Les complémentaires prennent la main

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Publié le 5 mai 2007
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Dans la course au médicament et à la prévention santé, MTRL et Santéclair sont présentés par les syndicats comme l’exemple et le contre-exemple de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Les « pharmaciens Santéclair », eux, se disent satisfaits du système. Voyons pourquoi.

La clé du changement est au niveau des consommateurs. Le système de santé, c’est eux. Arrêtons de dire qu’ils sont juste bons à payer, ils sont privés de pouvoir depuis trop longtemps. » Marianne Binst, directrice générale de Santéclair, ne pratique pas la langue de bois. La presse économique a récemment salué le succès de cette plateforme d’assureurs. Filiale d’AGF, de la MAAF et de MMA, elle compte 4 millions d’assurés, 1 200 opticiens et 3 000 chirurgiens-dentistes partenaires, mais seulement 600 pharmaciens. Un chiffre somme toute modeste que Marianne Binst attribue à un blocage de l’ordre des pharmaciens et des syndicats de la profession.

Sur le fond, UNPF, USPO et FSPF étaient et sont toujours fermement opposées à la limitation de prix maxima de vente décidée par l’assureur (dans le cadre de la prise en charge annuelle de paniers de soins à hauteur de 60 Euro(s)). Et pourtant, selon Eric Robbe, titulaire de la Pharmacie La Pardieu à Clermont-Ferrand : « Les barèmes sont corrects. On est loin des prix cassés à outrance. » Il a cependant cru que le concept créerait plus de dynamique. « C’est un système discret, efficace, éthique et finalement peu commercial », constate-t-il. « Le principe peut générer des confusions, explique Olivier Maisonhaute, adjoint à Boulogne-Billancourt. Entre les clients qui ne nous disent pas qu’ils peuvent bénéficier des avantages Santéclair et ceux qui demandent l’avance de frais comme avec leur carte Vitale, plusieurs cas de figure se télescopent. » Des « pharmaciens discounters » ont même été amenés à augmenter leur prix dans le cadre de Santéclair.

Mais la satisfaction de ces pharmaciens ne change pas la position des syndicats. « 600 pharmaciens Santéclair, c’est 600 de trop qui n’ont pas compris la question de principe posée par les syndicats, lance Alain Jayne, chargé de la protection sociale à la FSPF. Beaucoup en ont profité pour piquer des clients au voisin. D’autres n’ont pas vu plus loin que le bout de leur nez, car c’était dans leurs prix. » Par ailleurs, Claude Japhet, président de l’UNPF, s’interroge : « Santéclair serait-il resté si raisonnable sur les prix si 20 000 pharmacies avaient signé ? Je préférerais qu’on me demande de conseiller au mieux un patient partant en Afrique dans le cadre d’un panier forfaitisé que de me donner un prix maximum pour le lopéramide… »

Un site « automédication » sur Internet avant l’été

Ces réticences n’empêchent pas Santéclair de poursuivre son bonhomme de chemin. « Le rhume, les problèmes ORL et les troubles digestifs représentent à eux seuls 40 % des motifs de consultation des médecins de ville. Or ces motifs relèvent dans un premier temps de l’automédication. Finalement, un quart des consultations des médecins généralistes pourraient être remplacées par une automédication accompagnée », expose Marianne Binst.

Dans certaines mutuelles, 46 % des assurés consultent moins de 4 fois par an un généraliste et les dépenses remboursées par leur complémentaire ne dépassent pas 45 euros. « Pourquoi ne pas leur octroyer 30 euros de remboursement en fin d’année pour leurs achats d’automédication ? Pourquoi continuer à rembourser les médicaments à 15 % au lieu de consacrer cette somme à des paniers d’automédication intelligents ? », interroge Marianne Binst. Reste à guider ces assurés. C’est pourquoi Santéclair prévoit le lancement avant l’été d’un site leur étant exclusivement réservé. Sur Santeclair.fr, « les internautes pourront apprendre dans quels cas on peut s’automédiquer, quelles sont les situations le contre-indiquant, quels sont les médicaments disponibles en automédication et même combien ils coûtent ». Car le prix moyen observé, voire le prix dans les pharmacies partenaires du réseau, sera mentionné. Seront également données des informations précises sur l’efficacité des produits. En matière d’automédication, Marianne Binst juge que « le problème de fond n’est pas tant celui de l’accessibilité que celui de la transparence des prix et le désavantage financier pour un client à aller directement chez le pharmacien plutôt que chez le médecin ».

