Stop ou encore ?

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Publié le 27 novembre 2004
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Année des grandes réformes, 2004 aura été, comme 2003, une année de transition en attendant les effets des réformes. Troisième tranche de MDL pour la distribution du médicament, sorties de la réserve hospitalière, nouvelles fondations pour le système de santé et de protection sociale… La croissance est hésitante.

Pour une fois, les syndicats sont tous d’accord. 2003 n’a pas connu de turbulences significatives quant aux chiffres, en dépit des mesures prises sur le médicament. Et 2004 non plus. « Nous ne voyons pas encore les interférences sur nos résultats de la baisse des remises des répartiteurs, ni les premiers effets de la mise en place de la réforme de l’assurance maladie ou encore des sorties de la réserve hospitalière », livre Patrice Devillers, président de l’USPO. Pour sa part, Bruno Lamaurt, vice-président de l’APLUS, qualifie 2003 « d’année de transition » masquant une « dégradation insidieuse de l’économie de l’officine ». Bruno Lamaurt tient pourtant à apporter une note discordante, alors qu’en apparence la profession joue le même refrain : « Les pharmacies de quartier souffrent ! Il est urgent de favoriser les regroupements dans les banlieues. »

Coup de frein annoncé pour l’officine

« La croissance de l’activité des officines au cours des vingt dernières années a évolué par paliers, sur un mode « stop and go », remarque Bernard Capdeville, président de la FSPF. Depuis le début des années 2000, la tendance est clairement au « go », mais dans le concert politique actuel, compte tenu du nouveau dispositif « de meilleur contrôle » mis en place et des différentes mesures gouvernementales visant à contraindre les dépenses, tout porte à croire a priori que l’officine va entrer dans une nouvelle ère du « stop ». La stagnation programmée des volumes, la politique des prix des médicaments, l’encadrement de la prescription, le pilotage de l’affection longue durée et le suivi des patients ne seront pas sans effet sur notre économie. » Bernard Capdeville se refuse néanmoins à envisager le pire.

Claude Japhet, président de l’UNPF, reste également assez confiant : « L’évolution de nos marges en valeur se fait grâce à la croissance du CA et il en sera de même dans l’avenir. » Tous simplement parce que la pharmacie continuera à profiter de l’« effet structure ». « Dans un contexte où le nombre de boîtes vendues n’a évolué que de + 0,6 % en 2003, l’augmentation du prix moyen du médicament est notre seule certitude, explique Claude Japhet. Le gouvernement fixe des masses pour la pharmacie. Par conséquent, les montants d’économies dégagées seront redistribués sur des produits innovants et, en principe, plus chers.»

Une hausse garantie de CA de 3 % minimum

Pour Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise, « le progrès médical et le vieillissement de la population garantissent à la pharmacie une croissance minimale et incompressible de son chiffre d’affaires de 3 % par an ». Et, selon lui, ce « minimum garanti » pourrait montrer à 4 % si le pharmacien relève le défi des sorties de la réserve hospitalière. « Les champs d’action du pharmacien vont s’élargir et offrir de nouvelles opportunités qui permettront de compenser en partie, sinon de limiter les perspectives de stagnation prévues par l’Etat, renchérit Bernard Capdeville. Son implication résolue dans la maîtrise des dépenses, le médicament générique, SESAM-Vitale, dans le dossier pharmacothérapeutique ou encore dans les sorties de la réserve hospitalière permettra de solidifier pour longtemps son rôle d’acteur de santé publique. »

Les officinaux doivent « réussir » la réforme

Dans la perspective de nouvelles missions, Bruno Lamaurt estime que le retour à une marge linéaire complétée par des honoraires permettrait d’avoir un mode de rémunération plus stable et transparent.

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« La réforme de l’assurance maladie risque de faire des dégâts à l’officine si les pharmaciens ne la réussissent pas », analyse quant à lui Jean-Marc Yzerman, responsable de la commission Economie de la FSPF, indiquant que le nouveau plan de maîtrise médicalisée des dépenses de santé risque de limiter la progression annuelle du chiffre d’affaires industriel à 1 % sur les trois à quatre prochaines années.

