Les Anglais ont tiré les premiers

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Publié le 11 juin 2005
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Alors que les pharmaciens français en sont encore à poser les bases d’une convention avec l’Assurance maladie, nos voisins britanniques appliquent depuis avril un nouveau contrat avec le National Health Service. A la clé : la possibilité pour les pharmaciens de devenir des « prescripteurs indépendants ». Jaloux ?

C‘est une époque vraiment excitante pour la pharmacie ! » Voilà la phrase qui fait figure de credo dans la bouche des responsables de la Royal Pharmaceutical Society of Great Britain (RPSGB), à commencer par son président, Nicholas Hall. Alors que les discussions initiées par les pouvoirs publics sur le pharmacien « prescripteur indépendant » ont lieu en ce moment même, l’exercice des pharmaciens d’outre-Manche est régi depuis avril par une nouvelle convention avec la Sécu britannique, le National Health Service (NHS).

Cette convention tend à développer et à promouvoir des activités pour lesquelles les pharmaciens sont payés spécifiquement, et qui sont parfois plus proches de la consultation médicale que de la dispensation pharmaceutique telle que nous la connaissons. L’exercice pharmaceutique est désormais tronçonné en trois types de services (lire encadré p. 22) : essentiels (dispensation), avancés (suivis thérapeutiques) et supérieurs (programmes spécifiques, prescription…).

Commentant cette évolution pour Le Moniteur, Martin Bennett, titulaire d’une officine – il est vrai atypique – à Sheffield (lire p. 29), se dit pourtant déçu : « J’attendais de profonds changements rapides, je ne vois que des changements graduels. Quant à la prescription, elle était déjà possible via le Supplementary Prescribing (lire p. 28) avant la nouvelle convention. De plus, signer un contrat de prescription avec l’autorité locale de santé et trouver un médecin est difficile. Ce sera plus facile d’ici trois-quatre ans avec le réseau électronique national. »

John Goes (pharmacie Moss, Coventry) est plus nuancé dans une lettre d’information interne à la chaîne : « Oui, nous faisions déjà du suivi thérapeutique auparavant, dans le cadre d’un exercice pharmaceutique convenable. Mais nous ne l’avons jamais fait à cette échelle. »

Selon David Pruce, directeur de l’exercice et de l’amélioration de la qualité à la RPSGB, « les pharmaciens du futur réaliseront moins d’actes techniques répétitifs, tels que la dispensation, mais seront plus impliqués auprès du patient et des autres professionnels de santé ».

Les pharmaciens indépendants sont inquiets.

Mais, paradoxalement, si les instances nationales de la pharmacie britannique se félicitent de l’évolution du métier et de ses nouveaux rôles, des représentants locaux se veulent au contraire extrêmement alarmistes sur les conséquences économiques de la nouvelle convention.

Exemple du côté du comité pharmaceutique local du nord-est de Londres (ces comités sont habilités notamment à négocier avec les autorités de santé locales), qui estime que le Pharmaceutical Services Negociating Committee (PSNC), structure qui a négocié la convention au plan national, a « trahi » les pharmaciens conventionnés. Le comité local explique d’abord qu’il n’y a pas de fonds supplémentaires prévus pour financer les nouveaux services : « Le ministère de la Santé va récupérer 435 MEuro(s) en réduisant les tarifs de référence de remboursement des génériques [forme de TFR britannique, NdlR]. Malgré ce que dit le PSNC, il semble qu’il n’y ait pas de fonds supplémentaires, juste des fonds labélisés différemment. » Une redistribution entre les pharmacies du réseau, en somme…

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Selon ce comité local, une pharmacie moyenne dispensant 5 000 « items » (délivrances/actes) par mois à une marge de 25 % verra cette dernière descendre à 21,55 %.

Avoir les reins solides.

Côté chaînes, Michael Smith, patron d’Alliance Unichem, laissait entendre au début de l’année, lors d’une intervention en France, que seules les pharmacies structurées sur un modèle économique puissant seraient capables de développer les nouveaux services. Or ces nouveaux services bénéficieront effectivement de fonds qui pourraient manquer sur les services essentiels, c’est-à-dire la dispensation, qui risque de rester l’activité des pharmacies les plus modestes. Le comité pharmaceutique du nord-est de Londres brandit le risque que la nouvelle convention aboutisse à « une réduction du nombre de pharmacies, notamment les pharmacies indépendantes », qui pourraient alors ne représenter que 30 % des officines d’ici trois à cinq ans ! A terme, « notre avenir sera entre les mains des comptables et du marché boursier. Et nombre d’indépendants devront se retirer sans dignité », estime le comité. Dans un document destiné aux pharmacies de sa chaîne Moss, Alliance Unichem souligne que la nouvelle convention est « une occasion en or pour la plupart des pharmaciens contractants de réaliser des gains financiers », se disant persuadé que les fonds destinés à financer les services avancés (suivis thérapeutiques) s’ajouteront au reste. Il faut dire que la chaîne entend aider « ses » pharmaciens à obtenir l’accréditation pour les services avancés et à fournir les espaces de confidentialité demandés. Support que le pharmacien indépendant n’aura évidemment pas.

Un pharmacien (Unichem) de Newquay, peu inquiet vis-à-vis des services essentiels et avancés, s’interroge en revanche sur les services supérieurs (services spécifiques, consultations, prescription…) : « Dans quelle mesure les fonds que nous serons susceptibles de faire débloquer par les autorités de santé locales seront raisonnables, et cela ne conduira-t-il pas à creuser un fossé entre les pharmacies ? » En ce qui concerne les services supérieurs, financés non plus par le NHS au plan national mais à l’initiative des autorités locales, la chaîne donne pour consigne à ses officines de s’organiser sur place pour identifier elles-mêmes des besoins pouvant justifier leur financement, mais aussi de faire des propositions aux autorités si ces dernières n’ont pas déjà établi de stratégie vis-à-vis des pharmacies.

Expérimentations payantes.

La volonté de favoriser le rôle du pharmacien et les transferts de compétences médecin-pharmacien n’est évidemment pas pur altruisme. D’abord, l’accès direct au pharmacien coûte moins cher au NHS qu’une consultation médicale. Ensuite, malgré les fonds injectés ces dernières années par Tony Blair dans le NHS, il est encore parfois nécessaire d’attendre plusieurs semaines pour avoir un rendez-vous avec un médecin généraliste. D’où l’utilité de désengorger les cabinets médicaux. Et puis les expérimentations menées ces dernières années sur la gestion du petit risque par les pharmacies sont des succès (voir p. 24). De même que celles concernant des services spécifiques.

C’est par exemple le cas à la (grosse) pharmacie The Wicker de Sheffield. Martin Bennet égraine les services développés dans son officine : les traitements de substitution pour toxicomanes (400 traités !), le MAD (avec reconditionnement des médicaments si nécessaire), les suivis thérapeutiques individualisés, la fourniture d’oxygène, le sevrage tabagique, la prise en charge de pathologies légères, le matériel de réadaptation…

Idem chez John Foreman, néo-zélandais d’origine et exerçant à Londres. Dans les colonnes de The Independant, il honnit le développement de la parapharmacie favorisant « l’image de boutiquier des pharmaciens ». Lui-même a développé avant l’heure un certain nombre de services avec leur propre salle de consultation (pour l’arrêt du tabac, avec acupuncture et ostéopathie, vaccinations du voyageur, prévention des maladies coronaires…) ou l’organisation d’ateliers sur le suivi des asthmatiques, des diabétiques, des allergiques au gluten, etc.

Egalement cité en exemple par la RPSGB qui tente de promouvoir le rôle du pharmacien dans la presse britannique, Rohit Patel a développé depuis quatre ans un programme de services, notamment pour la contraception d’urgence et le conseil lié à la contraception au long cours, aux MST (rôle auparavant exclusivement réservé aux médecins et aux cliniques spécialisées). Une formation du personnel aux tests de dépistage des chlamydias est aussi prévue en vue de leur mise en place à l’officine. Pour la confidentialité, un local réservé au stockage a été converti en salle de consultation. Autres développements prévus dans cette officine : le monitoring de la pression artérielle et les tests de cholestérol, avec, toujours, des formations spécifiques à la clé (avec mise à jour régulière des connaissances pour celles déjà réalisées). Pourtant, seuls deux pharmaciens y travaillent…

Le pharmacien prescripteur.

Le ministère l’a dit et écrit, toutes ces expérimentations ont été déterminantes pour aller plus loin dans la prescription pharmaceutique. Car le gros chantier, à faire pâlir d’envie les pharmaciens français, ne fait que commencer. Il s’agit de faire d’un certain nombre de pharmaciens britanniques (volontaires) des « prescripteurs indépendants ». A cet effet, une consultation a démarré début mars – pour se clore le 25 mai – à laquelle pouvaient contribuer les observateurs. Certes, les pharmaciens, comme les infirmières, peuvent déjà être des « prescripteurs complémentaires » (« supplementary prescribers ») depuis avril 2003, c’est-à-dire travailler avec un médecin prescripteur dans le cadre d’un « plan de management clinique ». Mais le concept de prescripteur indépendant pourrait se révéler beaucoup plus ambitieux selon les scénarios envisagés (voir p. 28). Le ministère de la Santé note qu’« il tombe sous le sens qu’il faut utiliser davantage les compétences considérables (du pharmacien) en pharmacologie et thérapeutique en lui faisant prendre des responsabilités dans la prescription indépendante ».

Quel que soit le scénario choisi, le pharmacien (et non la pharmacie) prescripteur devra avoir suivi une formation spécifique et contrôlée (à la charge de la structure l’employant) : autour de 1 300 Euro(s) + 58 Euro(s) pour l’accréditation actuellement pour les infirmières, soit 26 jours de formation + 12 jours d’exercice supervisé. Le pharmacien devra prouver qu’il maintient ses connaissances à jour.

Combien de pharmaciens seront tentés ? « A l’avenir, je pense que les pharmaciens d’un certain âge ne sauteront pas le pas, estime Nigel Simmons, responsable du programme Supplementary Prescribing pour le Cambridgeshire. En revanche, je vois bien 30 % des pharmaciens devenir prescripteurs d’ici une dizaine d’années. » « La disponibilité pour consacrer tant de semaines à la formation de prescripteur sera une difficulté pour les pharmaciens en exercice, observe pour sa part Martin Bennet. Mais il est clair qu’il sera plus excitant d’exercer en ayant ce statut. Si je peux, je le ferai. »

Réseau informatisé obligatoire.

Reste à résoudre un dernier problème pour permettre aux pharmaciens de devenir prescripteurs. Ce rôle impose au pharmacien d’être capable d’enregistrer toutes les données patients et d’y avoir accès, de même qu’aux données du NHS (la « National Electronic Library for Health »). Le National Programme for Information Technology, lancé en décembre 2003, doit aboutir à la connexion des 850 000 professionnels de santé britanniques avec dossier patient. En attendant qu’il soit opérationnel, toute structure mettant en place des services avec pharmacien prescripteur doit elle-même pourvoir à l’accès à l’information nécessaire pour prescrire en toute sécurité et efficacement, indique le ministère de la Santé. C’est pourquoi la plupart des « supplementary prescribers » sont aujourd’hui situés à l’hôpital et en Primary Care (lire p. 26), seules quelques officines se trouvant pour l’instant en réseau (informatique) avec des cabinets médicaux.

Le transfert électronique de prescription va être testé dans plusieurs régions et mis en place progressivement dans toute l’Angleterre entre l’été 2005 et décembre 2007, « mais je doute que cela commence cette année », commente Martin Bennett.

In fine, l’ensemble de ces réformes concernant l’évolution du métier de pharmacien apparaît effectivement impressionnant au regard de ce que réclament les officines françaises. Mais il y a un os, souligné lors d’un débat parlementaire outre-Manche : « Certaines pharmacies vont se spécialiser dans certains domaines d’expertise, comme les services pour les diabétiques. Ce serait une erreur de considérer que toutes les pharmacies sont égales. » Un tabou de ce côté-ci du Channel.

