L’eurosanté bien traitée

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Publié le 28 mai 2005
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A la veille du référendum sur la Constitution européenne, les experts invités lors du Congrès national des pharmaciens, le week-end dernier à La Rochelle, ont voulu dissipé les doutes : le traité ne pénaliserait par la pharmacie et, de plus, la défendrait face à des aberrations comme feue la directive Bolkestein.

La Constitution européenne aurait rendu un texte comme la « directive services », dite Bolkestein, « illégale ». C’est en substance ce qu’a expliqué lundi Roselyne Bachelot, députée européenne, invitée d’honneur du 58e Congrès national des pharmaciens organisé par la FSPF, l’APR et l’UTIP à La Rochelle. A cette occasion, la « pharmacienne politique » avait décidé, exceptionnellement, de sortir de sa réserve afin de dissiper certaines ambiguïtés.

Non seulement, comme cela a été expliqué maintes fois ces derniers temps, la « directive services » est bien distincte du traité constitutionnel, mais ce dernier constituerait même une garantie contre des idées de directives de ce type, explique Roselyne Bachelot : auparavant, le grand marché (économique et libéral) était la priorité de la construction européenne ; le traité, s’il était adopté, placerait pour la première fois les droits sociaux au-dessus du « grand marché » en matière de « normes » européennes. « Cela fait que la directive de monsieur Bolkestein n’aurait même pas besoin d’être déchiquetée par le Parlement et par le Conseil des ministres. Elle serait déclarée anticonstitutionnelle par la Cour de justice des Communautés européennes », analyse-t-elle.

Le médicament protégé.

« Dans le traité, l’organisation des systèmes de santé reste du domaine exclusif des Etats (1) », a renchéri Gérard Lupus, ex-président du Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE) (2). Information confirmée par Flora Giorgio-Gerlach, actuelle secrétaire générale du GPUE. Elle explique également que, selon la Constitution, « toutes les politiques communautaires doivent assurer un haut niveau de protection de la santé ». La seule politique « mise en commun » concerne d’une part l’encouragement à la coopération entre les systèmes de santé pour les soins transfrontaliers, et d’autre part l’intervention communautaire en cas de menace sur la santé publique (bioterrorisme…). Dans le traité, « les articles relatifs au médicament ont été déplacés de la politique industrielle à la santé publique. Nous pouvons prendre cela comme un vrai signe politique », a ajouté Flora Giorgio-Gerlach. Même si l’industrie pharmaceutique a fait pression pour que le médicament soit considéré comme une marchandise comme une autre, a-t-on appris.

Le GPUE parle ici en expert. « Grâce au Groupement, nous sommes informés très tôt de ce qui se passe au niveau européen », explique Philippe Liebermann, responsable de la commission Europe à la FSPF. Et c’est un lobbying pharmaceutique européen qui peut s’exercer, même si les pharmaciens français n’en ont pas conscience. Le GPUE avait ainsi créé il y a un an et demi une « task force » sur la « directive services », bien avant que celle-ci ait été portée à la connaissance des officinaux français ! Rappelons que la pharmacie avait d’ailleurs pu être incluse dans une liste dérogatoire à la clause dite du pays d’origine.

Nous ne serons pas envahis !

Et ce fut l’une des questions lors du Congrès : quid, demain, des règles encadrant des pharmaciens européens dans notre pays ? La réponse est claire : ce sont les règles du pays qui fournit le service (donc de la France) qui s’appliquent, qu’il s’agisse d’un pharmacien salarié voulant travailler en France ou d’un pharmacien voulant s’installer.

Une interrogation demeure cependant, malgré l’équivalence des diplômes : quid de la mise à niveau des connaissances ? Outre la connaissance (obligatoire) de la langue, le Royaume-Uni ou le Portugal, par exemple, ont mis au point une formation pour les pharmaciens étrangers (tâche qui incomberait à l’Ordre dans notre pays). La France ne s’est pas vraiment penchée sur la question car celle-ci ne s’est pas posée jusqu’ici. « Si les échanges se multiplient, il faudra faire de même », avance Philippe Liebermann. Mais cette question n’est aucunement liée à l’acceptation du traité. « La directive sur l’équivalence des diplômes date de 1985, note Gérard Lupus. Or la France n’a pas été envahie par les diplômes étrangers. »

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Quant à la pharmacie, la question qui touche les Français est de savoir s’il faudra s’adapter à l’Europe ou si la France pourra au contraire exporter ses idées et son modèle. Actuellement, témoigne Philippe Liebermann, ce sont plutôt les idées françaises qui séduisent : le droit de substitution (même si les génériques étaient auparavant beaucoup plus développés ailleurs), la carte Vitale, la loi de répartition démogéographique… « Il ne faut pas craindre l’Europe. Au contraire, c’est une chance pour nous. » Autrement dit, la meilleure façon de défendre le modèle français serait non pas de nous barricader mais au contraire d’exporter nos idées.

(1) De même que la répartition démogéographique des officines de pharmacie.

(2) Structure qui suit les activités des institutions de l’Union européenne et exerce auprès des institution européennes un lobbying pour la profession.

