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Obama et McCain souffrent d’un vrai plan santé
Près de 50 millions d’Américains ne sont pas couverts, les prix des soins explosent, leur qualité laisse à désirer et la population se précarise. La faute à un libéralisme débridé que certains, y compris au sein du gouvernement, appliqueraient bien à la santé dans notre pays. A moins que le futur Président américain ne leur en ôte l’envie…
Les résultats d’un sondage publié la semaine dernière et réalisé pour le Collectif interassociatif sur la santé et L’Expansion soulignent les craintes des Français. Car, depuis la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l’assurance maladie, les fondements de notre système de protection maladie solidaire sont régulièrement mis à mal, donnant une place grandissante aux mutuelles et aux compagnies d’assurances. Comme aux Etats-Unis.
Or, le système de santé du berceau de l’ultralibéralisme vire à la catastrophe. Alors que les dépenses de santé y représentent plus de 15 % du PIB, contre 8 à 11,6 % dans les autres pays de l’OCDE, et devraient atteindre 21 % en 2020 (!), le taux d’affections chroniques est le plus haut de tous les pays développés et les soins dispensés sont jugés inefficaces et injustes, selon une étude du Commonwealth Fund, un institut de recherche indépendant sur la santé. Rappelons qu’aux Etats-Unis les plus démunis peuvent bénéficier de Medicaid, les retraités de Medicare et les familles avec enfants dont les revenus sont modestes mais trop élevés du State Children’s Health Insurance Program. Les autres doivent remettre leur santé aux mains du privé…
Les coûts des assurances explosent
Résultat : toujours, selon le Commonwealth Fund, près de deux tiers des adultes américains âgés de moins de 65 ans, soit 116 millions de personnes, ont connu en 2007 des difficultés à régler leurs factures médicales, voire se sont endettés, n’ont pu se soigner en raison du coût des soins, n’étaient pas assurés à un moment donné ou encore étaient sous-assurés, devant notamment payer de plus en plus de leur poche. « Tandis que le prix de l’essence et de la nourriture augmente, la hausse des coûts du système de santé dépasse la croissance des revenus et de plus en plus de personnes ne bénéficient pas d’une assurance suffisante », commente le Commonwealth Fund.
Et la proportion d’Américains n’étant absolument pas assurés augmente. Plus d’un quart (28 %) des adultes âgés de 19 à 64 ans, soit environ 50 millions de personnes, ne bénéficiaient pas d’assurance au cours de l’année 2007, contre 24 % en 2001. Sur ce nombre, 58 % avaient au moins une personne travaillant à plein-temps dans leur famille. La part de ceux qui sont mal assurés est quant à elle passée de 9 à 14 %, soit 25 millions de citoyens, entre 2003 et 2007. Car les coûts des assurances explosent, leurs prestations sont de moindre qualité, le prix des médicaments – libre, comme leur taux de remboursement – augmente, les travailleurs s’endettent pour se soigner, les obligeant souvent à retarder leur prise en charge, leur santé en pâtit encore davantage et les employeurs rechignent aujourd’hui de plus en plus à couvrir leurs salariés. Il y a 50 ans, les entreprises y étaient incitées en échange de déductions fiscales. 66 % des Américains salariés en bénéficient donc aujourd’hui.
Deux programmes, deux philosophies
« Le ralentissement économique actuel rend encore plus urgent pour la nouvelle Administration de faire de la mise en place d’une couverture santé universelle et accessible une grande priorité pour 2009 », estime la présidente du Commonwealth Fund. Outre-Atlantique, 82 % des citoyens pensent d’ailleurs que leur système de santé doit être complètement réorganisé. Et 90 % comptent sur leur futur président pour ce faire. Car, malgré une croissance ininterrompue, la pauvreté s’est accrue, la couverture santé s’est rétrécie et les conditions d’emploi se sont détériorées durant les deux mandats de George W. Bush. Tandis que les riches… se sont enrichis. A en croire les économistes Thomas Piketty et Emmanuel Saez, 75 % de la croissance entre 2002 et 2006 a bénéficié au 1 % d’Américains les mieux lotis.
