- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- QUAND L’ASSURANCE MALADIE VOUS MET LA PRESSION
QUAND L’ASSURANCE MALADIE VOUS MET LA PRESSION
Rejets de lots, retards de paiement, réclamations des factures pour les produits en rupture de stock, sanctions… Depuis un mois, la multiplication des incidents de la part des caisses primaires d’assurance maladie irrite de nombreux pharmaciens qui n’hésitent pas à parler de « harcèlement ».
Alors que l’accord « génériques » doit être vécu par les partenaires conventionnels comme un contrat gagnant-gagnant, des pharmaciens font part de leur ras-le-bol face à la pression imposée par leur CPAM. A Montpellier, un pharmacien raconte. « Dès qu’un princeps est délivré, la facture, sortie du lot de télétransmission, est contrôlée manuellement et nous devons justifier systématiquement avec des retards de paiements jusqu’à 15 ou 20 jours. » Julien Elbaz, titulaire à Cannes (Alpes Maritimes), a été lui aussi mis sous contrôle alors que son taux de substitution était à 79 %. « Même avec la mention “non substituable” sur l’ordonnance et alors que des patients ont payé pour avoir leur princeps, la caisse considère qu’on n’a pas substitué et bloque le dossier », raconte le pharmacien, excédé. Même reproche de la part de Jean-Patrice Folco, titulaire à Fontaine (Isère). Sa CPAM a pris la décision de le mettre sous contrôle en septembre et de différer les paiements de l’ensemble des règlements effectués par télétransmission. Motifs : son taux de substitution avoisinait 72,2 %. Un chiffre contesté par ce titulaire : « J’ai une patientèle âgée, je délivre pratiquement 25 % d’ordonnances qui ont dix médicaments. La caisse ne tient pas compte des ordonnances qui comportent de nombreuses mentions “non substituable”. Lorsqu’elle ne me paie pas dans les délais impartis, je dois trouver 20 000 euros pour tenir ma trésorerie. »
Les caisses intransigeantes lors des contrôles
Jean-Patrice Folco n’est pas le seul pharmacien contrôlé dans son département. En Isère, la CPAM a engagé des mesures contre 33 pharmacies. C’est le même constat dans d’autres départements. Car confrontés à un taux de substitution qui ne progresse pas depuis deux mois, certains départements en retard dans leur taux de substitution par rapport à l’objectif national de 2013 (85 %) ont décidé d’être intransigeants dans l’appréciation du respect du dispositif « tiers payant contre génériques » et de ne pas tenir compte des cas particuliers (rupture de stock, répertoire des génériques obsolète, problème du logiciel…). Certains prendraient même des libertés avec le texte conventionnel. C’est le cas par exemple dans le Nord. 21 des 283 pharmaciens installés dans le territoire du Hainaut ont découvert subitement que leur caisse n’avait pas viré sur leurs comptes la somme des lots dus. Ce blocage temporaire a pour origine le non-respect par ces pharmaciens de l’engagement de la profession sur le taux de délivrance de génériques à 85 % : malgré des relances, aucun ne dépassait le taux de 75 % et n’utilisait la fonction permettant de justifier la non-substitution dans les logiciels. Alerté mi-novembre, le syndicat des pharmaciens du Nord a obtenu la levée de cette mesure. Jérôme Cattiaux, président du syndicat, s’interroge néanmoins : « Est ce la bonne solution de bloquer les paiements sans prévenir véritablement par une lettre recommandée ? »
Même témoignage dans les Yvelines. Hélène Alix-Requi, présidente de la chambre syndicale affiliée à la FSPF, évoque un plan d’action pour contrôler l’ensemble des 423 pharmacies du département. « Lorsque le médicament est en rupture de stock, alors le dossier est aussitôt rejeté. Depuis peu, grâce à l’intervention des syndicats, la caisse ne rejette plus ce type de dossiers. Par contre, ce qui est anormal c’est que la caisse bloque aussi les lots des pharmaciens qui ont déjà atteint l’objectif national de substitution. Pourquoi ? » Erwan Braud, représentant de l’USPO dans les Alpes-Maritimes, signale à son tour que « les pharmaciens qui restent plus de trois semaines avec un taux de substitution inférieur à 85 % voient tous leurs dossiers avec la mention “non substituable” rejetés. Il y a par ailleurs un souci dans le mode de calcul du taux puisque les princeps réglés par les patients sont comptabilisés dans la non-substitution ».
Pris en étau entre patients et prescripteurs
Ces surveillances rapprochées permettent-elles aux caisses d’obtenir des résultats ? Impossible de le savoir pour le moment. Un bilan global devra être présenté aux syndicats en fin d’année. Pour Jean-Philippe Long, responsable du département gestion du risque à la CPAM du Nord, la réponse est oui. « Deux semaines et demie de contrôles opérés en octobre sur 90 officines ont fait gagner deux points de substitution », déclare-t-il. Soit 750 000 euros d’économies pour l’assurance maladie. Ce n’est pas rien.
Mais pour Patrick Zeitoun, président de l’Union des pharmaciens de la région parisienne, « toutes ces tracasseries administratives, les recyclages des factures par les caisses font perdre du temps et de l’argent à tous ». Celui-ci enfonce le clou en révélant les résultats d’une étude réalisée en septembre 2013 par la CPAM de Paris. Sur les six officines d’Ile-de-France contrôlées (deux à Paris, une dans les Yvelines, une en Seine-et-Marne, une dans l’Essonne et une dans le Val-de-Marne) présentant un taux de substitution compris entre 70 % et 80 %, « de l’aveu même de l’assurance maladie, trois sur six avaient une marge de progression nulle alors que leur taux de substitution atteignait 70 % et une seule pouvait avoir une marge de progression intéressante de l’ordre de 8 % ». Selon le syndicaliste, « le pharmacien fait le maximum pour la substitution. Or il ne faut pas oublier qu’il est pris en étau entre la pression des patients et l’utilisation des mentions “non substituable” par les prescripteurs ».
Face aux tensions qui montent, Gilles Bonnefond, président de l’USPO, tente de calmer le jeu et rappelle les règles. « Quand des pharmaciens sont repérés comme ne respectant pas la convention, alors un courrier leur est envoyé pour expliquer la situation. En général, un titulaire ne peut pas être pris par surprise. Il peut se justifier. » Il reconnaît néanmoins que dans certains départements comme les Yvelines, le cadre conventionnel n’a pas été respecté. Les pratiques non conformes ont été évoquées lors de la commission nationale paritaire du 11 décembre. Il conseille aux confrères de saisir les commissions paritaires locales et de prévenir les syndicats. Jean-Patrice Folco n’a pas attendu pour se défendre. Il a porté le litige en référé devant le tribunal de grande instance de Paris. Le jugement sera rendu dans les prochains jours.
Ce que dit l’avenant 7
Publié le 15 novembre, l’avenant 7 qui fixe un taux national de substitution de 85 % pour 2013 et des objectifs par département précise les engagements des caisses :
– la mise à disposition sur le portail « Espace pro » du site ameli.fr du profil de substitution ;
– l’examen, avec le professionnel qui n’atteint pas les objectifs par indicateur, des actions lui permettant de remédier à cette situation avant toute autre action ;
– la procédure de sanction est engagée lorsque le taux de substitution est inférieur à 65 %.
- Rémunération des pharmaciens : une réforme majeure se prépare-t-elle ?
- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
- Remises génériques : l’arrêté rectificatif en passe d’être publié
- Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?
- Paracétamol : quel est cet appel d’offres qui entraînera des baisses de prix ?
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis


