Le système de soins français n’est plus le meilleur !

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Publié le 22 novembre 2008
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La France a dégringolé en 2 ans de la première à la dixième place dans la course européenne au meilleur système de santé. Nous avons beau avoir accès à des soins de qualité, le dispositif du médecin traitant lui aurait porté un sérieux coup. Sans compter un certain retard dans l’instauration du dossier médical électronique… Dans la panorama 2008 du Health Consumer Powerhouse, le coq perd de sa superbe.

Il avait si bonne réputation, le système de soins français. Se serait-il endormi sur ses lauriers ? Car, à en croire les résultats du classement annuel de l’Institut d’analyse et d’information suédois Health Consumer Powerhouse sur les soins de santé en Europe, publiés le 13 novembre dernier, il serait désormais décroché. Alors que la France était en tête en 2006, elle ne figure plus qu’à la 10e place, laissant le podium aux Pays-Bas, au Danemark et à l’Autriche.

Le classement de Health Consumer Powerhouse évalue six domaines : les droits et l’information des patients, l’utilisation de solutions web ou électroniques (pour le transfert de données médicales par exemple), les délais d’attente de traitements, leurs résultats (taux de survie des cancers à cinq ans, exceptés les cancers de la peau, les taux de suicide, les taux de mortalité infantile…), l’étendue et la portée des services fournis (nombre d’opérations de la cataracte pour 100 000 habitants âgés de plus de 65 ans, coût des soins dentaires…) ainsi que les produits pharmaceutiques (accès aux nouveaux médicaments, à une information vulgarisée…).

Les systèmes nationaux de 31 pays ont été examinés cette année. « Aucun pays n’excelle dans la totalité des indicateurs, commente l’institut suédois dans son rapport. Les résultats reflètent davantage des cultures nationales et organisationnelles que les sommes dépensées par un pays pour les soins de santé. » C’est ainsi que la France marque des points en termes d’accès à l’information pour les patients et parce que son système de soins donne droit à un second avis médical. Ce système de soins permet aussi d’accéder en moins de 21 jours à un traitement anticancéreux (radiothérapie et/ou chimiothérapie) et affiche d’excellents résultats quant à la prise en charge des infarctus, au taux de mortalité infantile (moins de 4 décès pour 1 000 naissances) et au taux de survie des cancers à cinq ans, supérieur ou égal à 60 %. S’y ajoutent une couverture vaccinale au DTCP supérieure ou égale à 97 % et un bon taux de réussite des transplantations rénales. Et, dernier bon point, la moyenne de prise en charge par la Sécurité sociale des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire est de 90 %.

Les délais d’attente pour une consultation s’allongent

Alors, qu’est-ce qui a fait chuter la France de la première place du podium en deux ans de temps ? Health Consumer Powerhouse pointe du doigt « une pauvre utilisation du web ou de l’électronique et des restrictions croissantes dans l’accès aux soins des spécialistes ». Le Dr Arne Björnberg, directrice de recherche pour ce classement, émet quelques recommandations : « La France devrait accélérer la mise en place des dossiers médicaux électroniques et les normes en matière de santé et d’information électronique. De même, rien ne prouve que le filtrage de l’accès aux soins primaires permette de faire des économies. Restreindre l’accès aux soins des spécialistes est probablement une solution inappropriée. » En outre, « les délais d’attente pour une consultation de spécialiste s’allongent » et, pour une IRM, les patients peuvent attendre plus de 21 jours. Le président de Health Consumer Powerhouse, Johan Hjertqvist, analyse : « La France est en train de développer assez rapidement un problème de délais d’attente. La fonction de filtres, récemment introduite [NDLR : le parcours de soins coordonnés], devrait être abolie avant de créer de sérieux problèmes ! »

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Le patient hollandais est au coeur du système de soins

Malgré une bonne qualité de la santé de sa population, l’institut juge également la France « légèrement autoritaire », ironisant : « Vous voulez une information ? Demandez à votre médecin ! » Le pays est par ailleurs dénoncé pour être « un des six Etats d’Europe occidentale dans lesquels se pose le problème des dessous-de-table versés aux médecins » ! Enfin, plus de 60 % des soins dentaires sont inabordables et l’accès aux médicaments figure parmi les plus longs d’Europe. Ceci expliquant cela.

Faut-il donc prendre exemple sur le système de soins néerlandais ? Il est en tout cas encensé par le Health Consumer Powerhouse qui va jusqu’à suggérer à Barack Obama, le futur président des Etats-Unis, de « jeter un coup d’oeil sur les Pays-Bas s’il veut réformer correctement le système de santé américain ! ».

Depuis l’existence de ce classement, poursuit l’institut suédois, « ces quatre dernières années, nous avons été incapables d’en concevoir un dans lequel ils n’apparaissent dans le trio de tête ! Même si nous n’aspirons pas à désigner le meilleur système de soins européen, celui des Pays-Bas pourrait l’être. Ses indicateurs relatifs à l’étendue et la portée des services fournis sont tous excellents ! ».

Il reste toutefois quelques marges de manoeuvre au royaume néerlandais s’il veut encore améliorer son système de soins. Le Health Consumer Powerhouse lui conseille de réduire les délais d’attente et de donner aux patients le choix, en leur permettant d’accéder directement aux soins des spécialistes. L’institut n’oublie pas pour autant de souligner les progrès du Danemark, de la Hongrie et du Luxembourg, tandis que les performances chypriotes et portugaises, comme celles de leur petit camarade français, se sont amoindries et contrastent fortement avec leurs résultats 2007. Seuls les Pays-Bas se montrent stables, pour avoir placé depuis longtemps le patient au coeur de son système de soins. « Conclusion : pour améliorer un système de santé, il importe de reconnaître le lien entre de bons résultats médicaux et un accès facile aux services et à une information de qualité pour les patients. Une bonne réforme de santé n’est pas qu’une question d’argent. » A bon entendeur !

Et nos voisins ?

Le Health Consumer Powerhouse qualifie l’Allemagne de « fantastique pour l’accès aux soins, mais d’étonnamment médiocre quant aux résultats et à l’étendue et la portée des services fournis ». Par exemple, les femmes allemandes ne sont pas activement appelées au dépistage du cancer du sein par mammographie. L’Italie est quant à elle « techniquement excellente, mais fait preuve d’inégalités géographiques ». L’attitude « autocratique » de ses médecins est également critiquée.

Trop d’antibiotiques en Espagne

En Espagne, « il semble toujours qu’il faille aller se faire soigner dans le privé si l’on veut bénéficier des meilleurs soins ». L’accès aux médicaments y est bon, voire « trop bon » concernant les antibiotiques. L’institut suédois appelle par ailleurs à une meilleure gouvernance du système de santé britannique et souligne que les délais d’accès aux traitements et la pénétration des médicaments anticancéreux sont encore problématiques au Royaume-Uni. Quant à la Lettonie, tout dernier pays du classement, elle manque et de ressources et d’organisation pour offrir un système de soins adapté au patient.