Les grandes craintes des complémentaires

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Publié le 25 mars 2006
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Modifier le périmètre des ALD – limiter les entrées du régime, en hâter les sorties, conditionner le maintien -, personne n’en parle officiellement. Pourtant les complémentaires font d’ores et déjà leurs calculs en ce sens. Il faut dire que certains propos, comme ceux du député UMP Jean-Michel Dubernard, président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale (1), donnent à réfléchir : « Il est souhaitable de différencier les traitements, par exemple aider mieux les malades atteints des formes de cancer les plus graves tout en modérant les dépenses engagées par les assurés atteints de pathologies de bon pronostic comme un cancer du sein ou de la prostate et traités précocement. Je peux en dire autant du diabète, de l’asthme persistant… » Selon un tel raisonnement, quelqu’un qui est stabilisé sortirait du 100 %. Constatant une dispersion très importante de la dépense, le HCAAM a évoqué de son côté l’idée de mieux prendre en charge certains assurés « non ALD » qui supportent un fort « reste à charge » et, « symétriquement, le régime des ALD devrait se concentrer sur les seules dépenses les plus coûteuses. »

Conséquence directe pour les complémentaires : un transfert de charges immédiat. « Nous avons fait des prévisions à 5, 10 et 15 ans en envisageant différentes variations du périmètre des ALD qui s’avèrent redoutables », informe Jean-Pierre Fleury, délégué national à la santé de la MGEN. Le HCAAM avait calculé que la suppression du régime des ALD (8 millions de personnes) créerait un transfert de 8 MdEuro(s) vers les complémentaires (2), soit 50 % des prestations qu’elles versent aujourd’hui. « Imaginez qu’un million de personnes en soient sorties… », susurre Jean-Pierre Fleury.

C’est pourquoi les complémentaires demandent à être reliées à l’Institut national des données de santé récemment créé, afin d’avoir accès à des chiffres qui leur permettraient notamment de réaliser des simulations fiables pour moduler leurs cotisations. Aujourd’hui, les extractions de données ne le permettent pas car l’accès à la pathologie dans les données informatiques de l’assuré est bien entendu interdit.

Dans l’immédiat, les complémentaires voient cependant d’un bon oeil le renforcement des contrôles par le régime obligatoire. Concernant les seuls transferts à attendre du respect de l’ordonnancier bizone, les assureurs ont commencé à répercuter ce risque dans leurs tarifs dès début 2005. « Mécaniquement, c’est un transfert de charge vers le régime complémentaire, mais il s’agit d’une charge qui, logiquement, nous incombe, même si on ne la payait pas », admet Alain Rouché, directeur santé de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA). Sur un plan général, le directeur santé de la FFSA informe que les augmentations tarifaires, différentes selon les sociétés, ont été relativement conséquentes en 2003-2004, un peu moins en 2005, « et on est dans cette logique d’augmentation moins conséquente en ce début 2006 ».

(1) Dans une interview au « Monde ».

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(2) Ce qui aboutirait à une augmentation de 92 % des primes des personnes seules de plus de 60 ans ayant un contrat d’entrée de gamme, dont la prime moyenne est estimée à 420 euros. Et aussi à des stratégies de sélection du risque pour les complémentaires.

Chiffres

– Un quart des personnes en ALD décèdent dans les 5 ans qui suivent leur admission.

– Dans 68 % des cas, c’est le généraliste qui coordonne les soins du patient en ALD.

– 75 % des patients en ALD sont suivis à la fois par un généraliste et un spécialiste.

– Dépense annuelle moyenne d’un patient en ALD : 7 450 Euro(s).

– Dépense annuelle moyenne d’un patient hors ALD : 1 050 Euro(s).

– Le reste à charge moyen par patient sous ALD était de 400 Euro(s) en 2002 (contre 200 Euro(s) pour les autres assurés sociaux).

– 2 millions de Français en ALD génèrent une dépense de 24 200 Euro(s), avec un reste à charge de 810 Euro(s) par an.

– Compte tenu de l’augmentation du nombre de personnes en ALD et de l’espérance de vie, elles devraient représenter 1,25 point de CSG en 2010.