Un égal quatre

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Publié le 7 février 2009
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Le Collectif des groupements a présenté à des députés UMP un projet de réforme en profondeur du réseau officinal. L’idée ? Une pharmacie mère qui disposerait de succursales. Les députés se disent prêts à relayer législativement.

Il faut battre le fer quand il est chaud. A peine les députés UMP Jean-Pierre Marcon et Christine Marin avaient-ils publié un rapport sur les professions réglementées (voir Le Moniteur n° 2763) que Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), s’empressait de leur présenter sa « vision du réseau officinal de demain » en imaginant des pharmacies mères disposant de succursales, comme cela se passe déjà dans d’autres pays européens (voir p 9). Une minirévolution !

Le principe : un pharmacien ou une société de pharmaciens exploitant une officine pourraient créer jusqu’à trois succursales. Juridiquement responsables de la pharmacie mère et de ses trois filiales, ils pourraient employer à leur convenance des pharmaciens gérant ou adjoint dans chacune d’elles. « Cette proposition transforme le pharmacien en investisseur, commente Jean-Pierre Marcon. Mais tous les entrepreneurs ne sont-ils pas des investisseurs ? Il n’y a pas de raison à ce que le secteur de la santé échappe à cette règle. » Pascal Louis renchérit : « Nous répondons ainsi à plusieurs interrogations. Premier avantage, le capital reste dans les mains de la profession. On fait fi des contraintes de santé publique en écartant le risque de fermetures de points de vente. »

L’argument fait mouche dans un contexte où l’économie officinale montre des signes de faiblesse : d’après Fiducial, le chiffre d’affaires des pharmacies ne progresse que de 1,5 %, la marge chute peu à peu (27,39 % à 27,11 % de 2007 à 2008) et l’EBE, à 11 %, n’est pas mirobolant.

« Maintenir le maillage territorial»

Du coup, pour Jean-Pierre Marcon, cette proposition de pharmacie à succursales permettrait, dans une logique de regroupement, de « maintenir le maillage territorial, en optimisant l’organisation. En outre, les pharmaciens pourront mieux gérer leur stock et mutualiser les équipes ». L’idée séduit également les experts-comptables. Pour Olivier Delétoille, expert-comptable au cabinet Arythma, « c’est un excellent moyen de faire des économies d’échelle et d’éviter le système des SEL en cascade, qui impose un titulaire dans chaque point de vente, une comptabilité et des charges fixes propres ». « Une structure unique sera plus forte pour négocier avec les grossistes et les laboratoires au nom de plusieurs points de vente. J’ai déjà beaucoup de clients qui recherchent ce type de structure », confie Laurent Courtin, avocat fiscaliste au cabinet Laboureix-Foyard et Associés.

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Mais pour que le rêve du Collectif devienne réalité, il faut rédiger rapidement le décret sur les SPF-PL. « On l’attend depuis 2001, maintenant il faut aller vite », explique Pascal Louis. La SPF-PL est en effet un serpent de mer. La société de participation financière des professions libérales avait vu le jour au moment de la loi MURCEF de 2001. Mais, faute d’unanimité dans la profession, aucun décret n’avait paru. C’est la loi de modernisation de l’économie (LME) d’août 2008 qui a remis le sujet sur le tapis, en donnant le feu vert pour créer ces holdings taillées sur mesure pour les pharmaciens. Le Collectif défend bec et ongles cette possibilité. Principal avantage ? « La holding permet à un pharmacien qui souhaite acquérir des parts dans une pharmacie de déduire 100 % de ses intérêts d’emprunt, ce qui n’est pas le cas pour l’achat de parts de SEL imposée à l’IS », explique Laurent Courtin.

Fluidifier l’achat et la vente de parts de SEL

La holding constitue donc un instrument patrimonial permettant « de fluidifier l’achat et la vente des parts de SEL » à travers un mécanisme d’intégration fiscale. Pour le député Jean-Pierre Marcon, c’est un excellent moyen pour que « les pharmacies de taille importante assoient leur développement, en leur permettant d’accéder à de nouveaux marchés, le capital des holdings pouvant s’élargir plus facilement à d’autres pharmaciens ».

Mais, pour le Collectif, un élément non négligeable viendrait freiner la création des holdings de pharmacies : « L’intégration fiscale ne peut se faire que si la holding détient 95 % des parts de la SEL. En considérant que plusieurs pharmaciens titulaires puissent se porter acquéreurs d’une SEL, via une holding, le mécanisme de l’intégration fiscale ne pourra pas s’appliquer en l’état actuel de la législation », rappelle Pascal Louis. « En effet, les titulaires devront détenir directement chacun au moins 5 %. En présence de deux titulaires, le capital sera au minimum réparti entre les deux associés directement pour 10 %, le reste étant donc détenu par la holding à 90 % », appuie Olivier Delétoille, qui a participé aux réflexions du Collectif. Et dans ce cas, adieu les avantages fiscaux (voir encadré page 8) !

Une suite législative au rapport est déjà envisagée

La solution pour le Collectif des groupements ? Modifier l’article L. 5125-17 du Code de la santé publique, issu de la loi Dutreil, pour que cette condition minimale de détention de 5 % par titulaire soit compatible avec la notion d’intégration fiscale. « La loi de modernisation de l’économie a créé les SPF-PL, mais seul un décret pourra déterminer les modalités d’application de la loi et de prise de participation du pharmacien. Pour le moment, rien n’est possible », affirme Dominique Leroy, expert-comptable au cabinet Norméco. On en revient toujours au même.

Les propositions de Pascal Louis ont trouvé un écho favorable auprès des parlementaires UMP. « Je suis complètement en accord avec ces propositions, que nous défendrons », confirme Jean-Pierre Marcon. Le député entend donner une suite législative à son rapport et aux propositions du CNGPO. « Ce sont des propositions à caractère financier et fiscal qui requièrent une grande technicité. Je vais demander à la commission des Finances de l’Assemblée nationale de travailler sur le sujet afin de pouvoir proposer des amendements dans la discussion de la prochaine loi de finances. » Verdict à la fin de l’année.

A propos de l’intégration fiscale

Le régime de l’intégration fiscale permet d’imputer les intérêts d’emprunt et les frais d’installation d’une société mère sur les bénéfices d’exploitation de la fille. La société mère doit détenir au moins 95 % des droits à dividendes de la fille mais aussi 95 % des droits de vote. La loi d’août 2008 permet de détenir la majorité du capital et des droits de vote par le biais d’une holding, alors qu’avec la loi MURCEF la majorité des droits de vote dans une SEL était acquise directement par le ou les pharmaciens engageant leurs diplômes. Le législateur a donc bien intégré les spécificités de la profession dans la nouvelle loi, et il est possible d’estimer qu’en présence d’un seul cessionnaire (acquéreur) le dispositif sera parfaitement opérationnel. Ce n’est pas le cas avec plusieurs acquéreurs puisqu’ils devront détenir chacun au moins 5 % de la cible, faisant tomber le seuil de détention de la holding à moins de 95 %. Ne pouvant appliquer l’intégration fiscale, le « groupe » peut se rabattre sur le régime fiscal des sociétés mères et filiales, un peu moins intéressant. Faute de grive…

François Pouzaud