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« LES BAISSES DE PRIX DES MÉDICAMENTS SONT POSSIBLES »
A quelques semaines de la fin de la mandature de Nicolas Sarkozy, Xavier Bertrand fait le point sur les derniers dossiers qui doivent être réglés avant son départ, et sur les nouvelles perspectives qui s’ouvrent aux pharmaciens. Et aborde tous les sujets qui préoccupent la profession : maisons de santé, baisses de prix des médicaments, grands conditionnements, PDA…
LE MONITEUR : Quel bilan tirez-vous de vos actions au ministère de la Santé ?
XAVIER BERTRAND : Ce dont je suis le plus fier, c’est indiscutablement la convention pharmaceutique. Cette convention fera date, c’est un pas de géant. Elle s’inscrit dans un processus logique : les inquiétudes des pharmaciens, que j’ai entendues dès mon arrivée au ministère, le rapport de l’IGAS, l’article 74 de la LFSS 2012, la concertation avec la profession et, maintenant, la convention. Quel chemin parcouru ces dernières années ! Il y a eu au départ la loi HPST et son article 38, qui a attribué des nouvelles missions aux pharmaciens, et puis le PLFSS qui a ouvert la voie de la convention. L’idée est vraiment de remettre la mission de santé publique des pharmaciens d’officine au cœur de l’économie du secteur. Je n’aime pas entendre dire que les pharmaciens seraient des commerçants derrière leur comptoir. Il n’est pas difficile de comprendre que la santé n’est pas un domaine comme les autres. L’autre idée forte, c’est l’évolution de la rémunération officinale afin de la rendre moins dépendante du prix et du volume des médicaments. Enfin, le dernier point concerne les génériques : il faut les relancer en tordant le cou aux fausses rumeurs et aux campagnes antigénériques. Le générique, cela marche pour l’économie du système de santé, mais surtout cela marche pour la santé des Français. Je suis aussi très fier d’avoir fait confiance à Jean Parrot quand, à l’époque, il m’avait demandé de l’aider sur le dossier pharmaceutique et m’avait affirmé « Vous aurez un dossier qui fonctionnera vite et bien ». Il avait raison et j’ai eu raison de l’écouter.
Aujourd’hui, on compte à peine 100 000 DMP. Ce chiffre est très loin des prévisions.
Je vous rejoins. A l’époque, j’étais jeune ministre et j’ai sans doute trop écouté les experts et les industriels. J’aurais dû partir sur une base très simple, comme une clé USB cryptée pour chacun des assurés sociaux. Et nous serions bien au-delà de 100 000 DMP. Lorsque vous avez moins d’expérience, vous écoutez les savants experts… Ils ont voulu nous faire construire une cathédrale et elle n’a pas vu le jour. J’aurais dû me fier davantage à mon intuition de patient, d’usager du système de santé. Une clé USB cryptée nous aurait permis d’avoir le premier véritable démarrage du dossier médical personnel. Aujourd’hui, les DMP fonctionnent sur la base du volontariat des professionnels de santé et je pense que c’est la bonne façon de redémarrer.
De quoi êtes-vous le moins fier ?
Le travail n’est pas toujours fini. C’est le cas notamment de la relation entre maisons de santé et officines. Je n’avais pas vu ce problème au départ. Je l’ai vu à Bordeaux, au congrès de la FSPF, où un pharmacien de l’Oise m’a dit : « Attention aux maisons de santé où nous, pharmaciens, avons le sentiment d’être à côté, d’être exclus, éloignés. » J’ai bien reçu le message. Le 31 mars, j’ai rencontré des médecins chez moi, à Saint-Quentin, pour parler de la création des maisons de santé et l’un d’eux m’a expliqué : « Mon épouse est pharmacienne, nous avons le sentiment que les pharmaciens sont exclus. » Une fois, c’est une première alerte ; deux fois, c’est une alerte très sérieuse. Il faudra continuer à bien expliquer aux pharmaciens ce qui va dans le bon sens et ce qui ne doit pas être pris comme une menace ou une remise en cause.
Les pharmaciens ont un autre sujet de préoccupation : leur marge sur les grands conditionnements. Lors des négociations sur la convention, les syndicats ont obtenu l’assurance du ministère de la Santé d’une modification de leur marge. Quand l’arrêté paraîtra-t-il ?