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Une « consultation pharmaceutique » à 21 euros

Autre échelle, autre lieu, autre approche. La MTRL et les Assurances du Crédit mutuel sont tombées d’accord avec la FSPF, l’USPO et l’UNPF pour une prise en charge de l’homéopathie à hauteur de 50 euros par an, et d’une « consultation pharmaceutique » de prévention intitulée « bilan personnalisé » tous les deux ans (21 Euro(s))*. L’assuré payant avec sa carte de paiement « Avance santé », à débit différé de 30 jours. Les syndicats mettent en exergue cette approche par opposition à celle de Santéclair. « On pourrait dire qu’il y a l’exemple et le contre-exemple, commente Claude Japhet. Contrairement à Santéclair dont l’approche est purement économique, la MTRL parie sur la valeur ajoutée du pharmacien et la qualité du service. »

L’initiative est née en région lyonnaise (les trois quarts du million d’adhérents potentiellement concernés par le contrat « Réflexe, prévention, santé » y résident), d’abord lors de discussions avec le syndicat local, puis a grandi avec les structures syndicales nationales séduites par cette « consultation de prévention » qui pourrait en annoncer d’autres. « Tous les deux ans, c’est déjà pas mal, argumente Romain Migioroni, président de la MTRL. On verra comment on évolue. Il était logique de se tourner vers le pharmacien. » Il explique que les besoins liés à ce nouveau contrat ont été détectés via une consultation des adhérents, le pharmacien étant alors identifié comme le professionnel de proximité tout désigné pour cet acte de prévention.

Concrètement, le pharmacien interrogera le patient sur ses allergies ou intolérances, les éventuelles anomalies révélées par ses derniers résultats d’analyses, ses problèmes de santé, ses traitements en cours et antérieurs ainsi que son hygiène de vie. Côté prévention, on lui demandera si ses vaccins sont à jour, si sa vue et ses dents ont été contrôlées depuis un an. En complément seront mesurés son index de masse corporelle, sa glycémie capillaire, sa tension et son souffle. A la clé : une synthèse, des commentaires et la notification d’objectifs. S’ensuit un « plan de soins pharmaceutiques », éventuellement des délivrances et des conseils (consulter son médecin, un kiné, un diététicien…).

La prise en charge d’une telle consultation est une première. « C’est un symbole ! lance Claude Japhet. Et le fait d’avoir aligné le paiement sur la lettre clé C aussi ! La reconnaissance est au niveau d’une consultation médicale, c’est essentiel. C’est aussi la grosse différence avec Santéclair. » « Ce type de consultations a déjà été demandé par le passé par Carte blanche, informe Alain Jayne. Mais ils voulaient payer l’équivalent d’une demi-consultation médicale. Est-ce que nous sommes des demi-professionnels de santé ? » Reste que d’autres complémentaires discutent de ce type de prise en charge, par exemple sur le diabète et l’accompagnement des patients, prévient Claude Japhet. Celui-ci note l’importance de l’intervention du pharmacien auprès de patients qui ne sont pas allés chez le médecin depuis longtemps. Prévention, dépistage, vaccins… Un terrain qui sera investi par les complémentaires et sur lequel le pharmacien a intérêt à se positionner.

* Le contrat prévoit en même temps une prise en charge de l’ostéopathie, de la chiropractie et de l’étiopathie, ainsi qu’une aide personnalisée au sevrage tabagique par un collaborateur de la mutuelle.

La prévention, cheval de bataille des assureurs

L’association Assureurs, Prévention, Santé (APS), qui vient de fêter ses 25 ans, a lancé un « coaching nutritionnel de prévention » gratuit sur Internet (http://www.coachingaps.ffsa.fr) permettant de bénéficier d’un bilan personnalisé avec suivi. Autre création : le blog sur l’obésité (http://www.bloob.fr) qui aide les jeunes à lutter contre ce fléau. L’APS rappelle aussi que les professionnels, dont les pharmaciens, peuvent commander gratuitement les 27 dépliants grand public (pertinents) de la collection « Prévenir » (sur http://www.ffsa.fr, rubrique « Assureurs, Prévention, Santé »).

Bon anniversaire cher client !

Au cours du second semestre 2007, les assureurs affiliés à Santéclair enverront à leurs assurés une carte d’anniversaire personnalisée indiquant les actions essentielles à mener au cours de l’année pour maintenir leur capital santé, en fonction de leur âge et de leur sexe.

repères

– En 2006, le marché des complémentaires santé a pesé 26 milliards d’euros (+ 6,45 % versus 2005).

– 991 organismes (848 mutuelles, 98 sociétés d’assurances et 45 institutions de prévoyance) ont une activité santé.

– Les sociétés d’assurances comptent pour 10 % du marché mais 25 % en chiffre d’affaires. Elles grattent des parts de marché aux mutuelles (- 1,5 point) et aux institutions de prévoyance (- 1, 9 point). Depuis 2001, leur chiffre d’affaires a progressé de 72 %, contre 45 % pour les mutuelles et 33 % pour les institutions de prévoyance.