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On vous a compris !
Jacques Chirac, Lionel Jospin, Alain Madelin et Noël Mamère ont accepté de se faire représenter à Pharmagora pour répondre aux questions des pharmaciens et de leurs représentants, Bernard Capdeville, président de la FSPF, et Claude Japhet, président de l’UNPF. Et pour entrer dans le vif du sujet, rien de mieux que d’aborder la maîtrise comptable. « C’est Juppé qui a créé la maîtrise comptable avec les sanctions collectives », lançait d’entrée Claude Pigement (PS), aussitôt contré par Pierre Morange (RPR) : « Le gouvernement Jospin a découvert les vertus de la maîtrise médicalisée trois mois avant les élections et après cinq années au pouvoir où il a accumulé des recettes fiscales exceptionnelles au travers d’une vingtaine de cotisations, taxes ou impôts supplémentaires… ce dont les pharmaciens d’officine ont une parfaite mémoire. »
Après ces quelques passes d’armes classiques en ces temps de campagne, les échanges ont porté sur l’Assurance maladie et sa privatisation éventuelle, défendue par le seul Alain Madelin. Pour Laurent Alexandre (DL), son représentant, il est impossible de gérer la santé de 60 millions de personnes depuis l’Avenue de Ségur et l’Avenue du Maine. « Il va falloir forcément trouver une solution pour avoir un assureur à taille humaine et mettre un terme au gâchis bureaucratique qui absorbe tellement d’argent que cela conduit mécaniquement à paupériser les professionnels de santé. » Et de proposer une concurrence raisonnée mais avec des garde-fous : non-sélection des risques, maintien d’une couverture pour tous, maintien de la solidarité nationale… Des propositions rejetées par le PS et André Cicollela (Les Verts) : « La relation santé-profit est difficile car forcément c’est le profit qui l’emporte sur la santé avec une sélection des risques. La logique de privatisation n’a donc pas sa place car l’exigence première est l’accès de la population au droit à la santé. »
Qualité, rémunération et réseaux de soins
Les politiques étaient également attendus sur le dossier du médicament et son corollaire, la rémunération du pharmacien. Claude Pigement n’a bien sûr pas renié la ligne tenue par le gouvernement actuel : « Il y a eu un accord en 1999. Je sais que certains pharmaciens le critiquent mais cela a été une avancée. On peut toujours en rediscuter avec les partenaires sociaux dans le cadre de la politique conventionnelle et voir comment améliorer le système. En sachant qu’il faut améliorer la qualité, si le pharmacien y contribue il doit être rémunéré en retour. » André Cicollela s’est montré plus tranché : « Il faut changer le mode de rémunération du pharmacien, comme du médecin d’ailleurs. En effet, le paiement à l’acte est totalement dépassé. Il faut que la rémunération soit liée à des objectifs de santé. On commence à évoluer dans ce sens-là, avec les réseaux de soins. » « Les pharmaciens méritent d’occuper une position accrue dans le système de santé et ils le démontrent chaque jour en jouant le rôle de véritable pivot », renchérissait Xavier Nicolas (RPR).
« Il n’y a pas que le versant recettes et marge, il y aussi le côté dépenses. La mise en place des 35 heures va se traduire par une baisse de rentabilité très importante et cela personne ne l’évoque. Comment des petites structures vont faire pour survivre à l’application bureaucratique bornée d’une loi qui a été imposée aux pharmaciens sans concertation ! » Pour Xavier Nicolas, les 35 heures peuvent effectivement pénaliser le fonctionnement des officines à un moment où il y a pénurie de personnel. « On peut aussi souligner qu’il y a rupture entre les professions à contrainte comme la nôtre et d’autres. Nous devons travailler tard le soir, le samedi, assurer les gardes… Ce n’est pas de nature à motiver les jeunes. Cette motivation, ils ne peuvent la trouver que dans la lisibilité de leur exercice professionnel ainsi qu’avec une rémunération décente tenant compte de leurs nombreuses responsabilités. » Le président de la section pharmacie du RPR, conscient des inquiétudes de nombreux pharmaciens, a également invité les politiques présents à contribuer à la dépénalisation des relations commerciales entre pharmaciens et fournisseurs de génériques. « Il faut créer de la souplesse ; souplesse qui peut être bien sûr négociée avec l’assurance maladie. »
Les promesses deviendront-elles palinodies ?
