Loi HPST : transformer l’essai

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Publié le 14 mars 2009
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Qu’il s’agisse du président de l’Ordre ou des leaders syndicaux, chacun exprime sa satisfaction de voir les amendements portés par la profession reconnus dans la loi HPST. Incontestable réussite. Mais, passée l’euphorie du moment, il faudra sans tarder penser à l’application concrète. Et si le plus dur restait à faire ?

On a marqué l’essai, il faut le transformer. » « Enfin, le pharmacien n’est plus seulement cantonné à un acte de dispensation commerciale. » « C’est cinq ans de travail et d’efforts qui vont se retrouver dans le Code de la santé. » Sans surprise, les phrases enthousiastes des représentants syndicaux de la profession pleuvent devant la reconnaissance du pharmacien dans la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) : création du pharmacien coordonnateur (pour des renouvellements de traitements, adaptations de posologies…), du pharmacien référent pour les EHPAD, mention du conseil pharmaceutique dans les soins de premier recours… (voir Le Moniteur n° 2769).

« Sans vouloir faire de triomphalisme, il est clair que nos arguments ont été entendus. Mais, quand la loi sera définitivement votée, il nous faudra aider nos confrères à prendre conscience de toutes les modifications à retranscrire dans leur acte quotidien, fait remarquer Jean Parrot, président de l’Ordre des pharmaciens. Il faudra que syndicats et groupements se rallient à nos côtés pour vite faire avancer les choses. » De son côté, Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, est tout sourire : « Nous avons obtenu l’intégralité de nos propositions communes, sauf les services à la personne. Sur ce dossier, on n’arrive pas à convaincre depuis trois ans car nous sommes immédiatement caricaturés. »

Un point de départ pour faire évoluer le métier

Bref, Gilles Bonnefond se réjouit de ce texte qui « valorise le pharmacien et le rend moins dépendant du prescripteur. Tous les patients chroniques ou sortant de l’hôpital pourront choisir un pharmacien qui surveillera, en accord avec leur médecin traitant, si leur traitement est bien adapté, toléré et s’ils réalisent les examens de surveillance. »

L’enjeu est bien pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, dans cette coopération. « Continuons à travailler dans une logique de confiance avec les autres professionnels de santé. » Claude Japhet, président l’UNPF, décrit un pharmacien qui, « demain, sera un professionnel de santé apportant ses prestations dans et à l’extérieur de l’officine ». Alors ce « demain », c’est quand ? Difficile de faire des pronostics, mais Claude Japhet s’y colle : « Il faudra compter cinq à sept ans : deux à trois pour que les mentalités changent, quatre à cinq pour que l’ensemble de la profession ait bien compris le système, et six à sept pour que le pharmacien ait complètement intégré ce changement profond… »

« On a la maison, maintenant il faut remplir les pièces !, illustre Philippe Gaertner. Et le bémol à tout cela, c’est que l’économie de l’officine devra être capable de nous donner les moyens de la meubler. Tout faire à budget constant pour les payeurs peut être obtenu par une amélioration de l’efficience. Mais, aujourd’hui, l’officine ne peut faire plus eu égard aux sommes allouées. Il faudra donc développer des études pharmacoéconomiques pour appréhender les coûts économisés. » Claude Japhet fait une analyse similaire : « L’avenir n’est plus à la course aux surmarges. Le modèle à privilégier, c’est être rémunéré pour notre capacité à permettre de mieux, sinon moins dépenser. Il faut donc quantifier la valeur ajoutée des officines par rapport aux économies pour la collectivité. ». Mais il voit aussi, indépendamment de l’aspect purement économique, des moyens organisationnels à trouver pour sortir – au sens propre – de l’officine, participer aux réunions de coordination avec les autres professionnels et « remplacer le chacun pour soi«  par le « tout le monde ensemble » ».

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Changer de modèle économique

« On devra changer de modèle économique. Le « je vends donc je gagne », on ne pourra plus s’y cantonner. Le modèle d’aujourd’hui avec juste une marge ne pourra perdurer », prédit Claude Japhet. En ce sens, la première pierre est posée avec la reconnaissance des prestations et services dans la loi. Les relations avec les complémentaires sont une piste plus que jamais à explorer. Gilles Bonnefond indique « faire depuis un an et demi le tour des complémentaires pour voir comment le conseil du pharmacien peut être pris en charge ». Pour lui, la reconnaissance du métier dans la loi va justement permettre de travailler plus facilement avec elles.

