Or blanc

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Publié le 8 décembre 2001
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Dans un environnement économique plutôt favorable, la pharmacie savoyarde a le sourire. Malgré ses deux visages : les pharmacies de station, de sports d’hiver ou thermales, « attractives », et les pharmacies de vallée, plus « fragiles ».

Heureuse Savoie. Avec 373 258 habitants dont 56 % ont moins de 40 ans, un taux de chômage de 7,8 % – largement inférieur à la moyenne nationale, de 9,1 % -, elle figure au palmarès des départements français les plus en en forme du moment. L’environnement industriel est porteur avec de grands groupes industriels (Saint-Gobain, Pechiney, Ugine…) et de nombreuses PMI s’appuyant sur le savoir-faire savoyard (Opinel, Eaux d’Aix-les-Bains, Croix de Savoie, Alpina, Savoie Yaourts…).

Mais surtout, la Savoie dispose d’un atout maître : le tourisme. Premier secteur économique du département, il représente 25 000 emplois et place la Savoie en tête des départements touristiques. Au coeur de cette activité : l’or blanc. 70 stations de ski alpin, 21 sites de ski de fond pour 21 millions de journées touristiques durant la saison 1999/2000, soit une progression de la fréquentation de 5,8 %. Mais la Savoie est également le premier département pour le thermalisme avec six stations et 70 000 curistes en 2000, soit une augmentation 4,2 % sur un an.

Scission syndicale dans le département

Dans ce contexte économique plus que favorable, la pharmacie a le sourire : avec un chiffre d’affaires moyen de 8,2 MF, selon la Fédération nationale des centres de gestion agréés (contre 6,5 MF au plan national), les 156 pharmacies du département progressent globalement de 6,4 % sur un an. « Nous avons mangé notre pain blanc, estime pourtant Stéphane Bouillot, titulaire à Ugine (6 963 habitants) et président du syndicat départemental. La progression de nos CA depuis deux ans n’est due qu’à l’accroissement de la consommation de médicaments. Or, aujourd’hui on attaque nos marges. Les années qui viennent risquent d’être difficiles avec la baisse de 40 centimes du forfait qui nous attend, les salves de déremboursements, sans compter l’effort d’investissement que l’on nous a demandé pour SESAM-Vitale, les 35 heures et l’euro. Aujourd’hui je crains que certaines officines du département, fragiles financièrement, ne mettent la clef sous la porte. » Discours alarmiste ? En tout cas, Stéphane Bouillot est dans son rôle : la Savoie a quitté la Fédération début octobre pour rejoindre l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines. « Nous avons décidé de reprendre notre destin en main et refusé la politique de compromission actuelle, justifie-t-il. Il y a deux ans, le département était déjà prêt à partir. Les 40 centimes ont été la goutte d’eau… Depuis, je reçois des lettres de confrères qui sont très satisfaits de notre décision. Certains souhaitent même s’inscrire depuis la scission.»

Le syndicat départemental compte aujourd’hui environ 80 adhérents, majoritairement des pharmaciens installés dans les vallées. Ce n’est pas un hasard. « Les pharmacies de stations de sports d’hiver ou thermales dégagent en moyenne une marge brute supérieure de 0,6 à 0,8 point par rapport aux pharmacies de vallée, explique Stéphane Bouillot. L’exercice pharmaceutique est très différent, les clientèles opposées. Sur Ugine, j’ai principalement des retraités et des ouvriers au SMIC, là-haut ce sont des clientèles plutôt jeunes à fort pouvoirs d’achat. »

Le thermalisme savoyard fait peau neuve

Côté stations thermales, où l’on termine la saison lorsque les stations de ski la commencent, la situation est plutôt satisfaisante. Titillé par le boom de la thalassothérapie, le thermalisme a su faire peau neuve pour attirer une clientèle plus jeune.

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A Aix-les-Bains (25 717 habitants), ville historique du thermalisme, même si les douze pharmacies de la ville restent en dessous du quorum normal de 2 500 habitants pour une officine (2 144), il faut tenir compte de la nombreuse clientèle de passage faite de curistes et de frontaliers helvétiques attirés par le casino. « Le chiffre d’affaires est en constante progression depuis treize ans, confie Jacques Pichat, installé à deux pas des Thermes nationaux. Ici la concurrence n’est pas excessive, en tout cas, elle est sans coup bas. Mais douze pharmacies est un maximum et la création qui a été acceptée par le préfet a été attaquée devant le tribunal administratif.