Reste que la réforme en cours semble favoriser l’attractivité des métiers officinaux : signe des temps, plusieurs écoles de pharmacie ont ouvert ces deux dernières années. Qui a dit que la pénurie de diplômes était une fatalité ?

Chiffres

– 12 492 pharmacies dont :

– 1 315 pharmacies Boots, 1 300 Lloyds (début 2004), 880 pharmacies Moss (Alliance) à fin 2004

+ 50 acquises au printemps 2005 (rachat de Bairds, chaîne d’Irlande du Nord).

– 50 % de l’activité serait réalisée par des pharmacies de chaînes (source officinale non officielle).

– Plus de 6 000 pharmaciens en hôpital.

– Moins de 1 000 en Primary Care.

– 2 500 dans l’industrie.

– 25 000 dans les pharmacies d’officine environ (23 488 en février 2004).

– 15 000 « techniciens en pharmacie » sont recensés (officine + hôpital).

– Doubler le nombre de pharmaciens et de techniciens en pharmacie est nécessaire, selon la Royal Pharmaceutical Society of Great Britain, compte tenu de la pénurie de personnel et de l’extension des horaires d’ouverture.

– Salaire de 8 850 à 27 550 Euro(s) pour les pharmaciens réalisant leur année de préinscription (stage).

– De 9 000 Euro(s) (salaire débutant en officine en 2001) à plus de 43 500 Euro(s) (salarié avec responsabilités managériales).

– De 27 160 Euro(s) (pour un débutant) à plus 58 000 Euro(s) (pour les grades les plus élevés) en hôpital.

– De 50 750 Euro(s) à 59 450 Euro(s) en Primary Care.

– 23 % : marge globale moyenne d’une officine indépendante en 2003.

– 10 % : résultat net.

– 15 à 21 % : marge sur le médicament remboursé.

– 80 % de l’activité officinale repose sur le médicament remboursé.

– 25 et 35 % : marge sur l’OTC.

– 11,6 MdEuro(s) : remboursements de médicaments par le NHS pour un budget de 71 MdEuro(s).

– 249 Euro(s) : dépenses de médicament par habitant en 2002 (480 Euro(s) en France).

– 300 transactions de pharmacies indépendantes chaque année.

Trois niveaux de service

I. Service essentiels (obligatoires)

Mise à disposition des médicaments, dispensation, renouvellement d’ordonnances (possibilité pour le patient de faire ses renouvellements directement dans une officine pour une période définie par le médecin pour douze mois au maximum), récupération des médicaments non utilisés, pharmacovigilance…

Rémunération

– En paiement de l’acte, chaque pharmacie reçoit 1,30 Euro(s) par item (délivrance/acte) + le paiement des deux forfaits suivants au-delà d’un certain nombre d’actes :

– Forfait mensuel

(par officine)

Pour :

– 2 000 délivrances/actes 29 000 Euro(s)

– 2 250 30 321 Euro(s)

– 2 500 31 641 Euro(s)

« Practice payment »*

Nombre d’items/mois :

– 1 100 2 900 Euro(s) par an

– 1 600 4 350 Euro(s) par an

– + de 2 000 0,35 Euro(s) par item

* Ce forfait n’est payé au pharmacien que s’il emploie un minimum de personnel dispensateur supplémentaire en fonction de l’activité de l’officine :

0,5 temps plein pour 3 500 items ; 1 pour 5 000 items ; 1,5 pour 6 500 items ; 2 pour 8 000 items ; 2,5 pour 9 500 items ; 3 pour 11 000 items ; 0,5 par tranche de 1 500 items/mois au-dessus.

