- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- Tu ne voleras point
Tu ne voleras point
Pendant les deux confinements liés à la gestion de la crise du Covid-19, le nombre de cambriolages en officine a littéralement explosé. Comment se couvrir contre ce risque et dissuader les malfaiteurs ? Que faire après ? Conseils de haut vol.
Entre le 17 mars et le 1er juillet 2020, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a reçu 222 déclarations de cambriolages d’officines en France. Un chiffre en progression de 205 % par rapport à la même période l’année précédente. Depuis la rentrée de septembre, même tendance. L’Ordre observe un nouveau pic, notamment dans le département de l’Oise où une pharmacie sur quatre a été visitée. Et pour certaines jusqu’à cinq fois. « Pendant les deux confinements, les cambrioleurs se sont tout simplement adaptés, estime Alain Marcillac, le référent sécurité de l’Ordre des pharmaciens. Les officines étant les seuls lieux ouverts avec les magasins de bouche, elles sont devenues des cibles privilégiées pour les voleurs. »
Le mode opératoire est toujours le même. Avec un gros tournevis, un cric ou un pied de biche, les voleurs parviennent à ouvrir le rideau de fer. Pour pénétrer dans la pharmacie, il ne leur reste plus qu’à forcer l’ouverture de la porte automatique. « Une fois dans la place, tout va très vite, explique Alain Marcillac. Les cambrioleurs restent moins de 10 minutes et prennent la fuite, car c’est en général le temps qu’il faut aux forces de l’ordre pour arriver sur les lieux une fois l’alarme déclenchée. » Les voleurs se concentrent donc dans 90 % des cas sur l’essentiel : l’argent. « Le plus souvent, ils repartent avec un maigre butin puisque la plupart des cambriolages se soldent par le vol de 30 à 150 € en espèces, dérober des médicaments stupéfiants ou sensibles comme Tramadol, Lyrica ou Rivotril restant exceptionnel, ajoute Alain Marcillac. Le plus préjudiciable, ce sont donc les dommages causés par l’effraction sur le rideau de fer et la porte d’entrée. Dommages qui se chiffrent en moyenne autour de 3 000 €. D’où l’importance d’être bien assuré. »
Vigilance sur l’assurance
Avant de choisir son assurance multirisque professionnelle qui couvre notamment les cambriolages, certains points doivent être regardés avec attention. « Un vol avec effraction peut se traduire par un ou deux jours de fermeture de l’officine, le temps de réparer le rideau de fer et la porte d’entrée. Il faut donc s’assurer que la garantie pertes d’exploitation est bien présente et se traduira par une indemnisation à la juste valeur du préjudice subi », note Olivier Moustacakis, cofondateur d’assurlandpro.com, un comparateur d’assurances qui enregistre chaque mois sur son site la visite d’une quarantaine de pharmaciens. Pour éviter les fermetures, les contrats peuvent prévoir des frais de gardiennage ou de clôture provisoire, parfois en option. « Il suffit d’un simple coup de fil à notre société d’assistance pour qu’un gardien soit envoyé sur place afin de protéger la pharmacie d’une nouvelle intrusion, et ce pendant une durée de sept jours, avec prise en charge des frais de clôture ou de gardiennage au-delà », souligne Nadine Durand, directrice technique marché des professionnels d’Allianz France qui concentre 14 % de parts de marché sur le segment des officines.
La question du montant à assurer doit aussi être étudiée. « En général, les assureurs couvrent des sommes relativement importantes, qui peuvent aller jusqu’au chiffre d’affaires (CA) annuel de la pharmacie. Mais ils appliquent également des limitations sur les fonds et valeurs, notamment l’argent liquide », précise Nadine Durand. Des plafonds peuvent parfois être prévus en cas de détérioration des caméras extérieures du système de détection d’intrusion.
Sur le marché, les premiers tarifs pour une assurance multirisque professionnelle commencent à moins d’une centaine d’euros par mois pour une pharmacie qui réalise 1,3 M€ de CA et peuvent grimper jusqu’à plusieurs centaines d’euros par mois pour les grandes officines dont le CA dépasse 5 M€. Avant de s’engager, faire le tour du marché ou solliciter un courtier ou un comparateur d’assurances est indispensable afin d’examiner les différences de prestations et de prix. « Il faut aussi lire en détail le contrat, car celui-ci définit ce qui est couvert ou pas et comment s’appliquent les garanties. Si, par exemple, il est stipulé que le rideau de fer doit être équipé d’une serrure et que votre pharmacie n’en possède pas, en cas de cambriolage, vous ne serez pas indemnisé », rappelle Olivier Moustacakis.
