Une crise des opioïdes en France ?

Les opioïdes en tête des ordonnances falsifiées

En 2018, 1 950 ordonnances falsifiées ont été collectées dans le cadre de l’enquête Ordonnances suspectes – indicateur d’abus possible (Osiap). Un chiffre en croissance de 50 % par rapport à l’année précédente. Pour la première fois depuis des années, le zolpidem ne figure plus en tête de ce classement puisqu’il rétrograde en cinquième position. Il est « détrôné » par les spécialités antitussives de codéine suivies par des médicaments antalgiques : la codéine associée au paracétamol, le tramadol et la prégabaline. Apparue pour la première fois dans les radars en 2017, cette dernière a enregistré une progression importante en 2018. « Ce résultat confirme les observations issues des autres données d’addictovigilance selon lesquelles l’usage abusif de la prégabaline en France est un phénomène récent, apparu en 2011 et marqué en 2018 », soulignent les auteurs de l’enquête, Maryse Lapeyre-Mestre et Emilie Jouanjus, du centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance (CEIP-A) de Toulouse (Haute-Garonne). Elles relèvent également « l’émergence massive des spécialités de codéine, à la suite de la modification de leurs conditions de prescription et de délivrance survenue en 2017, avec pour effet de rendre visible un comportement qui ne l’était pas lorsque ces médicaments étaient accessibles sans ordonnance. »

La France comparable aux Etats-Unis ?

Entre 1999 et 2017, 399 000 personnes sont décédées aux Etats-Unis d’une overdose aux opioïdes. En 2017, cette crise sanitaire a provoqué la mort de 200 Américains chaque jour. Avec un total estimé entre 200 et 800 morts par an, la situation en France n’a donc rien de comparable, même si entre 2000 et 2015, les décès accidentels liés aux opioïdes sont passés de 1,3 à 3,2 (+ 146 %) pour 1 000 000 d’habitants. Outre-Atlantique, le phénomène a démarré dans les années 1990 avec l’élargissement, souhaité par les laboratoires, des prescriptions d’opioïdes naturels ou semi-synthétiques comme l’oxycodone à tous les types de douleurs chroniques. Mais c’est à partir de 2013 que le pays a enregistré une véritable explosion du nombre d’overdoses aux opioïdes synthétiques autres que la méthadone. La consommation se déroule cette fois en dehors du cadre médical, les patients se procurant notamment du fentanyl contrefait en Chine sur le darknet. Aujourd’hui, les Etats-Unis concentrent à eux seuls 80 % de la consommation mondiale d’opioïdes d’après l’Office des Nations unies contre la drogue. Fin 2017, Donald Trump a décrété l’état d’urgence sanitaire et dégagé un budget de six milliards de dollars pour améliorer l’éducation des patients et des professionnels de santé et faciliter l’accès à la naloxone.