Le Collectif prescrit l’avenir

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Publié le 8 juillet 2006
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Après son colloque au Sénat en mars, le Collectif des groupements diffuse un livre blanc « Officine 2010 ». Il poursuit ainsi ses efforts pour convaincre les politiques et vaincre les réticences sur la prescription pharmaceutique, les participations croisées, la spécialisation des officines…

A force de communiquer sur le thème de la prescription pharmaceutique, le Collectif des groupements, qui dit représenter plus de la moitié de la profession à travers ses adhérents*, pourrait bien finir par « vendre » le concept. « A nous d’insuffler cette volonté politique. On la leur a déjà mis dans la tête et l’Académie de pharmacie a intégré l’idée », a lancé, le 29 juin, Hélène Marvillet, membre du Collectif, en commentaire du lancement d’un livre blanc pour l’avenir de la pharmacie : une communication de 13 propositions diffusées auprès de ses adhérents et des politiques en ce début juillet. Désormais, « le terme de « pharmacien prescripteur » interpelle au niveau du ministre, renchérit Pascal Louis, président du Collectif. […] La prescription pharmaceutique, c’est une façon de délivrer différemment. Cela passe par un lieu de confidentialité et par une rédaction. Elle nous donnera une aura que le simple conseil de comptoir actuel ne suffit pas à donner. »

Made in Grande-Bretagne.

Le Collectif s’appuie sur la notion de partage de compétences avec les médecins développée avec succès en Grande-Bretagne (voir le dossier du Moniteur n° 2586) pour convaincre les politiques de la nécessité de promouvoir la prescription pharmaceutique, à la fois pour aider les médecins et les patients, et pour faire réaliser des économies à la Sécurité sociale (comme cela a également été démontré en Grande-Bretagne). Vis-à-vis des médecins, les arguments avancés sont les mêmes. La prescription pharmaceutique éviterait « un surinvestissement des médecins dans le traitement de maladies bénignes au détriment des consultations à haute valeur ajoutée, une surconsommation médicale et un gaspillage en raison du recours systématique à la consultation pour avoir un accès au remboursement, une baisse de la qualité de soins en raison du manque de temps et d’écoute accordé aux patients et de l’engorgement des services d’urgence ».

Susceptibilité médicale oblige, le président du Collectif reste toutefois prudent : « Cela n’a rien à voir avec une consultation médicale. Ce ne serait absolument pas en compétition avec l’acte médical. » Pascal Louis se montre en revanche sévère face à la réticence de ses confrères à accepter les partages de compétences, réticences – « dangereuses » – dont vient de faire état le rapport Berland (voir Le Moniteur n° 2631).

« Holding = indépendance. »

Les propositions du Collectif liées au MAD, à la coordination des réseaux ou à la médication officinale ont aussi pour pierre angulaire une prescription pharmaceutique formalisée. Dans son analyse, il prend acte du fait que toutes les pharmacies ne souhaiteront pas développer de nouveaux services. En revanche, toutes les officines groupées devraient répondre à un certain nombre de normes liées à une charte de qualité intergroupements. Et le Collectif compte manifestement se battre bec et ongles pour que ceux qui font la démarche de se former spécifiquement ou de développer des services, d’une part en obtiennent la reconnaissance par des agréments, d’autre part puissent le faire savoir en communiquant auprès du public.

Dans le registre du « essayons cela sur cinq ans à travers des expérimentations et mesurons leur efficience à travers des indicateurs pertinents », la démarche peut séduire des décideurs. Une chose est sûre : vu la tonalité du discours, le Collectif ne semble pas vouloir d’abord convaincre Ordre et syndicats pour faire avancer ses idées. Surtout pas sur le plan économique où il prône l’intérêt des SEL et des holdings, arguant que « ce n’est pas la holding qui apportera les chaînes en France. C’est tout le contraire. Elle permettra au pharmacien de rester indépendant économiquement ».

D’accord ou pas d’accord avec ces idées, on sent bien que l’officine est à l’aube d’une restructuration de son activité. Tout débat est donc le bienvenu.

