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LES BONS PLANS DES OFFICINAUX
Confrontés à un déficit en médecins qui progresse, les pharmaciens ne baissent pas les bras. Avec d’autres professionnels de santé, certains ont mis en place des solutions pour maintenir une offre de soins de proximité sur leur territoire. Témoignages.
Cherche médecin généraliste ». Cette annonce publiée sur le site Le Bon Coin en mars par la commune de Fréhel, dans les Côtes-d’Armor, détonne. Faisant partie d’un bassin de vie à densité considérée comme forte par l’agence régionale de santé (ARS), la commune de 2 400 habitants voit en effet ses trois médecins approcher de l’âge de la retraite. « L’un a dû différer son départ de deux ans faute de remplaçant. Le deuxième a annoncé qu’il allait passer à un temps partiel et le troisième dévisser sa plaque en janvier 2018 », raconte Jean-Loïc Guihot, titulaire à l’origine de cette annonce. Tout comme Fréhel, de plus en plus de communes rurales voient leur nombre de médecins de plus de 55 ans atteindre des niveaux préoccupants. Ce phénomène devrait encore prendre de l’ampleur à l’horizon de 2020 (voir les cartes p. 9), selon l’Ordre des médecins. En dépit des mesures incitatives (aides à l’installation, stages en cabinets de ville…) mises en place depuis 2009 par les ministres de la Santé successifs (lire l’encadré ci-dessous), les « territoires se vident de leurs médecins », prévient l’Ordre des médecins.
Face à cette situation, les pharmacies, déjà économiquement fragiles, se savent en danger. « Au départ d’un prescripteur, le chiffre d’affaires recule de 20 à 30 %. L’officine ne peut pas être viable pendant longtemps », ajoute Jean-Loïc Guihot. Alors comment faire face à une désertification en marche ? Guy Christelle, pharmacien à Pure (Ardennes), connaît bien ce sujet. Après le départ à la retraite de l’unique médecin du village, il a immédiatement accusé une baisse de 20 % de son chiffre d’affaires. Mais ce titulaire qui approche lui aussi de la retraite ne s’avoue pas vaincu: « Les patients ont besoin d’une officine de proximité. Pour stabiliser mon activité, je me suis adapté aux besoins de mes patients en décalant par exemple mes horaires, en multipliant mes conseils et en proposant des produits à des prix attractifs. » Le pharmacien s’est aussi spécialisé dans le maintien à domicile, l’orthopédie ou encore la délivrance des médicaments vétérinaires. « Je sais cependant que cela ne suffit pas. Peut-être que la création d’une maison de santé dans le bourg à côté pourrait faire venir des jeunes médecins et me permettrait de vendre ma pharmacie sans la brader. »
Plébiscitée par les jeunes médecins, la maison de santé pluridisciplinaire est aujourd’hui une solution presque incontournable pour les communes déficitaires. « J’ai soutenu à Fréhel la construction d’une maison de santé communale qui va s’ouvrir en 2017, ajoute Jean-Loïc Guihot. Cette structure qui va accueillir une équipe pluridisciplinaire va rendre notre offre de recrutement sur Le Bon Coin encore plus attractive. J’ai déjà une future médecin qui se dit intéressée. »
L’avenir de la pharmacie est dans l’équipe de soins
Erwan Houeix, installé à Pleyben dans le Finistère (4 000 habitants), n’a pas la même approche. Après le départ de deux médecins sur quatre il y a un an et demi, il a préféré mobiliser médecins, kinés, infirmiers de sa commune autour d’un projet de santé. « Monter un projet de santé en amont permet de prendre des décisions partagées comme celle de ne pas installer la future maison de santé pluridisciplinaire à côté de telle ou telle pharmacie », indique-t-il. Malgré sa popularité, « la maison de santé effraie certains pharmaciens », reconnaît Brigitte Bouzige, vice-présidente de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS)*. « Elle draine les patients vers le chef-lieu de canton et les bourgs annexes sont délaissés. Les pharmacies sont tentées de demander d’être transférées près des maisons de santé alors qu’elles doivent rester sur place pour ne pas perturber le maillage des pharmacies », martèle-t-elle.
Anne-Caroline Joud, titulaire à Plan-de-la-Tour (Var) a réfléchi à une autre stratégie. Pour anticiper le départ à la retraite des médecins de sa commune, elle a créé en 2013, avec onze autres professionnels de santé installés dans les villages environnants, un pôle de santé. « Il s’agit de formaliser un travail coordonné que nous faisions déjà de façon informelle », explique la titulaire et coordinatrice du pôle. Depuis deux ans, le pôle de santé Alliance thérapeutique du Golfe de Saint-Tropez a mis en place des programmes d’éducation thérapeutique pour les patients diabétiques mais aussi envisagé des délégations de tâches. « Grâce aux protocoles validés par l’ARS, les pharmaciens pourront bientôt renouveler des ordonnances des patients chroniques avec un bilan pour certains médicaments lorsque les médecins seront trop surchargés. »
Anne-Caroline Joud compte aussi sur la révolution numérique pour faire adhérer prochainement d’autres professionnels de santé. « La réussite d’un tel projet est tributaire de l’entente entre les professionnels de santé. De plus cela nécessite un changement de la pratique et de l’organisation à l’officine », reconnaît-elle. Pour aider les pharmaciens dans leurs réflexions et démarches, la FFMPS propose aux porteurs de projet l’aide d’un facilitateur régional.
* Secrétariat de la FFMPS : 09 67 64 15 57.
Dix régions pourront former davantagede médecins
La ministre de la Santé devrait bientôt dévoiler les mesures incitatives du « Pacte territoire santé 2 » pour lutter contre les déserts médicaux. Selon le document de présentation, celles-ci permettraient de développer des maisons de santé pluridisciplinaires ou encore de faciliter l’installation des jeunes médecins dans les zones déficitaires grâce aux contrats de praticien territorial de médecine générale (PTMG) et aux bourses versées dans le cadre de contrats d’engagements de service public (CESP). Une hausse ciblée du nombre de médecins à former est envisagée dans 10régions (Auvergne, Bouches-du-Rhône, Centre-Val de Loire, Bourgogne, Haute et Basse-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Antilles-Guyane et Réunion).
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