L’arrêté sur les grands conditionnements n’était pas complètement déconnecté de la convention. C’est pourquoi il n’a pas été publié auparavant. J’ai arbitré personnellement cette question des grands conditionnements car je connais le dossier, puisque c’est moi qui en suis à l’origine. Et je n’ai pas aimé la façon dont, à mon sens, le système a été dévoyé au fil des années. Les pharmaciens ont été les principaux financeurs de cette démarche. Les pharmaciens, les usagers, l’Assurance maladie n’ont pas à financer les grands conditionnements, il faut que l’effort soit plus équilibré. Nous avons remis les choses dans le bon ordre. L’arrêté de marge paraîtra avant la fin de la mandature.
Outre la convention, un avenant sur l’honoraire de dispensation doit être signé avant la fin de l’année. Ce calendrier est-il tenable ?
J’ai toujours dit que la convention serait signée. Frédéric Van Roekeghem a été dans son rôle. Chacun des acteurs a vraiment assumé ses responsabilités et a compris qu’il s’agissait de l’intérêt de tous. Il a ensuite été question de savoir si la première marche allait être ridiculement basse ou trop haute. Les pharmaciens voulaient une première marche significative. Nous sommes tout à fait dans la logique de ce que demandaient les pharmaciens. Et le plus tôt sera le mieux, sans que l’on confonde vitesse et précipitation. Les pharmaciens n’ont pas peur des évolutions et des réformes. C’est peut-être le fait d’être ancrés dans une dimension économique… En tout cas, ils s’engagent, ils sont prêts à prendre la main. Ce que font les syndicats sur la rémunération, c’est quand même audacieux. La profession est, d’une certaine façon, téméraire. Elle a raison.
Si Nicolas Sarkozy était réélu, la politique serait de continuer la baisse des prix des médicaments ?
Si l’on baisse les prix sans casser la recherche, est-ce que cela ne vaut pas la peine ? Lorsque nous avons baissé le prix des pilules de deuxième génération, est-ce que cela a cassé l’industrie ? Non. Les baisses génèrent des économies pour les usagers, l’assurance maladie, les mutuelles. Je pense que la baisse des prix doit être préférée aux déremboursements, y compris pour les industriels.
Mais n’êtes-vous pas allé au maximum des déremboursements ?
J’ai commencé les déremboursements depuis 2006, par le biais – à tort, ont dit certains – d’un bras de fer avec la Haute Autorité de santé. D’autre part, je voulais être sûr que les économies générées par les déremboursements se traduisent dans la réalité des chiffres. Je n’ai pas déremboursé tout ce qui m’était proposé car je reste persuadé que le principe du déremboursement doit être compris et accepté. L’idée est claire : il faut se concentrer sur les priorités et notamment les médicaments efficaces. Ensuite, il faut prouver l’inefficacité des médicaments déremboursés – ce qui est toujours difficile à faire comprendre car on a accepté leur remboursement à une époque. Ceci dit, il faut être plus regardant au moment de la mise sur le marché. C’est le vrai sujet. Deuxièmement, s’il y a des déremboursements, il faut une priorité à l’accompagnement et à la pédagogie, aussi bien vis-à-vis des professionnels que des patients. Enfin, ce n’est pas une question d’économie, parce que je crois au report de prescription. Voilà pourquoi j’ai toujours indiqué que je serai intransigeant sur la question de l’homéopathie. Tant que je serai ministre de la Santé, je ne toucherai pas au remboursement de l’homéopathie, parce que je suis persuadé qu’il y aurait des transferts de prescription.
Je ne crois pas que les économies promises se retrouvent dans la réalité. Début 2004, on m’avait assuré que ce serait le cas, mais non. Pour les médicaments contre la maladie d’Alzheimer, j’ai dit très vite et très tôt que j’avais mon libre arbitre de ministre, que si l’on voulait me proposer le déremboursement des médicaments pour lutter contre l’Alzheimer, ce serait non. En revanche, les baisses de prix sont possibles, les industriels les acceptent et cela fait l’affaire de tout le monde.
Tous les décrets d’application de la loi sur le médicament sont loin d’avoir paru. Vont-ils paraître avant la fin de la mandature ?
