L’Assurance maladie ouvre la voie à la réutilisation des médicaments non utilisés

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L’Assurance maladie ouvre la voie à la réutilisation des médicaments non utilisés

Publié le 2 avril 2025 | modifié le 4 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi
Chaque année, plus de 13 000 tonnes de médicaments non utilisés sont générées en France. Mêlant écologie et économie, l'initiative pourrait aboutir à une révolution au sens large.

L’impensable va-t-il devenir réalité ? Les médicaments non utilisés et non ouverts déjà délivrés aux patients pourraient bientôt connaître une seconde vie. Et non plus subir une destruction systématique après avoir été collectés dans les cartons Cyclamed. La Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), en partenariat avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et Cyclamed, lance une étude inédite sur les médicaments rapportés en officine. Objectif : analyser leur état et envisager, pour la première fois, des scénarios de réutilisation.

Des tonnes de médicaments partis en fumée

En 2022, les chiffres donnent le vertige : 13 443 tonnes de médicaments non utilisés (MNU) ont été générées dans l’Hexagone. Cyclamed en a collecté 9 415 tonnes, soit 70 %. Mais jusqu’ici, la logique restait immuable : qu’ils soient périmés, avec une date de validité encore bonne mais entamés ou parfaitement intacts, tous connaissaient le même sort et finissaient incinérés.

« Jusqu’à présent, la porte d’une réutilisation était totalement fermée. Le simple fait d’ouvrir la discussion constitue une étape collective de prise de conscience », déclare Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam, manifestement décidée à bousculer les habitudes bien ancrées du secteur.

Une expérimentation à peine démarrée

Le chantier est encore exploratoire. Les équipes de Cyclamed, en coordination avec l’ANSM, répertorient actuellement les médicaments collectés selon plusieurs critères : ouverts, fermés, périmés ou toujours valides. « Nous sommes en train de déchiffrer afin de dresser un état des lieux de la situation. Nos conclusions dépendront de ce que nous allons observer sur le terrain. Si nous avons majoritairement des médicaments périmés, ce n’est pas la même chose que des boîtes non ouvertes et encore valides », précise la directrice déléguée.

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Pour l’instant, aucune stratégie de remboursement ou de prix minoré n’est prévue pour ces médicaments potentiellement réutilisables. L’enjeu est ailleurs : en finir avec la destruction automatique. « La destruction obligatoire d’un médicament en parfait état constitue une aberration difficilement justifiable. Par ailleurs, solliciter les patients pour qu’ils rapportent leurs traitements inutilisés tout en les vouant invariablement à l’incinération soulève une contradiction manifeste qui mérite d’être reconsidérée dans notre approche de la gestion pharmaceutique. », poursuit Marguerite Cazeneuve.

Un virage historique pour la profession

Cette nouvelle approche s’inscrit dans un plan plus large de sobriété des prescriptions et de lutte contre le gaspillage. Pour les pharmaciens, c’est une révolution culturelle qui s’annonce, après des années passées à considérer la réutilisation comme un tabou sanitaire.

Les associations de patients et d’écologistes, qui dénoncent depuis longtemps ce gaspillage, devraient accueillir favorablement cette initiative. Reste à savoir comment le projet sera accueilli par l’industrie pharmaceutique, habituée à voir les officines comme le dernier maillon d’une chaîne à sens unique, du laboratoire à l’incinérateur. Se poseront enfin d’autres questions et non des moindres, notamment celles de la sécurité en termes de traçabilité, de la responsabilité et plus généralement de l’évolution législative.

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