Alors, que proposent Barack Obama et John McCain ? « Les Etats-Unis connaissent deux grands problèmes : un niveau de dépenses de santé très élevé, sans que l’état de santé des citoyens américains soit particulièrement bon, et un nombre de personnes non assurées conséquent. Aucun des deux candidats ne s’attaque sérieusement au premier problème. En revanche, ils présentent deux approches différentes pour traiter le second », analyse Gérard Cornilleau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques. John McCain prône un système qui reste totalement libéral, souligne-t-il. Le sénateur républicain veut principalement limiter les coûts du système de santé pour le pays en supprimant les réductions fiscales accordées aux entreprises pour financer les assurances et en confiant à chacun le choix de sa propre assurance via un crédit d’impôt de 2 500 $ accordé aux individuels et de 5 000 $ pour les familles. Le sénateur démocrate affiche pour sa part un programme aux antipodes, toutefois bien en deçà de la solution radicale prônée à l’époque par l’Administration Clinton, qui était une couverture maladie universelle. Barack Obama dit vouloir « garder le système de santé américain actuel mais en y ajoutant un pilier supplémentaire » : un « National Health Insurance Exchange ouvert à tous, en particulier aux plus démunis ». Ce dispositif permettrait aux individuels et aux petites entreprises de se procurer une assurance santé privée ou publique. Les assureurs privés ne pourraient plus sélectionner leurs assurés et devraient offrir des prestations de meilleure qualité. A cela s’ajoutent des subventions pour les plus nécessiteux. Barack Obama entend aussi imposer aux entreprises, sauf les PME, de couvrir leurs employeurs sous peine d’être taxées ou de devoir verser un impôt à un fonds fédéral. Il ne prône toutefois pas de couverture maladie obligatoire, sauf pour les enfants.
Aux Etats-Unis, les dépenses par habitant – corrélées au coût de la vie – représentent chaque année plus de 6 000 dollars, contre environ 3 500 dollars environ en France.Le plan démocrate plus cher mais plus efficace
Des chercheurs ont calculé que le plan de McCain réduirait de 2 millions le nombre d’Américains non assurés, estimé dans dix ans à 67 millions. Le chiffre tombe à 34 millions avec Obama. Le plan républicain coûterait en outre 185 Md$, contre seulement 86 pour le plan démocrate la première année. A dix ans, en revanche, le premier coûterait 1 300 Md$ contre 1 600 Md$, ce dernier permettant, surtout, de rendre les soins plus abordables et efficaces. Cela dit, en ne rendant pas la couverture santé obligatoire, nul ne peut prédire combien de personnes s’assureront, même si le coût des assurances diminue. A contrario, la dérégulation prônée par McCain ne pourra, intrinsèquement, rendre la couverture santé universelle. Elle la rendrait plutôt inabordable et inadéquate pour les plus âgés et les plus malades. Enfin, son crédit d’impôts ne suffirait pas à financer une assurance santé qui coûte environ 12 000 $ par an aux familles.
« Les discours de Barack Obama et John McCain restent généraux, sont un peu langue de bois et manquent de mesures concrètes », résume Gérard Cornilleau. […] Le pays continuera vraisemblablement à vivre sans assurance. Peut-être seront-ils un peu moins nombreux à être concernés avec Obama, mais une grosse imprécision persiste dans son programme : personne ne sait comment le financer ! » En outre, « on peut imaginer que la réforme du système de santé américain résultera davantage d’une réforme Etat par Etat », sur le modèle du Massachusetts qui a adopté le principe de couverture médicale universelle. Pourtant, pour le Prix Nobel d’économie 2008 Paul Krugman, l’instauration d’une assurance maladie couvrant toute la population est la première chose à faire pour garantir la stabilité et le pacte social. Cela prouve en tout cas que, même en France, une libéralisation de la santé ne serait pas la panacée.
Le Massachusetts, un Etat pionnier
Seul Etat américain ayant adopté le principe de couverture médicale universelle – en avril 2006 – par un accord entre le Parti démocrate et le Parti républicain (!), le Massachusetts oblige chacun à souscrire une assurance sous peine d’une amende et offre une aide aux plus pauvres. Selon les chiffres de la DREES, le nombre de personnes non assurées y a sensiblement décru, passant de 680 000 à 365 000 en 2007 sur une population globale de 6,4 millions de personnes. Le Massachusetts pourrait ne plus faire longtemps figure d’extraterrestre au pays de l’oncle Sam : aujourd’hui, onze Etats, dont la Californie, New York et le Vermont, réfléchissent à des projets similaires.
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