Nous avons bien prévu de les faire paraître en temps et en heure. Je ne me suis pas contenté, avec Nora Berra, de penser cette loi avec les Assises du médicament, de la faire voter, mais bien de la rendre complètement efficace. Par conséquent, les décrets et les arrêtés seront bien au rendez-vous. Les services travaillent très vite et très bien. Tout ce qui rendra la loi efficace sera publié en temps et en heure.
Face à l’industrie qui tend à dire que cette loi aboutit à un retard dans la recherche et la mise sur le marché de médicaments innovants, que répondez-vous ?
Que l’industrie me démontre que c’est le cas. Qu’y a-t-il dans les tuyaux de la recherche aujourd’hui ? Qui serait pénalisé par ce texte ? Ce n’est pas une loi qui assécherait la recherche. Il faut dire les choses telles qu’elles sont car, jusqu’à preuve du contraire, entre l’idée d’un nouveau médicament, les développements, les essais cliniques et la mise sur le marché, il se passe une dizaine d’années. Il ne faut donc pas faire de faux procès. La France a besoin et envie d’accueillir les toutes dernières innovations thérapeutiques. Mais je ne laisserai jamais opposer innovation et sécurité du patient. La question concerne les vraies innovations. La loi ne va pas changer quoi que ce soit. Je voudrais que l’on me dise aussi quel autre pays que la France intéresse davantage les industriels et soutient plus la recherche, avec un crédit impôt recherche que tout le monde nous envie. Maintenant, cela ne m’empêchera pas de dire ce que je pense et ce que les Français pensent aussi : il y a trop de médicaments en France, on en a trop longtemps consommé trop et trop longtemps payés trop cher. Aujourd’hui, la situation est en train de changer.
D’où la campagne sur le bon usage du médicament lancée par le ministère de la Santé ?
Je pense qu’il y a eu une prise de conscience. La dernière campagne que j’ai supervisée avec Nora Berra va dans ce sens. Cette campagne sur le médicament est forte et elle fonctionne. Elle est bien en articulation avec la réforme en cours, qui concerne les pharmaciens. Nous sommes vraiment dans le bon usage du médicament, avec une demande de recours explicite aux professionnels de santé, que ce soit le médecin ou le pharmacien. De plus, avec la réforme de l’économie officinale, nous repositionnons le pharmacien dans sa première mission de santé publique, de soins de premier recours, de contact avec le patient, d’explicitation des médicaments et des effets indésirables. La loi « Mediator », la réforme économique de l’officine et la campagne sur le bon usage du médicament s’intègrent dans une vision globale et stratégique de repositionnement positif du médicament au niveau de la société et du rôle des professionnels de santé.
Que pensez-vous de la récente enquête de l’UFC-Que Choisir sur le défaut de conseil des pharmaciens ?
Il y a une obligation et un devoir de conseil, et personne ne doit l’oublier. Maintenant, si certains ne le font pas il ne s’agit pas de fermer les yeux, mais de là à faire l’amalgame avec toute une profession… L’UFC-Que Choisir propose d’ouvrir l’automédication aux grandes surfaces et aux parapharmacies. Y aurons-nous plus de garanties ? Je pose la question. Chacun sait bien qu’il n’y a aucune garantie supplémentaire. Aurions-nous en grande surface un meilleur service ? Bien sûr que non.
Allez-vous légaliser la rétrocession, réclamée par la profession ?
La demande des pharmaciens jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires a un sens. L’idée me semble intéressante. En revanche, les grossistes-répartiteurs ont aussi dû faire des efforts l’an dernier. Il faut bien sentir où est le poids d’équilibre de la profession. C’est pour cette raison qu’un tel texte n’est pas facile à finaliser. En France, quand vous ne concertez pas assez on vous dit que vous brûlez les étapes, et quand vous concertez comme il faut, on dit que vous traînez en chemin. Il faut concerter avec beaucoup d’acteurs ; ils ne sont pas tous sur la même ligne, mais en définitive on y arrive. Parfois, c’est un peu long.
Les grossistes-répartiteurs sont opposés au projet de décret sur les ruptures d’approvisionnement. Que comptez-vous faire ?
