PILULE QUE RÉPONDRE AUX PATIENTES

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Publié le 19 janvier 2013
Par Magali Clausener et Yolande Gauthier
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Avec la demande de restriction de prescription faite par Marisol Touraine et la polémique qui enfle sur les pilules de 3e et 4e génération, des patientes commencent à s’affoler. Et arrêtent leur contraception. Que répondre aux femmes et jeunes filles qui s’interrogent ? Quels conseils leur dispenser ? Quelques réponses pratiques pour éviter la panique.

Les premières IVG pour arrêt intempestif de la pilule viennent d’arriver dans les services hospitaliers », alerte le Pr Israël Nisand dans une tribune sur les pilules de 3e et 4e génération publiée par L’Express.fr. Le praticien ne donne cependant pas de chiffres. Pour autant, de nombreuses femmes s’interrogent sur leur contraception. L’ANSM a d’ailleurs mis en ligne un dossier complet sur le sujet dès le 11 janvier et notamment un « point » en 18 questions. Ce questionnement légitime peut aussi se concrétiser dans l’officine lors d’une délivrance d’un contraceptif, d’un renouvellement de prescription, voire d’une dispensation d’un médicament.

Comment savoir si je prends une pilule de 3e ou de 4e génération ?

La « génération » de pilule dépend du progestatif qui la compose. La patiente peut vérifier la composition sur la boîte. Les pilules de première génération contiennent de la noréthistérone, celles de deuxième génération du lévonorgestrel ou du norgestrel. La patiente peut aussi consulter la liste des contraceptifs oraux commercialisés en France au 1er janvier 2013 mise en ligne par l’ANSM (http://ansm.sante.fr) ou demander directement à son prescripteur.

Quels sont les facteurs de risque dont il faut tenir compte si l’on prend la pilule ?

L’âge (plus de 35 ans), l’excès de poids, le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie sont des facteurs qui augmentent le risque de survenue d’une thrombose veineuse ou artérielle. Idem en cas d’antécédents personnels ou familiaux d’accidents thromboemboliques veineux, d’intervention chirurgicale ou d’immobilisation prolongée.

Je prends une pilule de 3e génération. Il y a donc plus de risques ?

Toutes les pilules présentent un risque de thrombose veineuse et un risque de thrombose artérielle, mais pour celles de 3e génération, le risque de thrombose veineuse est deux fois plus élevé.

Dois-je arrêter la pilule de 3e génération ?

Non, l’arrêt n’est pas recommandé, notamment si la femme supporte bien cette pilule. Le pharmacien doit inciter la patiente à s’orienter vers son médecin traitant, son gynécologue ou une sage-femme, voire le planning familial, pour faire le point sur son traitement et en changer si besoin est.

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J’ai arrêté la pilule. Puis-je la reprendre ?

La patiente peut reprendre la pilule dans les conditions indiquées sur la notice. Le pharmacien doit néanmoins l’inciter à se protéger entre-temps, notamment en conseillant le préservatif. S’il s’agit d’une pilule de 3e ou 4e génération, la patiente peut se tourner vers le prescripteur pour faire le point et reprendre ou non cette pilule. Un autre moyen de contraception non hormonal est recommandé durant l’arrêt.

Les autres moyens de contraception comportent-ils des risques ?

Les autres moyens de contraception hormonaux peuvent comporter des risques. C’est le cas du patch et de l’anneau vaginal. Le patch (Evra) présente les mêmes risques de thrombose veineuse que les pilules de 3e génération. L’anneau vaginal (Nuvaring) comporte un risque de thrombose artérielle similaire à celui des pilules de 3e génération. Ces risques doivent inciter le pharmacien à interroger la patiente sur sa contraception, notamment lors d’une prescription d’anticoagulants. Si la patiente prend une pilule de 3e génération, le changement de sa contraception pour un patch ou un anneau vaginal n’est pas forcément la bonne alternative. Il faut lui conseiller de voir son prescripteur. Quant à l’implant (Nexplanon), qui ne contient qu’un progestatif, il ne présente pas de risques semblables à ceux des pilules de 3e et 4e génération.

Que faire face à une prescription de pilule de 3e ou 4e génération ?

Au plan réglementaire, rien ne s’oppose à la délivrance d’une ordonnance valide correctement établie. Il en va de même pour une demande de renouvellement de pilule sur présentation d’une ordonnance déjà honorée et datant de moins d’un an. Le pharmacien peut toutefois saisir cette occasion pour recommander à la patiente de voir son médecin afin de réfléchir à la suite de son traitement. Si la patiente se plaint de symptômes tels qu’une douleur dans la jambe ou dans la poitrine, un essoufflement soudain, un œdème de la jambe, des céphalées inhabituelles, des vertiges ou des troubles moteurs ou du langage, il lui sera conseillé de contacter rapidement le médecin.

Pourquoi ne retire-t-on pas les pilules de 3e génération ?

L’ANSM estime que les pilules de 3e et 4e génération peuvent être utiles pour les femmes qui ne tolèrent pas les pilules de 2e génération ou pour lesquelles un autre type de contraception n’est pas possible. Elle explique aussi qu’une réévaluation du bénéfice risque a été réalisée par l’Agence européenne du médicament et qui a conclu que le surrisque de thrombose veineuse « ne justifiait pas leur retrait ».

L’ESSENTIEL

• Marisol Touraine demande une restriction des prescriptions de pilules de 3e et 4e génération.

• Le risque de thrombose veineuse des pilules de 3e génération est deux fois plus important que celui des pilules de 2e génération.

• Les femmes sous pilule de 3e génération ne doivent pas arrêter leur traitement mais s’orienter vers leur prescripteur.

• Le patch et l’anneau vaginal présentent les mêmes risques que les pilules de 3e génération.

Les actions annoncées par le ministère de la Santé

Marisol Touraine a demandé à l’ANSM de saisir les instances européennes pour que les indications des AMM des pilules de 3e et 4e génération soient révisées dans un sens limitant leur prescription à la deuxième intention. Des recommandations en ce sens ont déjà été émises aux professionnels de santé français.

L’Agence européenne du médicament estimait au même moment ne pas avoir d’éléments nouveaux pour réévaluer les pilules.

Le gouvernement souhaite améliorer la pharmacovigilance. Une étude rétrospective pharmaco-épidémiologique va être réalisée pour évaluer le nombre de complications vasculaires chez les femmes sous contraceptif oral. Selon l’ANSM, 567 déclarations d’effets indésirables liés à la prise de pilule ont été décomptées au cours des 27 dernières années. 13 femmes sont décédées, dont 6 prenaient une pilule de 2e génération, 4 une pilule de 3e génération et 2 une pilule de 4e génération. Dans plus de 90 % des cas il y avait un facteur de risque parfois très important associé. La ministre va demander à la Direction Générale de la Santé une réorganisation concrète du système de pharmacovigilance afin d’améliorer la notification des effets indésirables. Des outils permettant d’analyser en continu les habitudes collectives de prescription sont également attendus. Enfin, la ministre va demander à l’INPES de lancer une campagne d’information : « Il nous faut informer sans alarmer et sans paniquer. La question de la confiance dans la contraception est un enjeu majeur de santé publique ».

Yolande Gauthier