LA MARGE PROGRESSE SUR LE REMBOURSABLE MALGRÉ LA STAGNATION DES VOLUMES

Ces données montrent de manière évidente que l’évolution de la MDL (à deux tranches + forfait) est relativement à l’abri de la quasi-stagnation des volumes qui sévit depuis janvier 2001. On constate en effet que pour une base 100 fin septembre 1999, la marge brute de l’officine se situe à un indice (cumulé sur douze mois) de 124 en août 2004 contre un indice de 139 pour le CA industriel. Malgré aussi une très faible évolution du nombre de prescriptions, la marge exprimée en euros sur les spécialités remboursables a progressé de 3,8 % en 2003 et de 4,4 % sur les douze derniers moins cumulés à fin août 2004. Une évolution liée beaucoup plus à celle des prix industriels, qui est néanmoins un ton bien au-dessus (CA en progression de 6,3 % et 7,8 % sur les deux périodes considérées). Notons qu’à partir de novembre 2003, le nombre de consultations et visites s’envole après une longue période d’inertie sans que cela se traduise par une augmentation des prescriptions

Une répartition de l’activité inchangée

En 2003, les 22 700 officines ont réalisé un CA TTC dont la répartition est très proche de 2002. Le remboursable prescrit affiche 76 % de l’activité, le non-prescrit 15 %. Au sein des produits non prescrits, la répartition des ventes entre médicaments remboursables, non remboursables et non médicamenteux est légèrement modifiée par rapport à 2002 (hausse de 1 % de la part du non-prescrit hors AMM).

LES MÉTIERS DE LA SANTÉ EN PÔLE POSITION

Après une année 2003 déjà très porteuse, le secteur de la santé poursuit sur sa bonne lancée en 2004. En effet, avec une évolution de + 5,1 % au deuxième trimestre (par rapport à la même période de 2003), il figure dans le peloton de tête des secteurs étudiés par la Fédération des centres de gestion agréés. L’optique-lunetterie, qui faisait figure de locomotive depuis le dernier trimestre 2003 (+ 7,7 %), a baissé d’un ton (+ 4,8 %), ce qui a permis à la pharmacie de repasser devant (+ 5,1 %).

Sur 2003, seuls les magasins vendant des articles de sport, pêche et chasse parviennent à évoluer plus vite. D’autres secteurs comme les boulangeries-pâtisseries, la parfumerie, le bâtiment roulent à une allure moindre sur le chemin de la croissance. Enfin, plusieurs secteurs se sont essoufflés en 2003 comme les bouchers-charcutiers (- 1,5 %), les poissonniers (- 1 %), les cafés (- 0,4 %), l’automobile (- 0,1 %). Sur le second semestre 2004, la reprise de la consommation profite surtout aux secteurs de la presse, de l’automobile et du bâtiment.

LA MARGE SE MAINTIENT BIEN

Malgré la légère régression des volumes, la marge brute de l’officine sur le médicament remboursable progresse au-delà des 3 %, grâce à l’effet structure (transferts de prescriptions vers des produits à prix plus élevés) et au vieillissement de la population. Pour l’industrie, cela se traduit par une progression de CA en pourcentage beaucoup plus importante que pour l’officine. Sur la période du 4e trimestre 2003 au 3e trimestre 2004, la marge brute en pourcentage sur le vigneté n’a perdu que 0,07 point, contre 0,38 point par rapport à la même période de l’année précédente.

Croissance soutenue de l’ald

Depuis près de 10 ans, la croissance des remboursements des médicaments à 100 % est régulière et aucun plan de sauvetage de l’assurance maladie n’a cherché ou n’est parvenu à l’enrayer.

La flambée du 100 % et l’effet structure perdurent

Le poids des médicaments chers et remboursés à 100 % continue de peser sur les comptes de l’assurance maladie. Ils augmentent deux fois plus vite (aux alentours de 14 % l’an) que le total des dépenses en médicaments remboursables de la CNAMTS (environ + 7 %). Les bénéficiaires de l’ALD sont toujours plus nombreux et l’effet structure (glissement des prescriptions vers des produits plus chers) ne faiblit pas. Les courbes d’évolution témoignent d’une flambée des ordonnances ALD depuis le début janvier 2004 qui tire vers le haut l’ensemble des remboursements de médicaments, alors que les médicaments avec ticket modérateur évoluent peu, voire stagnent. La conjugaison de ces deux phénomènes annihile les efforts de maîtrise des dépenses médicamenteuses.

Le générique va supporter d’ici 2007 près de la moitié des économies attendues par le gouvernement

Le volet du Plan médicament déjà annoncé par Douste-Blazy devrait rapporter 2,3 MdEuro(s) à la Sécurité sociale d’ici 2007. Avec 330 MEuro(s) en 2005, 700 MEuro(s) en 2006 et plus de 1 MdEuro(s) en 2007, les mesures concernant le générique permettraient de réaliser la moitié de cet objectif (et rattraper le retard de la France par rapport à nos voisins anglais et allemands). Mais il faudra compter aussi avec les baisses de prix en fonction des résultats de la substitution. L’objectif est de faire passer la part du générique de 12 % aujourd’hui en volume à 23 % en 2007. « Plus la profession substituera, moins le gouvernement sera obligé d’aller chercher l’économie attendue sur les baisses de prix et le TFR », souligne Jean-Marc Yzerman, de la FSPF.