Nous effectuons les derniers arbitrages. Je ne veux plus connaître les ruptures d’approvisionnement comme on a pu en connaître. Pour moi, l’accès aux soins et l’accès aux traitements sont un vrai sujet et ce n’est pas négociable. Chacun doit faire un effort. Que ce soient les grossistes ou les industriels, je ne veux pas voir des officinaux qui soient en panne de traitements. Ce sont eux qui sont face aux patients, ce sont eux qui assurent la délivrance. Je n’ai rien contre les grossistes-répartiteurs. Il me semble avoir entendu à différentes époques leurs remarques, leurs alarmes et leurs craintes, mais il faut que j’avance, pas pour me faire plaisir, pas pour déplaire à qui que ce soit, mais dans l’intérêt des patients. Je ne laisserai pas, ce n’est pas dans mes habitudes, de dossier enterré ou sous le tapis.
Les professionnels attendent le décret sur la préparation des doses à administrer. Où en est-il ?
Nous sommes aussi dans la dernière ligne droite sur la PDA. Je préfère avoir une position consensuelle de la profession sur le sujet. Il s’agit d’autoriser la réalisation de la PDA par les seuls pharmaciens d’officine ou d’encadrer la possibilité d’un recours à un tiers, le pharmacien restant le pivot. Une réunion avec les syndicats, l’Ordre des pharmaciens et le ministère est prévue la semaine prochaine afin d’avancer sur cette question.
Un rapport de l’IGAS préconise la création de PUI au sein des EHPAD. Quelle est votre position ?
Je n’y suis toujours pas favorable. Quand nous aurons des PUI dans les EHPAD et que nous n’aurons plus de pharmaciens autour des EHPAD, qu’aurons-nous gagné ? La désertification ? La disparition des pharmacies, notamment en milieu rural ? Je pense en revanche que la coordination est indispensable entre le médecin coordonnateur et les pharmaciens référents. Il y a une deuxième phase d’expérimentation prévue par la LFSS 2011 qui s’est ouverte, qui compare les différentes options possibles. Pour ma part, aujourd’hui, je ne suis toujours pas convaincu de l’utilité et des avantages réellement apportés par la création de PUI au sein des EHPAD. Ma position a toujours été celle-ci et je suis constant en la matière. Les personnes âgées, avant d’aller en EHPAD, à qui ont-elles à faire ? A leur pharmacien. Affaiblissez l’officine, notamment rurale, et vous verrez si le système de santé aura véritablement à y gagner. La réponse est claire : c’est non !
Dans le cadre européen, pourrez-vous vous opposer encore longtemps à la vente de médicaments sur Internet ?
Si le système de santé français est considéré comme l’un des meilleurs au monde ce n’est pas un hasard. Je pense que ses spécificités, dont la dispensation, contribuent à en faire l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Ceux qui sont vraiment très libéraux en matière de vente sur Internet ont-ils des garanties sur ce qui est vendu ? Ce n’est bien sûr pas la même chose de vendre sur Internet à partir d’une officine qui existe réellement que d’autoriser la vente sur Internet librement.
Comment imaginez-vous l’officine de demain ?
L’officine tient déjà une place de premier plan aujourd’hui dans notre système de santé, et je pense que le rôle de conseil des pharmaciens renforcera encore cette place. Attention, les pharmaciens ne veulent pas devenir des médecins ! Mais le conseil va leur permettre d’asseoir leur rôle de chaînon important du système de santé. Notre rôle est de soutenir leur exercice, pas pour leur être agréable, mais parce qu’ils ont cette place clé dans l’organisation du système de santé et qu’ils vont continuer à tenir cette place de premier plan. A titre d’exemple, cela signifie qu’il faut faire attention : les maisons de santé ne doivent pas devenir des maisons à exclure les pharmaciens ou à les éloigner. Je suis ainsi favorable à la création d’un observatoire des officines et au fait que les officinaux soient obligatoirement associés aux réflexions au niveau des ARS, pour qu’ils ne soient ni les parents pauvres ni les oubliés des maisons de santé pluridisciplinaires. Je sais quelle est leur crainte : si tous les médecins se regroupent à 10 kilomètres, est-ce que ce n’est pas l’officine à 10 kilomètres qui sera favorisée ? Je ne crois pas à ce risque car je pense que l’attachement à son pharmacien perdure. Quels que soient les déménagements opérés par son médecin, on garde son pharmacien. Je crois que c’est puissamment ancré chez les patients et encore plus en milieu rural. Alors, quand les jeunes me demandent s’ils doivent faire pharmacie, je leur dis oui, parce que nous aurons toujours besoin des pharmaciens.
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