1 500 élus veulent imposer des règles d’installation aux médecins

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1 500 élus veulent imposer des règles d’installation aux médecins

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Publié le 5 mai 2025 | modifié le 20 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Plus de 1 500 élus appellent à voter la proposition de loi Garot, contre l’avis du gouvernement et sous la pression croissante des syndicats de médecins libéraux. Derrière ce bras de fer, c’est une redéfinition de l’aménagement sanitaire du territoire qui se joue.

C’est un cri lancé depuis les territoires. Dans une tribune publiée ce dimanche dans La Tribune Dimanche, plus de 1 500 maires, présidents d’intercommunalités et élus de terrain exhortent les députés à voter la proposition de loi portée par Guillaume Garot, député socialiste de la Mayenne. Leur mot d’ordre est clair : face à l’extension des déserts médicaux, il est temps de passer de l’incitation à la régulation.

Le texte, soutenu par plus de 250 parlementaires issus de plusieurs groupes politiques, prévoit qu’un médecin ne puisse s’installer dans les zones déjà bien pourvues qu’en remplacement d’un confrère partant à la retraite. Un dispositif déjà en vigueur pour les pharmaciens, les infirmiers ou les sages-femmes, mais que la profession médicale a toujours farouchement rejeté pour elle-même.

Une ligne de fracture entre élus et médecins

La tribune met en scène une opposition frontale entre deux logiques : d’un côté, celle des collectivités, qui dénoncent l’inaction de l’État face à l’effondrement de la démographie médicale en zone rurale et périurbaine ; de l’autre, celle des syndicats de médecins libéraux, hostiles à toute contrainte d’installation, au nom de la liberté d’exercice.

« L’attente de nos concitoyens est forte : ne les décevons pas », écrivent les signataires.
« Élus de terrain, attachés à la promesse républicaine de la santé pour tous, nous appelons l’ensemble des députés à voter cette loi indispensable. »

Le gouvernement, opposé à la proposition de loi Garot, a choisi de présenter son propre plan de lutte contre les déserts médicaux, davantage fondé sur des mesures incitatives. Ce contre-feu a été mieux accueilli par les médecins, qui dénoncent un risque de « coercition inefficace » s’agissant de la régulation.

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Une politique de santé fragmentée

L’enjeu est pourtant systémique : selon les chiffres de la Drees, la France comptait fin 2023 à peine 94 000 médecins généralistes en activité, dont un tiers proche de la retraite. Dans certains départements comme la Nièvre, la Creuse ou l’Eure, plus de 40 % de la population vit en zone de sous-densité médicale, d’après l’Atlas 2024 de l’accès aux soins.

Pour les élus signataires, la régulation n’est pas une fin en soi mais un levier parmi d’autres, qu’il faut articuler à :

– la poursuite des aides financières à l’installation (contrats d’engagement de service public, bourses régionales),

– une réforme de l’internat pour améliorer l’attractivité de la médecine générale,

– et surtout le développement des stages en ville dès les premières années, afin de familiariser les étudiants avec l’exercice libéral en zone rurale.

Vers une rupture du statu quo ?

Le débat est désormais ouvert à l’Assemblée nationale, mais il divise jusque dans la majorité. Certains députés centristes y voient une tentative de recentrage territorial, là où d’autres dénoncent une mesure « symbolique mais inapplicable ».

En creux, une question politique : faut-il continuer à traiter la démographie médicale comme une affaire individuelle de choix de carrière, ou comme un pilier d’aménagement du territoire à piloter nationalement ?

La proposition de loi Garot, si elle était adoptée, marquerait une rupture majeure dans l’histoire de la régulation médicale en France. Pour ses soutiens, il ne s’agit plus d’attendre que les vocations se déclarent, mais de fixer un cap collectif.

Des Assises pour agir sur l’avenir du maillage pharmaceutique

L’homogénéité de la répartition démogéographique des officines est l’un des piliers du modèle pharmaceutique français. Présentation d’un livre blanc riche de propositions pour optimiser la présence des officines sur le territoire au service des patients, étude de projection économique pour évaluer les conséquences d’une dérégulation… Les Assises du maillage pharmaceutique, organisées par Le Moniteur des pharmacies se dérouleront le 24 juin 2025 à l’Institut Pasteur (Paris).

Pour participer à cette initiative concernant l’ensemble des acteurs (officinaux, syndicats, groupements, grossistes-répartiteurs, industriels du médicament, collectivités locales, payeurs publics et privés, prestataires bancaires, etc.), l’inscription est gratuite.

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