II. Services avancés (optionnels)

La « medicine use review », sorte de suivi thérapeutique (pour une personne donnée), nécessite une accréditation du pharmacien rendant le service (impliquant une évaluation des compétences) et des critères spécifiques concernant l’officine (espace de confidentialité) : discussions systématiques avec les patients chroniques pour analyse de la compliance, problèmes, inadaptation du traitement, éventuels gaspillages, économies possibles. Un rapport en est envoyé au patient et au médecin généraliste (valable pour des patients approvisionnés au moins durant trois mois par l’officine dans l’année).

Le même processus est prévu pour des patients donnés présentant une problématique spécifique.

Rémunération

– 33,35 Euro(s) par suivi thérapeutique de patient (200 maximum la première année).

– Plafond de 6 670 Euro(s) par pharmacie sur 2005/2006.

III. Services supérieurs (optionnel)

Exemples :

– Programme de prise en charge de « pathologies mineures ».

– Programme d’échange de seringues.

– Suivi de patients sous méthadone.

– Ouverture d’une clinique (un cabinet) consacrée à l’arrêt du tabac.

– MAD.

– Prescription complémentaire.

En discussion :

– Fourniture d’aliments sans gluten.

– Services spécifiques aux écoles.

– Contraception d’urgence.

– Plus d’horaires d’ouverture.

– Soins palliatifs.

– Traitement des poux…

Rémunération spécifique selon les localités

Certains services supérieurs pourraient passer à l’avenir dans les services avancés (financement national).

Principe général de rémunération

Le « Drug Tariff » fixe ce qui est payé aux pharmaciens conventionnés. Ce tarif inclut le remboursement du coût des médicaments + la rémunération de l’acte. Le remboursement des médicaments au pharmacien se fait selon un coût moyen du produit un mois donné, tenant compte du niveau de remises moyen sur la période.

La rémunération de l’acte dépendra elle du type de produits dispensés.

Pour les dispensation d’avril (rapportées par le pharmacien au NHS en mai), le tarif est défini en juin et le pharmacien sera payé au 1er juillet. Pour éviter les problèmes de trésorerie, une avance est payée au pharmacien au début de chaque mois et rendue au moment du paiement par l’assurance maladie.

Déjà 400 pharmaciens prescripteurs en Grande-Bretagne

Depuis avril 2003, des pharmaciens (et des infirmières) peuvent prescrire sous certaines conditions. Explications.

On les appelle « supplementary prescribers », littéralement « prescripteurs supplémentaires ». « Nous sommes censés apporter des options de traitements différentes aux patients chroniques, nous explique Nigel Simmons, responsable du programme Supplementary Prescribing pour le Cambridgeshire. Cela peut aussi concerner des pathologies dont les malades mettent du temps à sortir, mais qui ne sont pas chroniques : traumatismes, rééducation. »

La plupart des 400 « supplementary prescribers » que comptait le Royaume-Uni début 2004* (le gouvernement en espérait 1 000 fin 2004) exerçaient essentiellement à l’hôpital. Si les officinaux peuvent très bien suivre la formation nécessaire pour le devenir, l’absence de connexion à un réseau informatique – les reliant notamment aux médecins – est bien souvent un obstacle rédhibitoire (le dossier patient doit être accessible, tout doit être enregistré).

Concrètement, le pharmacien, le médecin et le patient se mettent d’accord sur un « plan de management clinique » valable un an. « Généralement, c’est le pharmacien ou l’infirmière qui l’élabore et le soumet pour accord au médecin et au patient », indique Derna Campbell, membre d’une école de formation de « supplementary prescribers » écossaise. Ils ne limitent généralement pas les produits susceptibles d’être prescrits mais spécifient plus tôt, par exemple, « tout médicament pour le traitement de l’asthme », ou bien précisent des classes médicamenteuses. Depuis le 1er mai, les « supplementary prescribers » peuvent également prescrire une grande part des stupéfiants (morphine…).

Autre condition sine qua non pour accéder à cette prérogative : se former. « Le programme comprend vingt-six jours de cours plus douze jours de pratique supervisés par un médecin, explique Nigel Simmons. Et une expérience de deux ans d’exercice au minimum est requise. » Depuis le 14 avril dernier, la formation au « supplementary prescribing » est également ouvert aux kinésithérapeutes, radiothérapeutes, pédicures/podologues et optométristes.

