Le grand méli-mélo

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Publié le 27 novembre 2004
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La problématique des gardes pharmaceutiques revient au coeur de l’actualité. Les raisons : la rédaction de la convention élargie Assurance maladie-Officine, la refonte de la permanence des soins médicaux et l’explosion du nombre de maisons médicales de garde.

Depuis le début des négociations sur la permanence des soins, les syndicats revendiquent pour l’officine le même traitement que les médecins en matière d’astreinte. Il est ainsi prévu dans la future convention élargie Assurance maladie-Officine un forfait de 50 Euro(s) par astreinte de 12 heures (nuit, dimanche ou jour férié) en plus des honoraires à l’ordonnance. « On entre là dans une logique d’enveloppe », commente Pierre Leportier, nouveau président de la FSPF. Or, dans cette logique, l’Assurance maladie souhaitera évidemment dépenser le strict nécessaire pour assurer ce service public. Ni plus, ni moins.

Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que soit évoqué dans le cadre de la convention le redécoupage des secteurs de garde : moins nombreux mais plus larges. Un redécoupage qui fera l’objet de contrats entre syndicats locaux et CPAM, le préfet n’intervenant qu’en cas de litige. D’où la proposition, semble-t-il avancée par l’Assurance maladie, de faire correspondre les secteurs à ceux des circonscriptions de caisses.

L’agrandissement des secteurs répondra sans doute aux souhaits d’une majorité d’officinaux. Reste que l’idée n’est pas d’y établir des secteurs avec une pharmacie de garde dédiée, même si des expériences de ce type fonctionnent avec succès (voir page 24). « Mais la logique générale, c’est que tout le monde prenne ses gardes. C’est une obligation qui fait partie de la délégation de service public laissée au pharmacien », précise Pierre Leportier. Une des obligations qui sont la contrepartie du monopole.

Les gardes doivent rester exceptionnelles.

Si les officinaux ne peuvent exiger qu’une garde soit rentable, tout au moins peuvent-ils espérer qu’elle réponde à une réelle urgence. Un argument qui bien souvent ne convainc pas les élus locaux dont on connaît la propension à s’élever contre tout allégement des systèmes de garde. « Il faut ramener les élus locaux à la réalité de l’urgence, note Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. Il est facile pour eux de s’essuyer sur le dos des officinaux. Qu’ils arrêtent de fantasmer sur les besoins de santé. Il faut expliquer à la population que le service de garde des pharmaciens est et doit rester un service exceptionnel. »

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Mais pour étayer cette idée, il faudra aussi surmonter la difficulté à faire respecter les horaires de fermeture des officines le soir ou le dimanche, à l’occasion des jours de marché par exemple. Souci assez commun en milieu urbain. Certains préfets de département répondent à ces pratiques par des admonestations auprès des contrevenants, mais le problème reste récurrent.

La cohérence entre gardes médicales et gardes pharmaceutiques est aussi un souci émergeant dans ce dossier. L’idée d’augmenter la taille des secteurs est censée y répondre. Mais la question soulevée par la floraison de maisons médicales de garde (MMG) – quelque 150 à ce jour – vient contredire cette logique. Certes, leur création a permis de réduire le nombre de secteurs de gardes médicales dans certains départements, mais elle conduit manifestement à désorganiser les gardes pharmaceutiques à la campagne. « Pour l’instant, ça marche cahin-caha, mais il est possible qu’à moyen terme cela entraîne une sorte de distorsion. Il est évident que les MMG posent la question de la coordination des gardes avec la pharmacie, surtout en rural et semi-rural », indique Bernard Charles, sénateur honoraire, missionné depuis deux ans par le ministère de la Santé sur la permanence des soins médicaux.

Les MMG contribuent à un désengorgement des urgences et sont très bien accueillies par la population et les politiques. Le Sénat a décidé, via un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2005, d’encourager leur création, notamment en zones rurales et urbaines difficiles. Même si elles coûtent cher. « Notre coût de fonctionnement est de 100 000 Euro(s) par an, 73 000 Euro(s) de masse salariale (secrétariat), plus les consommables, la location des locaux, le véhicule pour aller chercher les malades… », indique Brigitte Hellfrich, responsable de la MMG de Lille. « Il nous faut environ 200 000 Euro(s) par an hors les honoraires à l’acte », confirme Patrick Warembourg, médecin coordinateur des deux MMG de Dunkerque, qui, en plus des professionnels de santé, emploient une secrétaire et un agent de sécurité.

Cohabiter en bonne intelligence.

Justement, le PLFSS 2005 prolonge jusqu’au 31 décembre 2007 la durée de vie du Fonds d’aide à la qualité des soins de ville, principal financeur des MMG, et le dote de 60 MEuro(s) supplémentaires au lieu des 30 initialement prévus. Les MMG s’inscrivent donc dans le paysage et la profession devra rapidement trouver des solutions pour cohabiter en bonne intelligence. « Les pharmaciens m’ont dit que s’ils n’ont pas les clients de ces MMG, leurs gardes n’ont plus de justification économique. Mais il n’est pas tolérable de faire faire 15 km au patient pour aller à la MMG et 25 de plus pour se rendre à la pharmacie de garde », avait lancé Bernard Charles lors du dernier congrès de la FSPF.

« Pourquoi pas un pharmacien de garde avec un dépôt de médicaments dans la MMG ? », interroge-t-il aujourd’hui, rappelant que la réglementation n’est pas intangible. « Il n’est pas question de modifier le tour de garde simplement parce qu’une MMG s’installe », rétorque Gilles Bonnefond. « On a entendu des idées un peu délirantes comme créer une petite PUI interne ou faire se déplacer le pharmacien de garde, déplore Pierre Leportier. Je ne vois pas la profession valider l’idée qui verrait le pharmacien situé à côté de la MMG faire toutes les gardes. On ne l’acceptera jamais. »

Claude Japhet, président de l’UNPF, pense tout le contraire : « Pour l’instant nous n’avons pas de solutions aux problèmes posés par les MMG. Tout est possible : le tour de garde se poursuit tel qu’il est, une officine proche de la MMG prend en charge toutes les gardes, une PUI s’y implante, un stock de médicaments y est installé sous le contrôle d’un pharmacien… Chaque piste est envisageable, à condition que le système choisi ait été débattu et accepté par l’ensemble des confrères concernés. »

A retenir

– forfait de 50 euros par astreinte de 12 heures (nuit, dimanche ou jour férié), en plus des honoraires à l’ordonnance. C’est ce que prévoit la future convention élargie avec l’Assurance maladie.

– redécoupage géographique : la convention prévoit également des secteurs de garde moins nombreux mais plus larges. Ils pourraient correspondre aux circonscriptions de caisses.

– les maisons médicales de garde (MMG), censées désengorger les urgences, désorganisent les gardes pharmaceutiques en milieu rural. Elles sont 150 à ce jour.

– des pistes évoquées : pour éviter de longs déplacements aux malades, certains préconisent la création de PUI ou le déplacement du pharmacien de garde dans les MMG, ou le choix systématique des pharmacies les plus proches des MMG pour assurer la garde. Pistes peu acceptables pour les représentants de la profession.