La couleur verte vous va si bien !

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Publié le 24 avril 2004
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Air Pharmagora a été heureux d’accueillir les 35 652 passagers qui, du 20 au 22 mars, ont navigué dans les allées du dix-neuvième Salon de la pharmacie. Le voyage s’est bien passé. A noter toutefois quelques turbulences durant la traversée des débats sur le TFR.

Organiser un débat sur « des projets qui redonnent des couleurs à l’officine » pouvait paraître un peu léger dans le contexte actuel. Et pourtant, il y a de quoi voir l’avenir en vert… Illustrations.

Prescription pharmaceutique.

« Les pharmaciens ont la capacité d’être encore plus performants et plus efficaces. Pour cela, ils doivent s’inscrire dans une véritable démarche d’acteur de santé, en devenant prescripteur », assure Gilles Brault-Scaillet, président du Collectif des groupements. C’est déjà un peu le cas avec le sevrage tabagique, la contraception d’urgence ou, plus largement, le conseil. La nouveauté, ce serait de prendre directement en charge le petit risque à l’officine, en évitant des consultations médicales inutiles, notamment en cas d’urgence (épidémies de gastroentérites…), de renouvellement de certains traitements ou en cas de simples « formalités administratives » (comme faire tamponner son vaccin contre la grippe)… ça, c’est pour les médicaments remboursables, mais, demain, avec les déremboursements, des pathologies ne seront sans doute plus prises en charge par la collectivité et le Collectif milite pour que les produits concernés puissent, dans certaines conditions et pour certaines personnes, être pris en charge par les complémentaires après intervention du pharmacien. « Nous croyons beaucoup à la prescription pharmaceutique », surenchérit Gilles Bonnefond, de l’USPO, qui est persuadé que les problèmes de démographie médicale permettront ce transfert progressif de compétences. « Nous ne souhaitons pas prendre le travail des médecins mais les relayer sur des pathologies qui n’ont pas de valeur ajoutée pour eux et qui les encombrent quotidiennement », poursuit Gilles Brault-Scaillet.

Opinion pharmaceutique.

« Tous les jours, les pharmaciens apportent une plus-value à la délivrance de l’ordonnance en détectant une interaction ou encore en appelant le médecin pour se faire préciser une posologie… Le problème, c’est que ce travail est invisible. Il faut donc le tracer, grâce à l’opinion pharmaceutique, pour que nos ministres arrêtent de nous demander à quoi nous servons ! », considère Gilles Bonnefond. Encore faut-il lever les freins persistants, comme l’absence criante de dossier médical partagé, le manque d’outils informatiques adaptés (plus pour très longtemps semble-t-il ?) et de bases de données opposables à tous les professionnels.

Faouzi Fassatoui est pharmacien au Québec. L’opinion pharmaceutique, il connaît bien pour en faire, avec son équipe, plus de 3 000 par an (à raison de 10 Euro(s) l’acte). Là-bas, cela équivaut à un refus de délivrance, dans l’intérêt du patient, avec envoi d’un courrier argumenté au prescripteur. Entre-temps, le pharmacien l’aura appelé et aura, le cas échéant, une nouvelle prescription verbale qui sera notifiée dans le dossier pharmacologique du patient. Ce dossier a été constitué par le pharmacien a partir d’un document de référence élaboré par l’ordre.

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Pharmacothérapie initiale, soins pharmaceutiques.

D’autres services, également rémunérés à l’acte ou sur facture, sont proposés par les confrères québécois. Ainsi, lors de l’initialisation d’un nouveau traitement, type IEC par exemple, le pharmacien reprend contact avec le patient sept jours après pour savoir si il n’y a pas d’effet indésirable (une toux en l’occurrence). Il est spécifiquement rémunéré pour ce suivi et, si les effets indésirables motivent l’arrêt du traitement, il émet une opinion pharmaceutique au prescripteur, avec à la clé une seconde rémunération ! De même, ils sont autorisés à faire des consultations payantes pour éduquer des patients obèses ou diabétiques… Par ailleurs, la consultation pharmaceutique dans le cadre de la délivrance de la contraception d’urgence donne aussi lieu à des honoraires, d’un montant de 12,50 Euro(s).

Réseaux de santé.

« Un réseau, c’est un espace global d’exercice qui va structurer toutes les preuves de notre exercice au quotidien, c’est-à-dire l’acte pharmaceutique, l’opinion pharmaceutique, le dossier de suivi pharmacothérapeutique. Des preuves que nous nous devons de donner à nos malades, à l’ensemble des professionnels avec qui nous exerçons et à nos tutelles de façon à évaluer et valoriser le service pharmaceutique rendu », avance Dominique Brasseur, du Conseil de l’Ordre. Or, selon lui, il existe aujourd’hui deux formidables opportunités pour que la profession tout entière s’engage dans cette voie : des financements sous-exploités et l’arrivée prochaine des médicaments de la réserve hospitalière (voir Le Moniteur n° 2530).

Visite pharmaceutique à domicile.

En Australie, rapporte Thérèse Dupin-Spriet, enseignante en pharmacie clinique à Lille, les pharmaciens sont chargés, sur prescription médicale, d’aller au domicile des patients qui ont des difficultés pour suivre leur traitement. Cette visite, qui dure une demi-heure, donne lieu à un rapport transmis au médecin. Ensuite, une concertation entre les deux professionnels détermine la marche à suivre pour améliorer la situation. Non seulement pharmaciens et médecins travaillent ensemble mais, en plus, ils bénéficient d’une rémunération spécifique (respectivement 77 Euro(s) et 66 Euro(s)), largement couverte par les économies générées. Ce service a débuté en 1998, avec indemnisation des pharmaciens-tests, et on compte aujourd’hui 40 000 visites par an. De quoi donner des idées, non ?

Entendu

« Il est légitime que le pharmacien demande une rémunération supplémentaire, sans que l’on touche à sa marge commerciale, pour des services qui généreront des économies pour la collectivité. Mais il faudra dans un premier temps faire la preuve de notre valeur ajoutée et donc être raisonnables dans nos demandes. »

Gilles Brault-Scaillet