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* Les groupements adhérents du Collectif : Alrhéas, CEIDO, Cofisanté, Evolupharm, Forum Santé, Giphar, Giropharm, Optipharm, Pharma Référence, Plus Pharmacie.

A noter :

EXPÉRIMENTATIONS

Parallèlement à son lobbying, le Collectif compte obtenir le lancement d’expérimentations dès 2007 en ciblant des pathologies et des médicaments. Les concepts seraient ensuite validés par un « comité des sages », incluant notamment des universitaires. Autre nécessité : prendre contact avec les autres professionnels de santé pour préparer ensemble les évolutions possibles.

Les treize propositions du Collectif

1. Donner au pharmacien un accès élargi au DMP et lui permettre de le renseigner (accès à la pathologie…).

2. Autoriser la prescription pharmaceutique pour des maladies déterminées, dans un cadre défini.

Elle pourrait concerner :

– les « chroniques », avec possibilité de renouvellement du traitement par le pharmacien dans des cas précis et limités dans le temps (asthme, diabète, HTA…) ;

– le traitement des affections et troubles bénins ou courants (petits traumatismes, petits troubles ORL ou digestifs…) ;

– certains vaccins ainsi que le dépistage par la prescription d’autotests (diabète, cholestérol, HTA…) ;

– la prescription diététique et le suivi des pathologies de la nutrition ;

– l’accompagnement de pathologies lourdes (sida, mucoviscidose) dans le cadre de réseaux (MAD).

3. Optimiser l’observance en développant la consultation pharmaceutique et la constitution du dossier pharmaceutique, sans attendre la mise en oeuvre du DMP.

4. Renforcer le rôle de sentinelle et de prévention du pharmacien, notamment dans la cadre des plans nationaux d’alerte et de sécurité sanitaire.

5. Mettre en oeuvre une démarche qualité commune à tous les membres du Collectif. Objectif : « clarifier les tâches et les rendre reproductibles […] systématiser, grâce à des outils performants, les nécessaires étapes de l’acte pharmaceutique ».

6. Autoriser le pharmacien à communiquer en faisant évoluer la législation relative à la déontologie.

7. Officialiser le rôle de coordinateur du pharmacien et favoriser sa participation aux réseaux. Autoriser la prescription pharmaceutique dans le cadre de ces réseaux, en relation avec les autres professionnels impliqués.

8. Favoriser les paniers de soins dans le cadre d’un partenariat avec les organismes complémentaires centré sur la médication officinale.

9. Créer les conditions d’un développement cohérent de la médication officinale. En particulier, « établir des relations professionnelles avec les laboratoires concernés, notamment sur les prix et l’offre de services », et « entreprendre des relations avec les médecins pour développer ensemble la réflexion sur le pharmacien prescripteur et les convaincre du rôle actif des pharmaciens […] pour la gestion de maladies déterminées ».

10. Accroître le rôle du pharmacien en MAD. Pour le Collectif, la coordination et la surveillance des soins peuvent être prises en charge par le pharmacien dès lors qu’il peut l’assumer sur le plan économique.

(A noter qu’il faudrait pour cela une véritable révolution des mentalités : d’abord que les autres professionnels invitent plus spontanément les pharmaciens à participer aux réseaux, ensuite que ceux-ci soient plus motivés qu’aujourd’hui pour y entrer !)

11. Que le décret relatif aux sociétés de participation financière (ou holdings) de professions libérales (SPF-PL) soit enfin rédigé et publié.

12. Il n’y a pas lieu de porter atteinte, par décret, à l’article 5.1 de la loi de 1990, affirme le Collectif.

(Pour mémoire, cet article permettait à des professionnels ou à des holdings constituées de ces professionnels d’être majoritaires dans une SEL même sans y exercer.)

13. Une SEL ne pourrait détenir des parts dans d’autres SEL. En contrepartie, un titulaire pourrait détenir des parts directes ou indirectes (holding) dans d’autres SEL que la sienne. Objectif : éviter les constructions « en cascade », principal argument des « anti-SEL ».