“L’approvisionnement a été une course de tous les jours”

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Publié le 4 juillet 2020
Par Magali Clausener
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L’Hôpital américain de Paris dispose au total de 170 lits et places. L’épidémie de Covid-19 a, comme pour tous les établissements de soins publics et privés, bouleversé son organisation. Dans ce contexte, la pharmacie à usage intérieur, qui emploie 6 pharmaciens et 10 préparateurs, a dû revoir son fonctionnement. Le Pr Xavier Bohand, pharmacien en chef, revient sur cette période de crise.

Comment l’Hôpital américain de Paris s’est-il organisé pour faire face à l’épidémie du Covid-19 ?

L’hôpital a doublé le nombre de lits dans le service de réanimation et mis en place deux services d’hospitalisation pour les patients atteints du Covid-19. En réanimation, nous avons pu accueillir jusqu’à 16 patients Covid. Au total, environ 150 patients ont été traités à l’Hôpital américain, avec un pic à 60 patients par jour.

Et comment la pharmacie s’est-elle adaptée à cette situation inédite ?

Avant l’épidémie, notre principale activité était la dispensation nominative pour environ 120 lits. Elle n’a pas été modifiée et elle a même été plus importante, durant la crise sanitaire. En revanche, les modalités ont été revues. Pour limiter les interactions et les contacts avec les soignants et les malades, nous avons préparé les médicaments dans des sachets et les infirmières assuraient leur répartition dans les piluliers. Nous avons aussi changé notre organisation de travail. Par exemple, des pharmaciens ont été en télétravail et validaient les ordonnances à distance. Les horaires des préparateurs sont passés à 12 heures. Ils ont accepté de travailler plus longtemps. L’objectif étant de réduire le nombre de collaborateurs présents à la pharmacie, pour les préserver.

Avez-vous dû gérer des pénuries ?

Dès le début, nous avons été associés à la cellule de crise mise en place. Avec les médecins, nous avons élaboré une liste des médicaments sensibles pour réaliser, si possible, des stocks prévisionnels, puis en assurer à la pharmacie un suivi quotidien. Nous avons aussi établi des simulations avec des schémas thérapeutiques « types », afin d’évaluer nos besoins potentiels. Nous avons fait de même pour les dispositifs médicaux stériles et les respirateurs. Cela nous a permis d’anticiper nos besoins et de gérer les produits au plus près. L’approvisionnement a été une « course » de tous les jours. Si le secteur privé a plus d’agilité dans le domaine des achats que le secteur public, nous avons quand même rencontré des problèmes d’approvisionnement auprès de nos fournisseurs qui n’avaient plus de stocks. La pharmacie était aussi chargée de l’approvisionnement en masques et en gel hydroalcoolique. Nous avons aussi subi la pénurie, mais nous avons bénéficié de dons de masques et de SHA de grandes entreprises qui nous ont bien aidés au début.

La crise a-t-elle changé les relations des pharmaciens et des préparateurs avec les autres services de l’hôpital ?

Durant la crise, les échanges avec les autres services ont été spontanés. Par exemple, les médecins du service de réanimation nous ont demandé de réaliser des fiches sur certains médicaments à destination des soignants. Nous avons aussi multiplié les contacts avec l’équipe d’hygiène hospitalière. De façon plus générale, la crise a soudé les équipes et permis à chacun de mieux comprendre les activités et difficultés des uns et des autres.

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Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant cette crise ?

L’extraordinaire élan de solidarité, tant à l’hôpital qu’à l’extérieur. Nous avons reçu des dons, et nous avons, nous-mêmes, donné des masques à des médecins de ville. Mais, la crise a aussi mis en exergue les difficultés majeures d’approvisionnement en produits de santé.