LA PROFESSION DÉJÀ SUR LE PIED DE GUERRE

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Publié le 25 août 2012
Par Magali Clausener
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En proposant des baisses des prix des génériques et la réduction du nombre d’officines, le rapport de la CNAMTS et celui de l’IGAS et de l’IGF, rendus publics mi-juillet, ont jeté un froid dans la profession. Le PLFSS pour 2013 les prendra-t-il en compte ? Les syndicats espèrent que non.

La bataille sera rude », lance Philippe Gaertner, président de la FSPF. « Il va falloir convaincre. Le PLFSS pour 2013 risque d’être très dur », déclare de son côté Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Les syndicats sont inquiets. Car le gouvernement doit faire des économies. La baisse des prix des médicaments et des génériques était déjà à l’ordre du jour lors de l’annonce d’un ONDAM à 2,7 % (voir Le Moniteur n° 2943). D’après les deux présidents, elle serait de l’ordre de 1 à 1,5 milliard d’euros pour 2013.

La CNAMTS, dans ses propositions sur les charges et produits pour l’année 2013, n’hésite pas à aller plus loin. Elle préconise ainsi de « déplafonner la marge arrière totalement ou ajuster ce plafond chaque année en fonction de l’évolution des revenus de l’officine » et de « reverser directement ou indirectement une partie des économies réalisées à l’Assurance maladie ». Et dans l’attente de la mise en œuvre de ce nouveau système, en 2014, de « porter la décote à 70 % du prix du princeps au lieu de 60 % depuis fin 2011 » pour les nouvelles spécialités génériques, et de « procéder à une baisse individualisée et pluriannuelle selon un mécanisme tenant compte des prix européens pour déterminer les baisses de prix en fonction du PFHT par unités standard » sur le stock des génériques. Des mesures qui permettraient à l’Assurance maladie d’économiser plus de 400 millions d’euros dès l’année prochaine (385 M€ pour les baisses de prix et 16,5 M€ pour la hausse de la décote).

Les pharmaciens deviendraient des « superacheteurs »

Si les syndicats ne désavouent pas une baisse des prix des génériques, ils s’opposent au système que voudrait mettre en œuvre l’Assurance maladie. « Frédéric Van Roekeghem considère que les prix européens sont plus bas qu’en France, mais les prix ne tiennent pas compte de la délivrance. Qu’il faille baisser les prix des génériques, je peux l’entendre, mais il faut que les pharmaciens s’y retrouvent. Il y a des équilibres à trouver. Quant à la déréglementation des marges, est-ce la bonne solution ? Les pharmacies en zone rurale risquent d’être fortement pénalisées. Le taux de la substitution de la Mutualité sociale agricole est supérieur à celui de la CNAM », explique Philippe Gaertner. « Sur les baisses de prix, c’est le CEPS qui fixe les prix sur ordre du gouvernement. L’Assurance maladie n’a pas à intervenir ou alors on change la règle du jeu et c’est le payeur qui fixe les prix, remarque Gilles Bonnefond. Si on décide que les pharmaciens achètent les génériques – et pourquoi juste les génériques et pas tous les médicaments ?… –, ils deviennent des “superacheteurs” avec une mission confiée par l’Etat. Les prix sont fixés par le marché. On change alors complètement de système. Mais ce système existe déjà, puisque les industriels versent des remises à l’Assurance maladie. Pourquoi en inventer un autre ? » L’UNPF a un avis plus tranché : « L’argent des remises accordées par la loi aux pharmaciens permet de faire tourner le réseau. Si on enlève cet argent, ce ne sont pas quelques officines qui risquent de disparaître mais toutes », déclare Françoise Daligault, la nouvelle présidente de l’UNPF.

