médecin pendant deux mois », estime Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Une avancée que Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), nuance : « La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 a autorisé les pharmaciens à renouveler les ordonnances pour un mois, mais le décret d’application n’est jamais paru. J’espère que la mesure de la loi Rist n’est pas seulement un effet d’annonce. D’autant que le décret devra déterminer les médicaments qui pourront être renouvelés pour trois mois. » Pour les syndicats, ce renouvellement de trois mois devrait pouvoir être rémunéré avec un code acte et donc un honoraire spécifique. Un point à voir avec l’Assurance maladie dans le cadre de la négociation du futur avenant économique, qui doit débuter en septembre 2023.

 

L’article 17 modifie le régime d’autorisation des tests, recueils et traitements de signaux biologiques à visée de dépistage, d’orientation diagnostique ou d’adaptation thérapeutique immédiate. Concrètement, une liste des tests autorisés à être réalisés par des professionnels de santé ou d’autres catégories de personnes sera établie chaque année par arrêté après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et d’une commission fixée par décret en Conseil d’Etat. L’arrêté prévoira également « le cas échéant, les conditions de réalisation de ces tests, de ces recueils et de ces traitements de signaux biologiques ainsi que les conditions de formation des professionnels de santé et des catégories de personnes autorisées à les réaliser ». Pour les syndicats, cette évolution du régime d’autorisation des tests est positive car elle ouvre des perspectives à la profession. « Cela pourrait permettre d’effectuer des tests de dépistage du Covid-19 hors périodes de pandémie, mais aussi des tests de recherche d’infection urinaire et, de façon générale, tous les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) relatifs à des pathologies infectieuses, sachant que pour l’instant nous ne pouvons faire que trois tests : le Trod angine, le Trod VIH et, uniquement lors des campagnes de dépistage du diabète, des tests de glycémie », détaille Philippe Besset. Pierre-Olivier Variot tient le même discours et cite notamment les tests de glycémie, de cholestérol et de protéine C réactive (CRP). « La liste de tests devrait sortir à la suite d’une réunion de la commission, qui va être mise en place, regroupant les soignants et les pharmaciens », précise le président de l’USPO.

 

Enfin, l’article 8 simplifie l’adaptation « des protocoles nationaux autorisés pour les actualiser en fonction de l’évolution des recommandations de bonnes pratiques, pour en modifier le périmètre d’exercice et pour ajuster les modalités selon lesquelles les professionnels de santé sont autorisés à les mettre en œuvre ». Cette révision du cadre réglementaire des protocoles nationaux de coopération devrait faciliter la mise en œuvre de protocoles nationaux permettant aux pharmaciens de prendre en charge certaines pathologies.

Vaccination par les préparateurs

 

Une dernière disposition porte sur la pharmacie : l’article 9 permet aux diplômés du nouveau diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (Deust) préparateur/technicien en pharmacie d’exercer en qualité de préparateur et autorise les préparateurs à administrer certains vaccins sous la supervision d’un pharmacien. Le premier point de l’article est salué par les syndicats. « Jusqu’à présent, il n’était pas prévu que les préparateurs titulaires d’un Deust puissent délivrer des médicaments au comptoir. Ils pourront le faire comme les préparateurs ayant un brevet professionnel (BP) », souligne Philippe Besset. « C’est important pour les nouvelles promotions du Deust », ajoute Pierre-Olivier Variot.

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Les préparateurs vont également pouvoir continuer à vacciner contre la grippe, le Covid-19 et la variole du singe hors périodes d’urgence sanitaire, mais aussi injecter d’autres vaccins autorisés en officine, dont la liste sera fixée par arrêté. Cette disposition satisfait les préparateurs ainsi que les syndicats de titulaires. Philippe Besset craint cependant un long délai d’attente avant d’en profiter.

 

La loi Rist est donc prometteuse pour les pharmaciens. Reste qu’il va falloir attendre la parution des décrets d’application et des arrêtés pour la mettre en œuvre au sein des officines. Ce qui peut prendre encore un peu de temps…

 

L’objectif premier de la loi Rist est d’ouvrir un accès direct aux infirmiers en pratique avancée, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes.

 

Elle acte aussi le renouvellement des ordonnances pour trois mois par les pharmaciens et la vaccination avec certains vaccins par les préparateurs.

 

Elle permet aux préparateurs titulaires d’un Deust de délivrer des médicaments au comptoir et ouvre des perspectives en matière de tests réalisés à l’officine et d’adaptation des protocoles nationaux de coopération.

     

Une loi polémique

La proposition de loi Rist a suscité de vives polémiques dans le corps médical, et son parcours parlementaire a également été mouvementé. D’autant qu’au départ aucune mesure ne portait sur la profession des pharmaciens. 

C’est le 18 octobre 2022 que la députée de la majorité Stéphanie Rist dépose sa proposition de loi. L’objectif ? « Accélérer le décloisonnement de notre système, en faisant confiance aux professionnels et en leur offrant de nouvelles possibilités », précise l’exposé des motifs. Concrètement, il s’agit d’ouvrir un accès direct ainsi que la primoprescription aux infirmiers en pratique avancée (IPA), en créant deux types d’IPA : les IPA spécialisés et les IPA praticiens. La proposition de loi (PPL) prévoit aussi un accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes dans le cadre de structures coordonnées. Le texte ne comporte alors que cinq articles. Elle fait l’objet d’une procédure accélérée, c’est-à-dire qu’elle doit être adoptée après une seule lecture des deux chambres du Parlement.

D’emblée, la PPL suscite l’ire des syndicats médicaux. Agnès Giannotti, présidente de MG France, déclare ainsi le 12 janvier 2023 que la PPL « fait exploser le cadre de la collaboration » avec les autres professionnels de santé, car « chacun ira voir n’importe quel professionnel sans coordination entre eux, sans coordination avec le médecin traitant, et c’est délétère et inacceptable pour la qualité, la sécurité et la pertinence des soins ». En première lecture à l’Assemblée nationale, les 18 et 19 janvier 2023, les députés déposent plusieurs amendements, dont ceux sur le renouvellement des ordonnances, les protocoles nationaux de coopération et les préparateurs. Mais aussi sur la permanence des soins et l’engagement territorial des médecins. Ce qui ne calme pas la colère des médecins, au contraire. Le 14 février, 10 000 médecins libéraux manifestent dans les rues de Paris et devant le Sénat où le texte est examiné et adopté le même jour. Ce sont d’ailleurs les sénateurs qui ajoutent l’article sur les tests. Finalement, le Parlement adopte le texte commun de la commission mixte paritaire, élaboré le 6 avril. Les médecins ont obtenu la suppression de l’article sur l’engagement territorial. Quant à l’accès direct aux professions paramédicales, il n’est plus autorisé au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) – qui intègrent pourtant davantage les IPA, notamment – , contrairement à ce qui était initialement prévu. Au grand dam des syndicats d’infirmiers pour lesquels le texte est finalement en dessous de leurs attentes.

À retenir

L’objectif premier de la loi Rist est d’ouvrir un accès direct aux infirmiers en pratique avancée, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes.

Elle acte aussi le renouvellement des ordonnances pour trois mois par les pharmaciens et la vaccination avec certains vaccins par les préparateurs.

Elle permet aux préparateurs titulaires d’un Deust de délivrer des médicaments au comptoir et ouvre des perspectives en matière de tests réalisés à l’officine et d’adaptation des protocoles nationaux de coopération.