Une profession en pleine ébullition

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Publié le 26 avril 2008
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Si, lors de l’ouverture de Pharmagora, Roselyne Bachelot a promis qu’elle défendrait la profession, elle l’a aussi invitée à évoluer. La ministre de la Santé aurait même pu parler de révolution tant les changements qui se profilent sont nombreux. Ses propos auront en tout cas donné le ton aux Rendez-vous formation et aux débats-conférences qui suivirent du 29 au 31 mars. Compte rendu.

La signature de la charte des bonnes pratiques commerciales entre les représentants de la profession officinale et l’industrie pharmaceutique a fait partie des grands temps forts du salon Pharmagora 2008. Tout comme l’inattendue prise de position des Pharmaciens en colère décidés à accompagner le libre accès, alors qu’ils y étaient jusqu’ici farouchement opposés, à l’occasion du débat organisé le dimanche par la rédaction du Moniteur.

« Le débat est clos et il convient maintenant de transformer cette épreuve en une chance pour la profession », considère Philippe Pistre, cofondateur des Pharmaciens en colère, même si des inquiétudes demeurent quant aux risques pour la sécurité des patients, dans l’attente de règles du jeu clairement établies. D’autant que Jean Lorenzi, juriste, a souligné des imperfections contenues dans le projet de décret qui laisse trop de champ à l’interprétation.

Micheline Bernart-Harlaud, du Conseil national des familles laïques, et à ce titre représentante des consommateurs, a concédé également que la mise en place du libre accès était un peu précipitée, mais que ce qui importait était d’avancer sur le terrain de « la responsabilisation et de la coopération entre les pharmaciens et les consommateurs » en matière d’automédication.

« Il faut rendre nos clients « pharmaddicts » »

Pour Vincent Cotard, président de l’AFIPA (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable), la profession fait preuve d’une grande maturité en signant cette charte de bonnes pratiques commerciales qui reste encore à être détaillée dans ses aspects techniques. « Il faut définir les règles du jeu et les principes qui permettront au patient de comparer les prix d’une officine à l’autre », estime Vincent Cotard. « L’objectif est de travailler au bénéfice du patient, complète Philippe Gaertner, président de la FSPF. Un des premiers défis à relever est de l’accompagner dans ses choix pour qu’il soit plus impliqué, ce qui suppose d’adopter de nouveaux comportements au comptoir et d’avoir d’autres outils à disposition. »

Un discours qui ravit Lucien Bennatan, président de PHR qui, à ses risques et périls, a expérimenté le libre accès dans trois pharmacies Viadys. Le groupement y a aménagé une zone ressemblant à s’y méprendre à un espace de confidentialité, et a mis en place les outils et l’organisation nécessaires à la réalisation d’une « consultation » et d’une prescription pharmaceutiques (fiches conseil, e-learning, délégations de responsabilités aux adjoints…). « Il faut rendre notre acte de dispensation performant et rendre nos clients « pharmaddicts » », a souhaité Lucien Bennatan. Il a démontré que le libre accès organisé pouvait être une chance et non pas une menace pour la profession. Des clients des trois officines pilotes Viadys ont été interrogés, et 77 % se sont dits satisfaits et seulement 7 % opposés à cette expérimentation. Sur le plan économique, les prix ont baissé en moyenne de 7 à 12 % et les ventes ont progressé de 9 à 24 %, ce qui laisse supposer que le libre accès peut faire faire l’économie de visites médicales à l’assurance maladie et répondre au problème de la désertification médicale.

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« Créons tous ensemble le réflexe pharmacien et le parcours de soins du patient ! », a exhorté, en conclusion, Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO.

Roselyne Bachelot en éclaireuse

Oui, la profession possède en Roselyne Bachelot un soutien incontestable en cette période agitée. Non, il ne s’agit en aucun cas d’un soutien inconditionnel. Le propos de la ministre de la Santé a été on ne peut plus clair le 29 mars : « Nous devons veiller au développement et aux évolutions à venir du métier. » Pour rester indépendante, la pharmacie du futur devra assurer « un service pharmaceutique à la hauteur des exigences modernes de qualité ». Pour notre ministre de tutelle, cela passe par de grosses structures, donc des regroupements de pharmacies, une participation active à l’accès libre (même si elle a, diplomatiquement, rappelé le caractère volontaire de cette mesure), plus de concurrence (comprenez des prix plus compétitifs sur le non-remboursable), une spécialisation des officines « dans des actions innovantes pour la santé », un travail systématique en réseaux… « Les pharmaciens ont toujours su montrer par le passé qu’ils savaient être créatifs, performants, même s’il a fallu quelques pionniers pour vaincre les réticences (réseaux VIH, substitution générique, développement du sevrage tabagique et, plus récemment, dossier pharmaceutique…) », a-t-elle observé.

Roselyne Bachelot engage donc toute la profession à suivre ceux qui sont aujourd’hui ses pionniers. Dans son propre intérêt, et même si cela est difficile. Si les pharmaciens se lancent vite et d’eux-mêmes à corps perdu dans ces mutations, tous les espoirs sont permis à la profession, et même ce qui se joue à Bruxelles n’est pas perdu, a-t-on pu comprendre au détour de son discours. F.S.