La première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale s’est terminée mercredi, avec un vote solennel programmé le 18 mars. Initialement prévue en avril, la première lecture au Sénat aurait lieu finalement dans la seconde quinzaine de mai. Il n’y aura pas de deuxième lecture. Le compte à rebours a commencé.

ce que vous en pensezRémunérer le conseil pharmaceutique

YVES CHABERT, Chambéry (Savoie)

Le conseil pharmaceutique et la mission de pharmacien de coordination sont reconnus dans la loi, il faut maintenant que leur rémunération soit également actée. On nous demande de baisser le prix de nos produits conseil alors que nous sommes de plus en plus pressurisés sur nos marges, il serait bien de pouvoir bénéficier de compensations financières. Des honoraires permettraient notamment de rémunérer notre conseil lorsqu’il n’est pas assorti d’une vente de produits. Une rémunération accessoire n’est pas illogique non plus dans le cadre d’une activité de pharmacien référent qui éviterait le nomadisme médical des clients.

PASCALE REPELLIN, Albertville (Savoie)

Je suis tout à fait favorable à une valorisation du conseil pharmaceutique qui accompagne la délivrance de médicaments destinés à des patients souffrant de pathologies lourdes. Je ne considère pas que rémunérer justifie un surcroît de travail. Il faut cependant réfléchir à la qualité de cet acte pharmaceutique et savoir s’il peut être rendu par toutes les officines. Il faudra nécessairement aménager un espace spécifique et renforcer les compétences des équipes. Concernant la coordination des soins, ce travail doit être rémunéré directement par le réseau d’appartenance du pharmacien.

OLIVIER ALBERT, Port-la-Nouvelle (Aude)

Ce qu’offre la loi HPST, c’est un nouveau métier. A nous d’être à la hauteur. Des adaptations devront être envisagées en termes d’agencement et de formation des équipes. Le fait de percevoir un forfait rémunérant mon acte intellectuel et une marge sur les produits vendus accessoirement au décours d’un conseil ne me pose aucun problème. Aujourd’hui, les infirmières ont un droit de prescription sur les produits en rapport avec l’exercice de leur art. De la même façon, pour décharger les médecins, le pharmacien pourrait être rémunéré pour son acte de prescription, en rapport avec la prise en charge du petit risque et de la prévention.

Propos recueillis par François Pouzaud

en direct du NetEnquête flash*

La reconnaissance dans la loi Bachelot du conseil pharmaceutique devrait-elle déboucher sur une rémunération du service plutôt que de la vente de boîtes ?

oui 73,46 %

non 20,38 %

nsp 5,21 %

(Sur une base de 211 votants.)

Une taxe contre la surdensité médicale

L’amendement concerne les médecins mais aura naturellement un impact sur nombre d’officines : les députés ont voté le 3 mars la première règle coercitive concernant l’installation des médecins. Si les mesures incitatives d’installation dans les zones sous-dotées (maisons médicales, bourses d’études pour que les étudiants restent dans leur région…) ne donnent pas les résultats escomptés d’ici 3 ans, les directeurs d’agences régionales de la santé pourront « proposer aux médecins des zones surdotées d’adhérer à un contrat de santé solidarité par lequel ils s’engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé de la population ». En cas de refus ou de non-respect du contrat, le médecin s’acquittera d’une taxe annuelle au plus égale au plafond mensuel de la Sécurité sociale (2 859 Euro(s) en 2009). Evidemment, les syndicats médicaux voient rouge. La branche Jeunes médecins de la CSMF en appelle d’ailleurs « à la bienveillance du Sénat ». Autrement dit du lobbying. La CSMF estime que cette taxe « inacceptable, arbitraire », est « ni plus ni moins qu’équivalente à une interdiction d’installation dans certaines zones d’ici 3 ans ». Seul MG-France ne jette pas la mesure aux orties, persuadé que les incitations auront joué d’ici 2012, rendant cette taxe inutile. La CSMF pense le contraire et juge donc les « sanctions inévitables », mais estime que « toutes les mesures de limitation à l’installation sont vouées à l’échec ». Parce que inefficaces sur le fond ou parce que les médecins ne les accepteront jamais ?

F.S.