Bien s’équiper
Certains assureurs imposent en effet la présence d’équipements de sécurité afin de prévenir les cambriolages. « En général, les contrats prévoient une protection mécanique de type rideau de fer sur l’entrée et la vitrine en façade, précise Nadine Durand. En l’absence de protection mécanique, l’installation d’un système de détection d’intrusion peut être demandée. » Comme nombre de commerces, la quasi-totalité des officines protègent leur porte d’entrée et leurs vitrines avec des rideaux en fer mécaniques ou électriques. « Le souci, c’est que ces rideaux sont souvent très faciles à ouvrir. Il faut donc privilégier des modèles en fer plein, avec des serrures, afin de compliquer la tâche des cambrioleurs », conseille Alain Marcillac. Si vos vitrines ou votre porte d’entrée vitrée ne sont pas sécurisées, investir dans un vitrage antieffraction peut alors avoir du sens pour le référent sécurité de l’Ordre. « Ces vitrages se révèlent en effet efficaces car, s’ils coûtent trois fois plus cher que des vitres normales, les cambrioleurs auront beau essayer de les briser avec une masse, ils ne parviendront pas à les casser. »
Le rideau de fer ne constituant pas un obstacle insurmontable, de plus en plus de titulaires investissent dans des dispositifs de télé ou vidéosurveillance. « Au cœur de notre système de télésurveillance, il y a une centrale d’alarme anti-intrusion installée sur site et connectée au réseau téléphonique ou à Internet, explique Erwan Mora, responsable marketing de Stanley Security, une société spécialisée dans les solutions de sécurité qui équipe une pharmacie sur six en France. A cette centrale, nous associons des détecteurs volumétriques et d’ouverture qui déclenchent l’alarme en cas d’intrusion et alertent le pharmacien sur son smartphone en temps réel, tout en transmettant simultanément l’information à nos opérateurs en station de télésurveillance. Ces derniers pourront alors indiquer aux cambrioleurs qu’ils ont été repérés, et demander aux forces de l’ordre d’intervenir sur la base d’une levée de doute audio. » Pour installer ce type de dispositif, avec une centrale associée à deux radars et un bouton d’urgence, prévoir un budget à partir de 69 € HT par mois chez Stanley Security.
La preuve en image
Des pharmacies font le choix de s’équiper avec de la vidéosurveillance afin de dissuader les cambrioleurs, d’apporter la preuve par l’image dans les levées de doute et de se protéger en même temps contre la démarque inconnue estimée entre 1,5 et 2 % du CA. Par exemple, OffiSeen, la solution proposée à partir de 70 € HT par mois par Pharmagest, implique d’installer des caméras, en moyenne quatre, et un switch réseau pour la transmission des flux au PC du back-office chargé de recevoir et de stocker les images. « Nous équipons ce PC d’une suite logicielle qui permet au pharmacien et aux collaborateurs habilités de visualiser les images et de transmettre la levée de doute aux forces de l’ordre via les événements enregistrés depuis les postes LGPI, un smartphone ou une tablette », précise Noëlle Stoulig, directrice marketing de la division pharmacie de Pharmagest. Grâce à l’application OffiSeen, il est possible d’accéder aux images des caméras à distance et d’être prévenu en cas d’intrusion par un système d’alerte SMS ou e-mail.
Daitem propose également des dispositifs de sécurité qui peuvent être associés à de la télésurveillance 24 h/24 et 7 j/7. Pour une protection optimale des pharmacies, ce prestataire privilégie une approche par zones stratégiques. A l’entrée, en renfort des surfaces vitrées, sont installés des détecteurs d’ouverture de porte ou un détecteur de bris de vitre. Sur le point de vente, est disposé, en association avec ses caméras de vidéosurveillance, un détecteur de mouvement. Pour la réserve, Daitem connecte là aussi une caméra de vidéosurveillance avec un détecteur de mouvement spécifique, en ajoutant parfois au dispositif un générateur de brouillard pour désorienter les cambrioleurs.