Beaucoup de questions sans réponse

C’est Fabienne Bartoli, conseillère technique pour le médicament de Philippe Douste-Blazy, qui a transmis la bonne parole ministérielle : les textes sur la formation continue obligatoire devraient parvenir pour consultation à la profession d’ici un mois. Les félicitations d’usage sur la substitution générique se sont accompagnées d’un rappel : « Chaque mois le comité de suivi du générique se réunira afin de suivre chaque molécule et éventuellement appliquer de nouveaux TFR avec parcimonie et discernement. »

Pierre Leportier, président de la FSPF, a donc réinsisté sur l’implication du pharmacien (multiplication du marché des génériques par cinq en cinq ans) et sur la nécessité d’élargir le Répertoire « aux molécules dites de contournement ainsi qu’aux molécules dénuées de princeps », proposant « une taxation moindre des princeps substituables » pour stimuler leur promotion auprès des médecins. De leur côté, « les pharmaciens qui ne substituent pas suffisamment devront faire et feront des efforts, nous nous y attacherons », a-t-il promis. Quant au TFR, la FSPF réaffirme qu’il faut six génériques au minimum et un an de recul pour qu’un groupe atteigne 50 % de substitution.

« Veuillez transmettre à notre ministre. »

Pierre Leportier a sérieusement mis en garde Fabienne Bartoli au sujet de la permanence des soins : « La FSPF exhorte les confrères à maintenir la continuité de la permanence des soins… mais pour combien de temps ? » Autre revendication, de Philippe Gaertner cette fois. Le président de l’UTIP s’exaspère que le décret sur la formation pharmaceutique continue soit toujours à la traîne de celui des médecins : « Madame, veuillez transmettre à notre ministre notre demande de signer le décret des pharmaciens », a-t-il lancé, après avoir lié le gouvernement dans la réussite de la rétrocession : « L’officine a joué le jeu, les syndicats ont signé avec l’Etat les modifications de la rémunération du pharmacien. A vous de ne pas nous décevoir en mettant à la disposition du patient en ville toutes les molécules possibles. » Et en ne maintenant pas à l’hôpital des produits « pour des raisons d’intérêt économique de certains acteurs ». Sur les regroupements, le numerus clausus et les maisons de retraite, le président de l’APR, Yves Trouillet n’a pu que réitérer les demandes de la profession… faute du moindre signe ministériel.

Les mises au point du bureau de la FSPF

– Permanence des soins

« C’est un devoir au regard du monopole mais certains pharmaciens (exaspérés) commencent à se poser la question de savoir s’ils doivent continuer », estime Danièle Paoli, présidente de la commission Exercice professionnel. La FSPF appelle donc les pouvoirs publics à une négociation rapide sur le sujet. Est notamment demandé, outre de résoudre la problématique liée à la multiplication des maisons médicales de garde :

1) de sortir le volet sur la permanence des soins de la future convention élargie avec l’Assurance maladie… faute de pouvoir signer rapidement cette convention ;

2) que l’officine bénéficie de la même rémunération d’astreinte que celle obtenue par les médecins et la revalorisation des honoraires de garde.

– sel

Le travail en commun avec l’Ordre sur les sociétés libérales doit être bouclé à la mi-juin, a annoncé Philippe Pignard, trésorier, qui a réaffirmé la position de la Fédération : oui aux SEL (« il ne faut pas être stupide et borné »), non aux SELAS, SELAF, SELCA, qui permettent d’être minoritaire en capital et majoritaire en droits de vote. Les SELAS, grâce à l’imposition sur les sociétés, présentent une « capacité au surendettement qui valide les prix excessifs sur un marché spéculatif », estime-t-il. Par ailleurs, les prix de cession plus élevés en 2004 ne sont représentatifs, selon lui, que du marché le plus actif : CA conséquents avec forte demande et « des vendeurs moins nombreux qui jouent la Bourse ».

– convention avec l’assurance maladie

Maintenant que la représentativité syndicale est établie officiellement dans la profession, « il est temps de se remettre au travail. Est-il raisonnable qu’après tant de négociations, il faille encore attendre ? », demande Alain Jayne, responsable de la commission Protection sociale. D’une façon générale, la garantie de paiement sera un point central à surveiller, y compris pour la carte Duo (transposition de la carte Vitale pour la part complémentaire). L’occasion de justifier la dérogation de paiement à la règle que constitue la liste des assurés « à risque » tels les toxicomanes (voir l’« Indiscrétion » du Moniteur n° 2583) par « un motif de santé publique » : « Mais il est évident que toute autre dérogation éventuelle nécessiterait une négociation conventionnelle ! »

– LPPR

A défaut d’avoir un droit de substitution sur les dispositifs médicaux (droit des marques), la FSPF réitère sa demande de réglementation des marges pour les fabricants.

– marges arrière

Non à une loi spécifique à la pharmacie, réitère la Fédération. L’officine, comme tous les distributeurs, devrait donc être soumise à la loi Jacob (marges arrière plafonnées à 20 % + remise officielle en marge avant, c’est-à-dire 10,74 % sur le générique). « Après, il faudra être vigilant pour que les laboratoires ne nous mettent pas dans l’illégalité », observe Jean-Pierre Lamothe, responsable de la commission Economie, qui réclame un « observatoire des pratiques, avec sanctions très ciblées » à la clé (baisses de prix pour les laboratoires « fautifs »).

– relations sociales

L’accord de branche qui adaptera la loi sur « la formation tout au long de la vie » reste à l’état de projet. Une refonte de la grille des salaires, devant ordinairement intervenir tous les 5 ans, sera normalement présentée d’ici la fin de l’année.