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Le bras de fer Arkopharma/DGCCRF
Fin novembre, suite à la mise en cause par la DGCCRF de certains de ses produits, Arkopharma contre-attaque en portant plainte au plan européen. Pour l’administration, inflexible, le laboratoire ne peut s’affranchir de toute réglementation française.
En France, un produit destiné à l’ingestion peut être soit un médicament, soit un aliment », indique la DGCCRF. Dans le premier cas, il relève de la réglementation pharmaceutique et doit bénéficier d’une AMM ; dans le second, il relève de la réglementation sur les aliments et ne doit contenir que des substances qui font partie de la liste des aliments traditionnels autorisés ou bien faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Forte de ce principe, la DGCCRF de Seine-Saint-Denis a déclenché une série de contrôles dans des officines du département, notifiant aux pharmaciens qu’un certain nombre de produits, notamment Arkopharma – seul laboratoire cité nommément, rançon de la gloire… -, ne pouvaient être vendus (voir Le Moniteur 2421). Les produits incriminés d’une part sont dépourvus d’AMM, d’autre part contiennent soit des produits qui ne sont pas des denrées alimentaires traditionnelles, soit des vitamines et sels minéraux mais au-delà des apports recommandés selon les conseils d’utilisation. Ils ne sont donc ni des médicaments ni des compléments alimentaires autorisés en France.
Arkopharma se raccroche à l’Europe
Pour sa défense, Arkopharma réagit en précisant que « les produits mis en cause dans l’article du 24 novembre sont improprement qualifiés de compléments alimentaires mais relèvent […] de la législation européenne des « denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière » (directive 89/398/CEE transposée par le décret n° 91-827). C’est en conformité avec cette législation que ces produits sont commercialisés dans différents pays européens dont certains leur ont attribué des autorisations officielles ». S’appuyant sur le principe de libre circulation des marchandises, le laboratoire considère que ces produits peuvent ensuite « être commercialisés dans les mêmes formes et conditions dans les autres Etats membres ».
« La libre circulation des marchandises n’a absolument rien à voir avec ce problème, on mélange tout, corrige-t-on à la DGCCRF. La directive européenne précitée a été transposée en droit français, ces produits doivent être conformes. Si ce n’est pas le cas, il ne doivent pas être vendus, c’est tout. » Arkopharma affirme, lui, qu’« une interdiction de commercialisation dans un Etat membre ne peut être justifiée que par des raisons impératives de santé publique […] ». Or c’est précisément sur la santé publique et sur une décision de justice que s’appuie la notification de la DGCCRF, soulignant que « la Cour de cassation, chambre criminelle, en date du 14 novembre 2000, a rappelé que le décret qui interdit de vendre des denrées alimentaires additionnées de substances nutritionnelles non autorisées par arrêté ministériel est justifié […] [NdlR, au regard de la législation européenne] par la protection de la santé publique et des consommateurs ». Selon ce raisonnement, Arkopharma aurait donc dû demander que certaines substances soit ajoutées sur la liste officielle des denrées alimentaires.
La même règle pour tout le monde
Volonté de ne pas faire ces démarches par gain de temps, par crainte d’un refus… ou bien assurance d’être dans son bon droit, le résultat est le même : un flou total et des officinaux menacés de peines de prison et d’amende*. « Pour nous, laisser entendre que des pharmaciens risquent cette sanction est faux. L’article avancé ne s’applique pas en l’espèce », affirme la responsable juridique d’Arkopharma. « La démarche de la DGCCRF relève de la désinformation voire de l’intimidation contre lesquelles Arkopharma […] a réagi en interpellant la Commission européenne sur ces pratiques », continue le laboratoire, estimant que la DGCCRF du 93 fait du zèle.
« Ce type de contrôle pourrait se produire n’importe où en France, dans tous les magasins qui vendent ces produits » La DGCCRF ne fait d’ailleurs aucune différence entre les circuits de distribution. Son raisonnement : quel qu’il soit, le distributeur doit vendre des produits conformes à la réglementation. Mais il ne faut pas oublier que le pharmacien tient notamment son monopole de la sécurité apportée en tant que professionnel de santé, ce qui suppose des vérifications sur les produits hors AMM exposés en linéaires ou concoctés au préparatoire.
* Qualification de « tromperie et falsification » : le Code de la consommation prévoit deux ans de prison et/ou 250 000 F d’amende (peines pouvant être doublées si les délits rendent l’utilisation du produit dangereuse pour la santé humaine).
Parmi les substances incriminées…
Pour la DGCCRF du 93, les substances suivantes ne peuvent être considérées comme des aliments :
– Kava-Kava : avis défavorable en tant qu’arôme à cause de ses effets sur le SNC.
– Millepertuis : interactions avec les médicaments ; autorisé comme arôme.
– Ginkgo : autorisé en tant qu’arôme (NdlR : plante officinale).
– Ananas : seul le fruit, et non la tige, est autorisé en alimentation.
– Ephédra : plante médicinale.
– Salsepareille : plante médicinale non libérée. Juste utilisée comme arôme.
– Huile de paraffine : caractère toxique (avis négatif du Comité scientifique pour l’alimentation de la Communauté européenne et du CSHP).
– Lécithine de soja : juste autorisée comme additif.
– Konjac : interdit en gélule (NdlR : risque d’obstruction oesophagienne).
– Chrome : seul le chlorure de chrome trivalent hexahydraté est autorisé. Levures enrichies en chromes non autorisées.
– Bambou, Harpagophytum (avis défavorable du CSHP), Echinacea, argile blanche : non inscrits sur la liste des ingrédients alimentaires traditionnels.
Retrait du Kava-Kava en Allemagne
Arkopharma n’a pas été le seul à réagir à notre récent article sur les pharmaciens épinglés par la DGCCRF au sujet des compléments alimentaires. De nombreux lecteurs nous ont également manifesté leur étonnement, voire leur désaccord. Cinq jours après cet article dérangeant, Merck annonçait le retrait du marché allemand de ses produits à base de Kava-Kava (dosés à 60, 100 et 120 mg), après notification de l’Institut fédéral des médicaments de 24 cas d’effet secondaire hépatique indésirable où sa causalité est étudiée… Un accident de parcours qui rappelle que ce type de produit n’est pas anodin.
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