LA CROISSANCE 2004 FLIRTE AVEC LES 5 %

Le CA moyen d’une pharmacie en année glissante est de 1,249 MEuro(s) à fin juillet 2004, contre 1,190 MEuro(s) un an plus tôt (+ 4,95 %). La répartition du CA par taux de TVA est quasiment inchangée : les ventes de produits à TVA 2,1% représentent 84,25 % du total, celles à 5,5 % font 7,90 % et celles à 19,60 %, 7,85 %. Elles ont progressé en valeur respectivement de 4,85 % pour le remboursable, de 3,72 % pour les produits à TVA 5,5 % et de 7,14 % pour ceux à 19,60 %. La progression du CA moyen est presque exclusivement due à celle du panier moyen (+ 4,70 %) – la fréquentation restant stable (+ 0,04 %) -, qui est la même entre moyennes et grandes officines (34,40 Euro(s)). Le rapport CA moyen continue à se resserrer entre petites, moyennes et grandes officines (3,12). Seul fait marquant concernant la répartition du marché en valeur selon les régions et la typologie : la part des officines de centre-ville tombe de 19 % à 17 % et les pharmacies du Nord-Est sont repassées devant celles du Sud-Est au niveau volume d’activité, grâce à une croissance supérieure (+ 8,5 % contre + 4,6 % en moyenne).

ENQUÊTE ÉCONOMIQUE ANNUELLE DE LA FSPF

« LES PHARMACIES EN ÉVOLUTION NÉGATIVE SONT DIFFÉRENTES D’UNE ANNÉE SUR L’AUTRE »

Le gros des progressions de CA se situe au-delà des 2 % en 2003. Les taux de croissance regroupant plus de 20 % des officines se situent entre 4 et 6 % et au-delà de 8 %. Néanmoins, 11 % des pharmacies ont vu leur CA diminuer. « Nous avons demandé à ces pharmacies leurs résultats sur les 3-4 années précédentes, précise Jean-Marc Yzerman. Il ressort que les pharmacies en évolution négative sont différentes d’une année sur l’autre, ce qui signifie que les mauvais résultats d’une année sont le fait d’un accident de parcours ou d’un événement particulier, par exemple la perte d’une maison de retraite. »

La répartition du CA montre une dispersion proche de celle de 2002

45 % des officines se situent dans une tranche de CA comprise entre 800 kEuro(s) et 1 400 kEuro(s), tandis que huit sur dix réalisent un CA inférieur à 1 800 kEuro(s). En bas de l’échelle, 5 % des officines font moins de 600 kEuro(s) de CA annuel, contre 7 % en 2002. A l’opposé, 29 % ont un CA supérieur à 1,6 MEuro(s), alors que seulement 22 % étaient au-dessus de cette tranche en 2002.

Les évolutions des principaux postes laissent supposer une situation relativement saine en 2003

Bonne progression du CA, augmentation de la marge en valeur (+ 4,2 %), même si le taux de marge a, lui, perdu 0,16 point à 28,6 %. Ce bilan est entaché par une augmentation de 7,3 % des charges de l’officine. « La progression des frais de personnel est la conséquence des 35 heures qui entraînent une pression sur les salaires, commente Jean-Marc Yzerman. La pharmacie ne pourra pas supporter une évolution structurelle de ce poste de + 7 % tous les ans, d’où la nécessité de le maîtriser. » Bien qu’en évolution en valeur de 3 %, le résultat d’exploitation tombe sous la barre des 10 % du chiffre d’affaires tandis que le résultat net de l’officine progresse tout de même de 5 % à 121 kEuro(s).

ENQUÊTE ÉCONOMIQUE ANNUELLE DE LA FSPF

Les pharmaciens jouent la prudence

La trésorerie des officines se maintient bien. Le BFR est stable (18 jours) et les pharmaciens ont compensé la baisse des crédits fournisseurs (délais de paiement réduits de 2 jours en 2003) en serrant un peu la visse sur les stocks (- 1 jour) et les créances clients (- 1 jour). Les emprunts sont nettement en baisse (- 7 jours), ce qui signifie que le désendettement des pharmaciens se poursuit lentement au détriment de l’investissement.

« le taux de marge des officines qui substituent beaucoup est meilleur »

Même si la dégressivité du mode de rémunération sur le remboursable est moindre qu’auparavant, elle continue inexorablement de faire son oeuvre. En 2003, 84 % et 33 % des officines ont respectivement un taux de marge inférieur à 30% et 28%. 4 % sont encore à plus de 32 % de taux de marge. Il est de plus en plus conditionné par le niveau de substitution générique. « Le taux de marge des officines qui substituent beaucoup et qui réalisent 10 % de leur CA avec le générique est forcément meilleur puisqu’elles dégagent un même volume de marge sur un CA minoré », explique Jean-Marc Yzerman.