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L’Ordre fait sauter des verrous
L’ordre des pharmaciens a adopté le 6 septembre le projet de refonte du code de déontologie ainsi que les articles relatifs à la publicité des officines. Les nouveaux textes suscitent déjà de nombreuses interrogations.
S oumise à la consultation des pharmaciens en juillet, la possibilité d’introduire une clause de conscience dans le nouveau code de déontologie a été définitivement écartée du projet de refonte du texte suite aux polémiques de l’été. Mais ce n’est qu’un des aspects du texte adopté par l’ordre des pharmaciens mardi 6 septembre. Un texte qui a abouti à un code resserré s’appliquant à l’ensemble des pharmaciens (officine, industrie, biologie, distribution en gros). De fait, le projet ne comporte plus que 47 articles contre 77 aujourd’hui. Quant aux dispositions, elles sont beaucoup plus générales et ne prennent pas en compte les activités spécifiques. L’exemple le plus frappant est la définition de l’acte pharmaceutique : « On entend par acte pharmaceutique tout acte professionnel faisant appel à des compétences pharmaceutiques ». Et le pharmacien doit l’accomplir « selon les règles de bonnes pratiques correspondant à l’activité considérée et les données acquises de la science ». L’accent a également été mis sur l’indépendance professionnelle. Elle s’applique à tous les pharmaciens, libéraux ou salariés. Le code prévoit même que le pharmacien ne peut proposer ou accepter une rémunération fondée sur la productivité, le rendement ou un autre critère qui pourrait « porter atteinte à l’indépendance professionnelle ou à la qualité des actes pharmaceutiques ».
La santé publique mise en avant
Les devoirs envers les patients ont été renforcés. Ainsi, le pharmacien « veille notamment à la protection des données qui lui sont confiées, quel qu’en soit le support, dans la limite des lois et règlements applicables ». La coopération interprofessionnelle est introduite dans le code, qui précise que « l’exercice, pour l’intérêt du patient, au sein d’une équipe de soins multidisciplinaires ne constitue pas en soi des faits de compérage ». Enfin, le rôle de santé publique de la profession est largement mis en avant : « Le pharmacien doit toujours agir dans l’intérêt des personnes et de la santé publique » (art. R.4235-18) ou « Les pharmaciens doivent réserver dans leur activité en relation directe avec le public une part prépondérante aux messages de santé publique » (art. R.4235-14).
Des règles à part pour l’officine
Sept règles relatives à l’officine (acte de dispensation, accès des médicaments dans la pharmacie, services de garde et d’urgence…) devraient être insérées dans le Code de santé publique. Idem pour les onze règles sur la communication et la publicité. La section A les a rédigées, après consultation des syndicats, des groupements, d’associations de consommateurs et de patients, des étudiants, et d’après une enquête réalisée auprès des titulaires et des adjoints. L’objectif : réactualiser les règles en tenant compte des nouvelles technologies et des évolutions sociétales. La publicité est désormais définie comme « toute communication publique qui vise à promouvoir son auteur, ses collaborateurs, les produits, prestations et activités susceptibles d’être proposés dans son officine, et ce, quels qu’en soient le support et les modalités ». Les outils numériques (sites internet, réseaux sociaux, mails…) sont pris en compte, mais seulement « à des fins professionnelles ». La publicité pour son officine est autorisée « à l’exclusion de toute mention de produits visés à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique et de toute offre ou promotion commerciales ». A priori, le pharmacien est autorisé par exemple, à proposer des cartes de fidélité uniquement pour les produits de parapharmacie, et à organiser au sein de son officine, des animations et des formations qui visent des activités, produits ou objets dont le commerce est autorisé en officine. Le nom de l’officine et ses coordonnées, ainsi que les prestations et activités autorisées, peuvent figurer sur le véhicule de la pharmacie, ainsi qu’au sein d’un établissement de santé ou médicosocial. Quant aux groupements, ils peuvent seulement « mener des campagnes de prévention ou de promotion de la santé publique, communiquer sur les prestations et activités destinées à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » et ont donc moins de latitude que les pharmacies. Des interdictions demeurent : pas de distribution de tracts à l’extérieur des officines, pas de cadeaux aux clients en dehors de ceux déjà autorisés, interdiction de payer pour être référencé sur un moteur de recherche.
De nombreuses interrogations
Cependant, toutes ces modifications suscitent des questionnements. Philippe Gaertner, président de la FSPF, estime que « l’approche transversale du code devient un élément limitant sur un certain nombre de points ». Il regrette que la notion de « tact et mesure » ait disparu notamment sur la fixation des prix et au sujet de la publicité. En revanche, il s’étonne des nouvelles dispositions sur les véhicules et les établissements de soins et médico-sociaux : « Si une seule pharmacie fournit ses coordonnées, c’est discriminatoire. » Et de s’interroger : comment vont-être appliquées ces règles à l’usage ? Une question que se posent aussi les groupements. Pour Christian Grenier, président de Federgy, « la refonte du code marque une avancée, les règles sur la publicité tendent vers plus de liberté ». Mais les textes requièrent des précisions, Federgy a d’ailleurs écrit à l’Ordre à ce sujet. Que signifie exactement « vise à promouvoir » ? Quel champ est précisément couvert ? « L’Ordre n’a pas repris nos propositions. Nous souhaitons que les groupements puissent avoir un mandat de communication de la part du pharmacien et puissent communiquer de la même façon qu’une officine », déclare Christian Grenier. Federgy souhaite, en effet, disposer des mêmes armes que les autres circuits de distribution. Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie est encore plus critique : « C’est encore restrictif. De plus, les propositions prêtent à interprétation. On n’indique pas clairement ce qui est autorisé. Il faudra des jurisprudences pour interpréter ces règles. Elles ne vont pas réduire les procédures. Le petit pharmacien indépendant va s’abstenir s’il y a un risque de procédure ». Et de conclure : « Ces règles répondent-elles aux problématiques d’aujourd’hui ? Je ne le pense pas ». Ces propositions doivent désormais être transmises au ministère de la Santé qui décidera ou non de leur application.
À RETENIR
• Resserré, le nouveau projet de code de déontologie de l’Ordre national des pharmaciens met l’accent sur l’indépendance professionnelle et introduit la coopération interprofessionnelle.
• L’Ordre a définitivement enterré la clause de conscience.
• Le nouveau projet pose encore de nombreuses interrogations.
• P.rochaine étape du texte : le ministère de la Santé.
REPÈRES
LES PRINCIPALES NOUVEAUTÉS DE LA REFONTE
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- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
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