Du côté du Gemme (Générique, même médicament), le dispositif proposé par la CNAMTS n’apparaît pas non plus comme la meilleure solution. « Toute mesure inspirée d’un modèle étranger sans tenir compte de l’environnement global et de l’ensemble des paramètres de ce modèle pourrait avoir des effets contraires à ceux escomptés. En effet, dans le modèle anglais qui est pris comme référence pour cette mesure, la maturité du marché du médicament générique et l’acceptation de ces médicaments par les patients sont bien plus avancées : le médicament générique représente ainsi plus de 60 % du marché pharmaceutique anglais contre moins de 25 % en France, explique Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme. Ces deux mesures ne résoudraient pas le problème de fond qui est l’insuffisance de prescription au sein du Répertoire des spécialités génériques. »

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L’IGAS et l’IGF voudraient 10 % d’officines en moins

Autre préconisation de l’IGAS et de l’Inspection générale des finances (IGF) qui a fait couler beaucoup d’encre durant cet été : celle de réduire le nombre d’officines de 10 % d’ici 2016 tout en créant un forfait pour protéger les pharmacies dont la rentabilité serait fragilisée. Pour les deux inspections, « la concentration du secteur (via le durcissement des quotas d’installation en ville et l’allongement des périodes de protection en cas de regroupement) et l’assouplissement des règles d’emploi par officine seraient de nature à réduire les coûts unitaires et permettre de nouvelles baisses tarifaires pour l’Assurance maladie (baisse de la marge distributeur, extension des honoraires de dispensation) sans altérer l’accès aux soins ni la qualité de la dispensation du médicament. Elle permettrait en outre le développement de nouveaux services à la population ». « C’est énorme de voir écrit qu’il faut baisser le nombre d’officines et dans le même temps subventionner !, s’exclame Philippe Gaertner. 10 % d’officines en moins, c’est effectivement 11 000 pertes d’emploi. C’est plus que PSA ! Il s’agit d’emplois de proximité. C’est un argument qui peut être entendu mais qui n’est pas suffisant. 10 % d’officines en moins, c’est envisageable, mais il faut le faire de façon coordonnée et progressive. Après, que des énarques puissent mettre en comparaison rentabilité et fermetures, c’est une vue de l’esprit. C’est une erreur fondamentale. L’économie d’échelle ne peut se faire que sur la structure de l’officine. »

« Je veux qu’on m’explique comment on peut dire qu’il y a 10 % d’officines en trop dans la Creuse, les Alpes… Je veux voir la tête des maires et des élus quand on leur dira “Ta pharmacie, elle est en trop”… », réagit aussi vivement Gilles Bonnefond. Nous avons des outils pour optimiser le réseau. A Bercy de faire des arbitrages fiscaux. En contrepartie, il faut renforcer le pharmacien en milieu rural et investir par exemple dans la télésanté. Cela montre la pauvreté des idées. » Pour Françoise Daligault, il n’y a pas d’officines en trop, mais « elles sont mal réparties » sur le territoire. Et d’évoquer les regroupements : « Pourquoi ne profitons-nous pas de cette possibilité, c’est légal… ». Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, tient un discours semblable et s’interroge : « quelles pharmacies devraient fermer ? ».

Les syndicats tentent cependant de minimiser les effets que pourraient avoir les deux rapports. « Tout cela fait penser à une boîte à outils mais, généralement, il n’en reste rien », estime le président de l’USPO. « Les rapports restent souvent dans les tiroirs », ajoute Philippe Gaertner. Le PLFSS pour 2013 dira si effectivement les rapports auront été ou non pris en compte par le gouvernement…

REPÈRES

17 juillet

• Diffusion du rapport « Propositions sur les charges et produits pour 2013 de l’Assurance maladie », au nombre de 35.

• Proposition 16 : optimiser le prix des médicaments utilisés dans le traitement du diabète et ses facteurs de risque.

• Proposition 21 : organiser le système de négociation des ristournes obtenues sur le générique.

• Proposition 22 : baisse dès 2013 du prix des génériques.

19 juillet

• Parution du rapport sur la maîtrise de l’ONDAM de l’IGAS et de l’IGF. Aucun représentant des professionnels de santé na été interrogé par la mission.

• Proposition de réduire le nombre d’officines de 10 % d’ici 2016.

• Proposition de baisser la marge unitaire des pharmaciens par boîte de médicament en leur garantissant une marge minimale grâce aux honoraires de dispensation.

• Proposition de baisses de prix (princeps : 300 M€ d’économies par an, génériques : 500 M€ d’économies, produits de santé : 70 M€ d’économies par an).