* Contre 5 000 infirmières.

Le prescripteur indépendant

Les pouvoirs publics envisagent différents scénarios pour faire du pharmacien un prescripteur :

– Soit lui permettre de prescrire les produits d’une liste limitée de médicaments dans le cadre d’un nombre limité de pathologies (ce que font déjà les infirmières*) ou pour toute pathologie.

– Soit lui accorder ce droit pour tout médicament du British National Formulary (la « bible » du prescripteur) dans le cadre de pathologies spécifiques ou pour toute pathologie.

– Autre piste : limiter les prescriptions en fonction du lieu d’exercice : hôpital, Primary Care (certains cabinets médicaux, cliniques) ou officine.

– Enfin, un droit de prescription sur l’ensemble des médicaments du British National Formulary pourrait exister si le diagnostic a déjà été réalisé par un médecin. Si un patient se présente sans avoir été diagnostiqué, le pharmacien pourrait prescrire les produits d’une liste déterminée, similaire à celle existant déjà pour les infirmières*.

Aucune piste n’est ignorée dans la consultation qui vient d’être ouverte durant trois mois. Selon un responsable de formation en « supplementary prescribing », on peut s’attendre à voir autoriser les prescriptions en officine pour des pathologies aiguës. Les limites devraient être beaucoup plus extensibles à l’hôpital.

* En février 2005, cette liste limitée de médicaments comprenait 177 molécules et vaccins. Par exemple : l’amoxicilline, la codéine, le diclofénac, la doxycycline, l’érythromycine, l’estradiol, le fluconazole, l’acide fusidique, le kétoconazole, le métronidazole, le salbutamol, la terbutaline, la trétinoïne…

Technicien en pharmacie : la reconnaissance

Les transferts de compétences médecins-pharmaciens vont aussi conduire à des transferts internes à la profession, depuis les pharmaciens vers les quelque 15 000 « techniciens en pharmacie ». Ceux-ci sont un peu l’équivalent de nos préparateurs. Dispensation et gestion des stocks sont au coeur de leur activité (avec des responsabilités accrues à l’hôpital). Pourtant, il a fallu attendre janvier de cette année pour les référencer et leur donner une accréditation, volontaire pour l’instant, obligatoire à partir de 2008. Jusque-là, n’importe qui pouvait se déclarer technicien en pharmacie* selon Darren Leech, président de l’Association des techniciens en pharmacie, qui voit la nouvelle labellisation à la fois comme une protection et une reconnaissance pour le métier.

Compte tenu de la pénurie de pharmaciens, Davis Bruce, directeur de l’exercice et de l’amélioration de la qualité à la RPSGB, souhaite que « les pharmaciens se consacrent à des tâches qu’eux seuls peuvent faire, ce qui implique qu’ils délèguent davantage de responsabilités aux techniciens ».

Il existe un troisième niveau de compétence derrière les pharmaciens et techniciens : les assistants en pharmacie. L’évaluation de leur capacité à dispenser n’est effective que depuis janvier 2005, également sous forme d’un diplôme.

* Boots, par exemple, estime que 2 500 de ses 6 000 employés formés à la dispensation pourront être enregistrés comme techniciens en pharmacie, avec les contraintes que cela impose.

The Wicker, une super SEL

La pharmacie de Martin Bennet, The Wicker, est située sur l’une des principales avenues de Sheffield. C’est l’une des premières à avoir expérimenté depuis plusieurs années des services innovants, qualifiés de « services supérieurs » dans la nouvelle convention. Mais elle constitue surtout une innovation en termes d’association : 32 associés (dont 8 exerçant dans l’officine), les deux tiers exerçant dans les environs, pour une équipe de 60 personnes et un CA de 4,35 MEuro(s) (l’officine est ouverte 7 jours sur 7 jusqu’à 22 heures). « Mais l’association n’est pas très populaire dans le milieu », précise Martin Bennett.