« L’équipe, qui compte treize personnes dont trois pharmaciens, réalise près de 70 % du chiffre sur des produits vignetés, le renouvellement d’ordonnance étant monnaie courante pour les curistes. Rhumatisme, ORL, diététique sont les trois grandes pathologies traitées ici. Coté para, les produits de phytothérapie et les compléments vitaminiques marchent bien, explique Jacques Pichat. On essaie également de travailler sur des produits techniques de cosmétologie thermale. »

Dans les deux autres grandes villes du département que sont Chambéry (55 786 habitants) et Albertville (17 340 habitants), la situation économique est similaire à beaucoup de villes françaises de taille identique : tendue.

Problèmes de garde à Chambéry

« Chambéry compte six officines de trop, affirme Stéphane Bouillot. En centre-ville, la concurrence est sévère. Parallèlement, nous avons un problème de garde. Les habitants du centre-ville ne veulent pas se déplacer à la pharmacie de garde lorsqu’elle se situe en périphérie. Plusieurs plaintes ont été déposées auprès de la préfecture et de la mairie. »

Membre du réseau Santé Toxicomanie Savoie, qui lie hôpitaux, médecins et pharmaciens dans la prise en charge des protocoles de sevrage ambulatoire, Yves Chabert, est installé sur les hauteurs de Chambéry dans un quartier difficile. Il témoigne : « Les habitants intra-muros ont été habitués durant des années à avoir une pharmacie de garde au centre-ville. Ils sont déstabilisés. Mais le quartier est difficile et je comprends qu’il y ait de l’appréhension à monter jusqu’ici, surtout lorsqu’il faut attendre l’arrivé du pharmacien. »

Albertville. Dans un rayon de 150 mètres, quatre officines se font face. Bernard Souquet, figure locale, s’impose sur le terrain économique : avec seize millions de chiffres d’affaires, dix-sept employés, il est titulaire, avec sa soeur, de la deuxième pharmacie du département par le chiffre d’affaires. Le secret de sa réussite : une gestion optimale. Il ne compte que 5 000 francs de produits périmés par an.

« On nous dit tous que la para c’est l’avenir de la pharmacie, ça n’est pas vrai. Je fais 90 % d’ordonnance. Je fonctionne sur des pathologies que ne veulent pas faire les autres, les chroniques notamment, mais aussi l’oxygénothérapie et l’orthopédie. Les pharmaciens aujourd’hui veulent offrir des prix plutôt que du service. Ils marchent sur la tête… »

Portrait : Jean-Luc Milleret, le découvreur de crus

« J’ai créé la cave de beaucoup de mes confrères de la région. » Jean-Luc Milleret, titulaire à La Motte-Servolex dans la banlieue de Chambéry, sait faire partager son violon d’Ingres : le vin. « J’ai découvert le vin à 16 ans au cours d’un mariage. C’était du beaujolais, du moulin-à-vent. Je m’en souviens comme si c’était hier ! Depuis la passion ne m’a plus lâché. » Fin dégustateur, grand connaisseur, Jean-Luc Milleret est surtout un découvreur. Animateur d’un club d’oenologie, il est chargé de dénicher les petites merveilles qui feront le bonheur des membres de l’association. Un travail de fourmi : des heures passées avec les guides, les revues, les annuaires ou à trier les informations que lui rapporte le bouche-à-oreille. « Je vais sur le terrain aussi souvent que possible pour confronter l’idée que je me suis faite d’un cru avec la réalité. Je pars bientôt en Italie pour découvrir les vins et les producteurs du Piémont. » Chaque mois, le club organise une soirée thématique qui réunit 80 personnes en moyenne. Au programme : les grands vins de Loire, le gevrey-chambertin, les terroirs du Chablis, les vins d’Espagne… et ceux de Savoie. Marestel, cruet, arbin, abymes…, la région compte quatre appellations et dix-neuf crus en rouge et blanc. La viticulture s’est même imposée comme la deuxième activité agricole après l’élevage. « Depuis quelques années les producteurs font de gros efforts, si bien qu’aujourd’hui on peut trouver des roussettes ou des apremonts de très bonne facture », se félicite Jean-Luc Milleret. –

N.F.

Une montagne de Subutex !

Entre dix et quinze patients sous méthadone et trente sous Subutex par hiver à la pharmacie des Ménuires, près de dix cas de Subutex à La Plagne, huit à Val-Thorens. Qui aurait soupçonné que les stations de sports d’hiver, univers doré de vacances et de fêtes, étaient touchées à ce point par la toxicomanie ? « Ce ne sont pas des vacanciers que nous soignons mais des saisonniers qui travaillent en station, dans les restaurants ou les remontées mécaniques, explique Pierre-Olivier Massot, pharmacien aux Ménuires. Beaucoup sont des cas sociaux qui ont des vies difficiles et précaires. »