Pour Alain Marcillac, il existe un autre moyen plus simple et plus économique que les dispositifs de télésurveillance pour dissuader les cambrioleurs d’opérer. « Il suffit de ne plus laisser d’argent dans les caisses le soir, et de l’indiquer sur une affiche en devanture. C’est ce que nous avons fait dans Paris et sa petite couronne pendant le premier confinement. Nous avons distribué aux pharmaciens une affiche éditée en partenariat avec la préfecture de police. Cette mesure a permis de mettre un terme à la flambée de cambriolages. » La même méthode, associée à des patrouilles de police régulières, a été appliquée dans l’Oise en collaboration avec la direction départementale de la sécurité. Elle a produit les mêmes résultats.
Cambriolages répétés : résiliation assurée ?
S’il y a une chose que les assureurs n’aiment pas, ce sont les incidents à répétition. « C’est vrai qu’à partir de deux sinistres sur les 36 derniers mois nous regardons toujours ce qui se passe, reconnaît Nadine Durand, directrice technique marché des professionnels d’Allianz France. Et en fonction du type de sinistres et du montant de la charge, il nous arrive d’augmenter la prime et de demander aux pharmaciens de prendre des mesures de protection plus importantes. » « En cas de fréquence encore plus élevée, à partir de deux ou trois sinistres par an, certains assureurs n’hésitent pas à résilier les contrats, ajoute Olivier Moustacakis, cofondateur d’assurlandpro.com. Ce qui va obliger le pharmacien à trouver une autre compagnie d’assurances, en sachant que la tâche sera compliquée car le nouvel assureur saura que le contrat a été résilié. Il peut donc refuser de vous couvrir ou établir une proposition majorée de 20, 30 ou 40 %. »
En cas de résiliation, et de difficultés à trouver un nouvel assureur, certaines compagnies comme le groupe Pasteur Mutualité, MASCF et La Médicale sont spécialisées sur ces profils de clients.
Le numéro à retenir
Les pharmaciens peuvent également bénéficier d’un soutien psychologique en prenant contact avec des confrères bénévoles de l’association Adop (Aide et dispositif d’orientation des pharmaciens). Pour ce faire, ils peuvent composer le 0 800 73 69 59 (numéro vert), accessible 24 h/24 et 7j/7.
À RETENIR
– Le nombre de pharmacies cambriolées a triplé pendant le premier confinement et la première sortie d’état d’urgence sanitaire.
– Pour parer aux préjudices, vérifier que le contrat d’assurance multirisque professionnelle couvre les pertes d’exploitation à leur juste valeur. Des frais de gardiennage ou de clôture provisoire pour éviter les fermetures sont parfois prévus, en option.
– Pour se protéger, opter pour des équipements de sécurité est préconisé, parfois imposé par les contrats d’assurance : rideau de fer, vitres sécurisées, détecteurs, vidéosurveillance, alarme reliée à un smartphone, etc. Ou tout simplement, comme l’a expérimenté l’Ordre des pharmaciens : ne plus laisser d’argent dans les caisses le soir, et l’indiquer sur une affiche en devanture.
Vidéosurveillance : ce que dit la réglementation
L’installation de caméras dans un lieu ouvert au public, comme les officines, implique le respect d’un certain nombre de procédures. « Elle doit d’abord être déclarée auprès de la préfecture, rappelle Noëlle Stoulig, directrice marketing de la division pharmacie de Pharmagest. Les personnels et les visiteurs sont ensuite informés de la présence des caméras au moyen d’un panneau affiché visiblement dans les locaux, indiquant également le nom du responsable et la procédure à suivre pour accéder aux enregistrements visuels les concernant. » Chaque employé doit en outre être notifié individuellement au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service. Les caméras ne peuvent pas être placées pour surveiller un salarié ou dans les toilettes, et les images ne sont consultables que par les personnes habilitées : le titulaire ou les opérateurs de la société de vidéosurveillance.
La durée de conservation des enregistrements est de 30 jours au maximum.
- Rémunération des pharmaciens : une réforme majeure se prépare-t-elle ?
- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
- Remises génériques : l’arrêté rectificatif en passe d’être publié
- Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?
- Paracétamol : quel est cet appel d’offres qui entraînera des baisses de prix ?
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis