Pêcheur sur toutes les lignes

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Publié le 1 juin 2009
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À 53 ans, Francis Liaigre est un préparateur expérimenté de Haute-Savoie et un pêcheur invétéré. De poissons d’eau douce…

C’est un gentil, Francis. Un type placide. Si on ajoute son opiniâtreté et sa patience, on a la parfaite panoplie du pêcheur. Mais en bout de ligne émergent langage imagé, épicurisme et militantisme, dessinant un homme plus complexe qu’il n’y paraît. Francis Liaigre a élu domicile près des lacs de Haute-Savoie où il peaufine l’art de la pêche entre une vie familiale bien remplie, son métier de préparateur et la gestion du site Pharméchange.

Une enfance au fil de l’eau. Si d’aucuns pensent que les pêcheurs sont des solitaires bougons, un brin misanthropes, qu’ils revoient leur copie. , précise Francis. Pourtant, ce quinquagénaire affable passe des heures à explorer les bras de rivière. Quand il ne plante pas ses fesses dans une barque sur les lacs alpins dans l’espoir d’attraper des Salmonidés. Cette passion de la pêche, c’est à son grand-père maternel qu’il la doit. Francis est né en Vendée, à la fin des années 50 dans la ferme de ses grands-parents paternels sur la commune de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault. À 3 ans, il part au Mans, . Direction la Sarthe. Le père devient chauffeur de bus, la mère intègre la pharmacie de l’hôpital psychiatrique, où elle emmène parfois Francis, puis la lingerie. Les étés, il retourne en Vendée, à Bazoges-en-Pareds, chez le père de sa mère, . Le jeune garçon expérimente la pêche à rôder, , avec un morceau de bois, un fil et un asticot dans les rivières du hameau. Gardons, vairons, anguilles qui le fascinent, ou chevaines , Francis se régale.

Les frémissements de l’adolescence. Ses parents, membres de l’Action catholique ouvrière et de l’Association populaire des familles, militent aussi à la CFDT, sa mère étant responsable de la section syndicale à l’hôpital. , reconnaît Francis qui rejoint, avec son frère Christian et sa soeur Pascale, la Jeunesse ouvrière catholique. , continue Francis, . Cette éducation façonne un Francis à l’écoute des autres : L’adolescent est aussi un meneur à qui les copains demandent toujours Les surboums, le monde qu’on refait en buvant des canons, Francis n’est pas en reste question ouverture d’esprit : En 1973, le lycéen décide de faire la grève pour protester contre la loi Debré abolissant le report d’intégration pour l’armée. D’ailleurs, Francis se et, en rogne, décide de travailler.

Adulte en eaux troubles. Bercé par les souvenirs du préparatoire, Francis démarche les pharmacies. Il débute son apprentissage dans une officine où le costard cravate et le vouvoiement sont de rigueur. Un « vieux préparateur » lui apprend le métier : , se félicite Francis qui réussit haut la main son CAP et son BP en 78. Puis, arrive le service militaire dans une école du Mans où il officie comme surveillant :

Puis il se marie avec une préparatrice et part en Haute-Savoie Les époux intègrent la pharmacie Lansard à la Roche-sur-Foron où Francis officie encore. Entre-temps, il a deux garçons, Samuel en 1982 et Florent en 1986, divorce en 1992, puis épouse Nathalie, une autre préparatrice, avec laquelle il reconstruit une famille avec l’arrivée de Léa en 1995 et Ilona en 2000, ses . Les troubles de sa vie sentimentale n’ont en rien empêché ses sorties sur le lac du Bourget, près d’Aix-les-bains avec son pote Gilles ou celles sur le lac Léman avec le « six mètres » de Jean-Pierre, un client de la pharmacie, . Les heures s’égrènent lentement avant que l’ongle chevalier pointe son nez près de la nymphe de 4 à 5 mm accrochée au bout d’un fil plombé à 40 mètres de profondeur. Sur le lac d’Annecy, mieux vaut partir tôt pour éviter les vagues du ski nautique qui gênent la perception du bruissement de la ligne. , explique Francis.

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Maturité sur mer d’huile. À chaque saison, son type et lieu de pêche. , explique Francis, Mais le pêcheur n’est pas un mordu de la prise. Qu’il soit sur un lac avec un pote et quelques bières, ou en rivière, seul avec ses cuissardes, c’est le contact avec la nature et la quête qui le font frémir. D’autant que le poisson d’eau douce est méfiant, rien à voir avec le maritime. Et goûteux ! Outre l’ongle chevalier et ses notes toute en finesse, Francis apprécie la chair du féra, moins subtile mais que le préparateur cuisine selon une recette personnelle, Mais croire que Francis se contente d’une vie pépère autour d’un moulinet et d’une casserole serait une erreur. Son militantisme « congénital » lui souffle l’idée de créer en 2002 un forum de discussion et d’échange pour les préparateurs en pharmacie, afin de partager des informations sur les salaires ou la convention collective, . De cette idée, est né Pharméchange**, où préparateurs et pharmaciens s’épaulent. Aujourd’hui, ce sont près de 1 500 connexions par jour pour ce site Internet géré bénévolement par Francis, ponctuellement aidé par Vincent, Delphine, Sébastien, Sylvain et les autres. , lance le préparateur. Encore une ligne de lancée. Celle de la dérision… •

Francis Liaigre

Âge : 53 ans.

Formation : préparateur en pharmacie.

Lieu d’exercice : Pharmacie Lansard à la Roche-sur-Foron (Haute-Savoie)

Ce qui le motive : rendre les gens heureux en se faisant du bien d’abord.

Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Une jolie fleur toute simple et odorante, un hybride de clématite, rose et orchidée. J’adore les fleurs et les choses simples.

• Si vous étiez une forme galénique ? Un sirop dont le sucre masque les goûts désagréables. Retenu, je ne laisse pourtant pas passer ce que j’ai à dire, mais je le fais en face à face. Je ne sais pas mentir.

• Si vous étiez un médicament ? La pilule du lendemain, parce je donne toujours une seconde chance. On a le droit de se tromper et de recommencer.

• Si vous étiez un matériel ou dispositif médical ? Une canne pour se relever, car un homme debout est capable de prendre en main son destin. Là est la difficulté : affronter la vie ou capituler.

• Si vous étiez un vaccin ? Celui qui servirait à beaucoup de personnes comme un vaccin anti-herpétique efficace.

• Si vous étiez une partie du corps ? La bouche parce qu’elle permet

de communiquer avec les autres. Elle est le premier contact avec de nombreux plaisirs, de la sucette à l’anis à bien d’autres nourritures…