Sécurité en officine : l’Ordre des pharmaciens livre à son tour un bilan alarmant

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Sécurité en officine : l’Ordre des pharmaciens livre à son tour un bilan alarmant

Publié le 24 avril 2025 | modifié le 25 avril 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt
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Une augmentation de 77 % des vols et agressions en 5 ans, 300 % de menaces de mort en plus, 25 % de hausse des atteintes physiques… Les chiffres de la sécurité en officine dévoilés par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ne font pas seulement froid dans le dos. Ils justifient l’urgence de légiférer sur le sujet.

Le 14 mars dernier, la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Comme le demandait l’Ordre des pharmaciens, les députés en ont élargi les dispositions aux officines compte tenu des chiffres de vols et agressions en hausse ces dernières années. Le bilan des agressions déclarées par les pharmaciens en 2024, publié ce jour par l’instance ordinale, fait en effet état d’une augmentation de 12 % par rapport à l’année précédente et de 77 % en cinq ans, portant le nombre total d’agressions à 536. Un chiffre évidemment bien en dessous de la réalité tant les pharmaciens hésitent à faire remonter ce type d’informations, et d’autant plus à porter plainte. « Ils ne sont toujours que 32 % à déposer plainte, et seulement 13,2 % dans le cas des atteintes aux personnes. Cela souligne la nécessité de renforcer la sensibilisation sur l’importance de cette démarche », explique Gildas Bernier, référent sécurité auprès du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Afin d’inciter les officinaux à déclarer leurs agressions, un réseau de 120 élus référents sécurité de l’Ordre couvre l’ensemble du territoire. Ces référents sont formés et mobilisés pour être à l’écoute des pharmaciens.

Peur des représailles

« Chaque déclaration à l’Ordre permet de mieux documenter les faits signalés, de cerner la nature et la fréquence des situations rencontrées par nos confrères. Elles orientent nos échanges avec les autorités compétentes et nourrissent des propositions en matière de prévention, comme d’accompagnement. Le dépôt de plainte, en cas d’infraction, est indispensable pour engager une procédure judiciaire et, si besoin, permettre notre intervention aux côtés du pharmacien tout au long de la chaîne judiciaire », rappelle Gildas Bernier. 64 % des agressions ayant concerné des atteintes aux personnes, on comprend l’intérêt d’alerter les instances compétentes, d’autant plus que le chiffre est en hausse par rapport à l’année passée. 11 % concernent des atteintes aux personnes et aux biens, et 25 % uniquement des atteintes aux biens. Or par crainte de représailles, les pharmaciens déposent plainte beaucoup moins fréquemment pour les atteintes aux personnes (13,2 %), que pour les atteintes aux personnes et aux biens (63,3 %) et pour les atteintes aux biens (64,7 %). « Près des deux tiers des atteintes aux personnes sont des violences verbales ou menaces, pouvant se produire en direct, par téléphone, sur Internet ou les réseaux sociaux. Mais il faut souligner que 73 agressions physiques ont été déclarées et 64 menaces de mort, en augmentation de 25 % pour les premières et de 300 % pour les secondes », poursuit l’Ordre des pharmaciens.

Les régions les plus touchées

En tête des régions les plus impactées par les vols et agressions, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Île-de-France et la Bretagne totalisent à elles seules 200 déclarations. Suivies de près par la Nouvelle-Aquitaine et la région Grand Est. À l’inverse, la Bourgogne Franche-Comté, la Paca et le Centre-Val de Loire sont les régions ayant déclaré le moins de faits. Difficile de faire un point sur la réalité de terrain, mais quoi qu’il en soit, la loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé sera la bienvenue pour permettre aux pharmaciens de travailler dans un environnement serein et sécurisé. La proposition sera débattue au Sénat le 6 mai. Réclamée par plusieurs organisations, elle vise à mieux protéger les soignants face aux violences et prévoit un renforcement des sanctions. Elle permettra également aux employeurs de porter plainte au nom des victimes et élargira le délit d’outrage à l’ensemble des professionnels de santé. Enfin, elle autorisera, sur accord du parquet, l’utilisation d’une adresse professionnelle (Ordre, commissariat, gendarmerie) lors d’un dépôt de plainte pour éviter d’éventuelles représailles.

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