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LE MÉDICAMENT DANS LE COLLIMATEUR
Dans son rapport sur la Sécurité sociale rendu public le 8 septembre, la Cour des comptes présente une série de recommandations portant, notamment, sur le médicament. Les syndicats professionnels ont aussitôt réagi.
Je trouve la Cour des comptes particulièrement injuste. Si tous les postes de dépenses connaissaient la même croissance que les dépenses du médicament, c’est-à-dire 0,8 %, les comptes de la Sécurité sociale seraient bien meilleurs ! » Gilles Bonnefond, président de l’USPO, digère mal le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Et il y a de quoi.
La Cour des comptes se montre très inquiète sur le « déficit historique de 2010 », qui atteint 29,8 milliards d’euros, et son caractère structurel, qui « représente en moyenne annuelle environ 0,6 point de PIB sur la décennie passée ». Concernant « la maîtrise des dépenses de médicaments », elle dresse un bilan peu reluisant de la situation française. Premier constat : la consommation pharmaceutique des Français est « exceptionnellement forte ». En 2009, ils ont ainsi dépensé près de 36 milliards d’euros en médicaments, soit 18 % de plus que cinq ans auparavant (27,1 Md€ de médicaments remboursables et 3,1 Md€ de médicaments non remboursables dispensés en ville ; 5,7 Md€ de médicaments délivrés à l’hôpital). La Cour relève également une importante progression du prix moyen de vente entre 1990 et 2009 : + 125 % (3,09 € en 1990 contre 6,95 € en 2009). Elle souligne aussi « une culture de prescription spécifique qui favorise une forte consommation de médicaments nouveaux et chers », ainsi qu’une « prise en charge croissante par l’assurance maladie ».
La Cour des comptes vise aussi la fixation des prix des médicaments et le système d’admission au remboursement, qu’elle juge « insuffisamment rigoureux ». L’institution critique vertement le CEPS (Comité économique des prix de santé (1)). « Fruits de compromis renouvelés au fil du temps avec les industriels et facilités par une interprétation parfois extensive des dispositions réglementaires, les prix finalement constatés sont souvent incohérents entre eux au sein d’une même classe thérapeutique », ne craint pas d’écrire la Cour des comptes dans son rapport.
La Cour voudrait des TFR et des génériques généralisés
Autre sujet qui fâche la Cour : les dispositifs de régulation de la dépense de médicaments. La baisse du marché des génériques en fait partie. Et la Cour prône un TFR (tarif forfaitaire de responsabilité) généralisé. Pour Frédéric Laurent, qui vient de quitter ses fonctions de président de l’UNPF (lire p. 12), « le rapport se base sur des chiffres de 2009, alors que nous sommes en septembre 2011. » « C’est vrai qu’il y a une flexion du développement des génériques, et nous le disons, remarque Philippe Gaertner, président de la FSPF. Mais cela s’explique aussi par l’ensemble des affaires sur les médicaments, qui rendent les patients inquiets, et le repli de la prescription de génériques. Les taux de substitution sont néanmoins forts. Quant au TFR généralisé, nous avons toujours considéré que la partie économique de différence entre princeps et génériques est à haut risque. » Gilles Bonnefond, refuse catégoriquement un TFR généralisé, à l’instar de l’UNPF. « Cela va tuer la substitution », remarque Frédéric Laurent. « Le problème, c’est qu’il faudrait déjà que les médecins prescrivent dans le Répertoire, ajoute Gilles Bonnefond. Un point d’ailleurs relevé par la Cour, qui évoque également les « contre-génériques ». L’UNPF et l’USPO s’insurgent aussi contre ce phénomène de détournement de la loi. Et de citer le cas d’un antidiabétique à libération modifiée dont la fabrication a été arrêtée par un « laboratoire très connu » (2), et remplacé par la même spécialité mais avec un dosage deux fois supérieur. « Le brevet de cet antidiabétique allait tomber dans le domaine public. Le nouveau dosage ne nous permettra pas de le substituer », remarque Gilles Bonnefond.
La Cour aborde également « l’insuccès » des grands conditionnements. Les économies réalisées en 2009 s’élèveraient à seulement 58 millions d’euros. Un chiffre que contestent les syndicats. Philippe Gaertner estime ces économies à environ 120 millions d’euros. « Il faut que les efforts en matière de marge des grands conditionnements soient partagés entre les officines et les industriels. Pour l’instant, ils ne portent que sur les pharmaciens », résume Gilles Bonnefond.
Déremboursements et baisses de volumes à prévoir
« Le médicament, qui représente de 16 à 17 % des dépenses, ne peut pas à lui seul résoudre les problèmes de déficit de l’assurance maladie », insiste Philippe Gaertner. En particulier dans le contexte actuel de crise et d’évolution du marché du médicament. Le déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant (SMRI), prôné par la Cour des comptes, a été confirmé par Xavier Bertrand, ministre de la Santé, lors de son audition au Parlement sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire. Cette disposition va figurer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012. « La vague de déremboursements risque d’être violente », estime Gilles Bonnefond. Sans compter les baisses de prix et de volumes. D’où l’enjeu d’une rémunération de la dispensation comprenant des honoraires.
(1) Gilles Johanet, président du CEPS, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
(2) Il s’agit de Servier.
L’ESSENTIEL
• Le déficit de la Sécurité sociale a atteint en 2010 un niveau historique de 29,8 milliards d’euros.
• La Cour des comptes préconise de réaliser des économies sur le médicament.
• Elle se penche également sur la répartition des médecins libéraux, le rôle des sages-femmes, la tarification à l’activité dans les hôpitaux, la prise en charge à 100 % des ALD ou encore la qualité de la gestion des caisses et des régimes.
Les 8 recommandations de la Cour des comptes
• Inclure dans le Code de la Sécurité sociale les conditions d’éventuelle dérogation au principe de non-remboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant.
• Définir des règles relatives à l’évaluation des médicaments afin d’établir un lien cohérent entre cette évaluation, l’admission au remboursement et le prix fixé pour les spécialités (abandon de la mention « alternative thérapeutique utile » ou tout dispositif d’effet analogue ; interdiction au CEPS de fonder ses décisions sur un niveau d’ASMR différent de celui déterminé par l’avis de la Commission de la transparence ; prise en compte systématique des études d’ordre médicoéconomiques pour tous les produits innovants).
• Appliquer strictement des règles homogènes pour l’admission au remboursement et la fixation des prix des médicaments.
• Réviser le niveau de prise en charge et le prix en fonction des évolutions des SMR et ASMR, ou de l’environnement concurrentiel tels que la sortie de génériques ou l’apparition de nouvelles stratégies thérapeutiques alternatives.
• Appliquer des prix uniques pour les princeps, leurs génériques et les équivalents thérapeutiques que sont les « me-too » et les contre-génériques.
• Donner à l’Afssaps la possibilité d’exiger du laboratoire le dépôt d’une demande d’AMM pour certaines indications, notamment quand les prescriptions hors AMM représentent 15 % et plus des volumes vendus, hors dispositifs prévus par la réglementation.
• Mettre en œuvre une gestion active de la « liste en sus », tant dans sa composition, la détermination des prix des produits qui y sont inscrits que dans le suivi de leur prescription.
• Mettre en place dans les établissements de santé un mécanisme de régulation de la prescription qui implique directement les médecins.
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