Au terme du débat, Claude Pigement a souhaité revenir sur la place du pharmacien dans la chaîne de soins : « Vous n’avez plus l’image du pharmacien qui délivre le médicament. Maintenant, vous avez un rôle de conseil, de prévention, d’éducateur de santé, de dialogue avec l’assuré social notamment au travers des génériques. En contrepartie, vous avez une responsabilité de plus en plus lourde mais il faut l’assumer car plus les pharmaciens joueront un rôle important dans la chaîne de soins, mieux ce sera. Vous êtes les acteurs de proximité, interface entre les professionnels de santé et les patients. »
Et André Cicollela de conclure : « Il me semble qu’il y a une mission importante qui revient au pharmacien, c’est le rôle d’éducation à la santé de la population. Il a un rôle de triage, de premier échelon, de dédramatisation des problèmes qui permet aux autres professionnels de santé de jouer pleinement leur rôle. Et ça, cela mérite incontestablement une rémunération spécifique. »
Après les mots, les pharmaciens attendent maintenant des actes. Et là, tout (re)commence le 28 avril avec le premier tour de l’élection présidentielle.
Un service, cela se paie !
Lors du débat, Claude Japhet a rappelé avec insistance aux hommes politiques présents que l’indemnité de garde des pharmaciens d’officine n’avait pas été réévaluée depuis près de 21 ans. « Nous sommes les professionnels de santé dont l’indemnité de garde est la plus faible. Or on repousse notre demande de revalorisation depuis plus de 10 ans en nous disant que c’est inclus dans notre marge. Je suis désolé, mais un service, cela se paie. »
Réponse de Claude Pigement (PS) : « Le service de garde est une mission d’intérêt public et elle doit être rémunérée comme telle. Il faut peut-être prendre exemple sur les médecins qui viennent d’obtenir un forfait d’astreinte de garde de 50 euros par tranche de 12 heures. Cela me paraît une piste intéressante.» Un point de vue partagé par André Cicollela, des Verts.
Propos de circonstance
L’époque est propice aux déclarations solennelles et les hommes politiques présents à Pharmagora n’ont donc pas manqué de saluer la profession. Qu’ils s’en souviennent le moment venu.
Claude Pigement (PS)
« Votre profession a été précurseur en matière de politique contractuelle. Même si cette politique peut encore être améliorée, je salue votre sens de la responsabilité. Sur le développement des génériques, on peut également mieux faire mais je trouve que votre profession s’est globalement investie. »
Pierre Morange (RPR)
« Nous avons un système de santé qui fonctionne grâce à l’efficacité tout à fait remarquable des professionnels de santé, dont les pharmaciens qui ne sont pas mis en valeur à la hauteur de ce qu’ils devraient être. » Pierre Morange toujours : « La profession pharmaceutique s’est totalement immergée dans le bain informatique en assurant toutes les tâches connexes sur le plan administratif, assurant même une délégation de service public, au détriment de ses propres finances. Cela a une valeur exemplaire pour le monde de la santé. »
Laurent Alexandre (DL) :
« En gardant un système d’assurance maladie centralisé, national, toute maîtrise médicalisée sera impossible à mettre en oeuvre. Pourquoi ? Parce qu’une maîtrise médicalisée suppose que l’on mette en valeur le talent et les compétences des professionnels de santé sur une base locale, en se servant par exemple du rôle pivot des pharmaciens pour améliorer le maintien à domicile des personnes âgées prédépendantes. »
André Cicollela (Les Verts) :
« Le pharmacien a un rôle très important à jouer comme acteur de santé. Et si on veut développer les génériques, il faut le rémunérer de façon plus importante. »
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