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Jusqu’à ce que mort s’ensuive ?
A la recherche d’économies certaines à court terme, le gouvernement confirme les objectifs du PLFSS 2006, qui a été présenté mercredi en Conseil des ministres. Il attend deux milliards d’euros d’économies sur le médicament d’ici 2007. L’addition est plus que sévère pour la profession.
Baisses de prix du Répertoire, TFR pour tous les génériques après deux ans d’inscription, déremboursements, baisses de prix sur certains médicaments, mise en place des grands conditionnements… « Si ces mesures sont toutes appliquées, elles seront insoutenables pour plus de la moitié de la profession ! », fulmine Claude Japhet, président de l’UNPF. Les 156 déremboursements devraient coûter dans les 200 MEuro(s), les gros boîtages pas loin d’une centaine de millions, autant pour les baisses de prix et les mesures sur les génériques de 500 à 600 MEuro(s), selon l’UNPF.
« Plus du quart de notre EBE ! Entre 40 000 et 50 000 euros par officine. Cela va faire imploser la profession, prévient Claude Japhet. Cela se solderaient soit par des fermetures, notamment pour les officines endettées à plus de 50 %, soit par des licenciements, seul poste capable d’absorber une telle perte. » Pierre Leportier, président de la FSPF, qui estime la perte pour l’officine, toutes mesures confondues, à au moins 730 MEuro(s) sur 2006 (un cinquième de l’EBE), confirme : « Les premières mesures des confrères en difficulté, endettés, seront évidemment des licenciements, or il y a 10 milliards d’endettement en cours dans la profession. »
TFR accéléré.
Le gouvernement a donc décidé, dès le 1er janvier prochain, « une mise en cohérence des prix des médicaments génériques en France avec les prix européens par une baisse de 13 % des prix du Répertoire ». « Un moyen d’aller chercher de la marge arrière », commente Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. Deuxième mesure : l’instauration « d’une date butoir de 24 mois » pour la mise en place des TFR, « sur les stocks et les flux ». Comprenez, d’une part que l’ensemble du Répertoire actuel devra être passé sous TFR d’ici à deux ans, à partir d’une date et à un rythme encore indéterminés, et d’autre part que les molécules y accédant entre-temps se verront également appliquer un TFR deux ans au plus après leur entrée. « Je ne comprends plus le discours du ministre qui nous dit avoir abandonné une généralisation du TFR… pour annoncer derrière une généralisation du TFR à 24 mois ! », s’étonne Pierre Leportier. « Un TFR accéléré deux ans après l’arrivée d’un produit, c’est comme du TFR généralisé, commente amèrement Claude Japhet. Cela ne fait que reculer de deux ans les dépôts de bilan. Toutes ces mesures avec un taux de croissance proche de zéro, c’est comme si on prenait dans la figure tout et tout de suite. C’est inacceptable ! » La déception est également à son comble à l’USPO. « Avec le TFR, on tue le moteur même de la substitution : « marge générique égale marge princeps ». Tout repasse en marge lissée, l’économie de l’officine va en prendre un sacré coup », se désespère Gilles Bonnefond.
Arrêter de génériquer ?
Un sursis de deux ans est-il suffisant pour s’impliquer sur le générique, surtout avec des marges arrière plafonnées à 20 % ? « Ça n’a plus de sens, constate Gilles Bonnefond. On n’a jamais traité une profession comme ça. Si le générique existe aujourd’hui c’est grâce au pharmacien et à personne d’autre. Or on tape sur le premier de la classe. C’est une grande leçon de politique. Maintenant, Cyclamed gratuit c’est fini, la prévention gratuite c’est fini. Pour la récupération des DASRI*, ce ne sera pas la peine de venir nous voir nous non plus ! » « Inutile dans ces conditions de venir nous parler de développer la qualité et la formation », renchérit Claude Japhet. Une pilule d’autant plus amère que « la profession est dans les clous du Plan médicament de 2004, qu’elle a toujours répondu présent dans les crises sanitaires et dans la montée en charge de SESAM-Vitale, insiste Pierre Leportier. J’aimerais que le ministre m’explique… »
Pour le malheur de la profession, les mesures qui la concernent dans ce PLFSS relèvent du réglementaire et non du législatif. Inutile donc d’en expliquer la portée à nos parlementaires qui le voteront (et parmi lesquels la profession compte de solides appuis), sauf à les convaincre de reporter sur l’hôpital des économies prévues pour l’instant sur le médicament. L’hôpital qui est, avec un objectif de + 3,44 % (contre – 3,3 % pour le médicament en ville), le grand bénéficiaire de ce PLFSS.
Dans ce contexte, c’est au CEPS, face à l’inflexible Noël Renaudin, éternel partisan des TFR, et dans les ministères, que se jouera probablement la bataille. Qui paraît ainsi d’ores et déjà bien mal engagée. Pierre Leportier appelle cependant le ministre à négocier très vite avec l’Officine, « car ça commence à chauffer dans la profession. Pensez à la réaction des pharmaciens… qui voient 4 millions de personnes par jour… ».
* Déchets d’activités de soins à risques infectieux.
Génériques : l’accord de la dernière chance
– Les organisations syndicales de médecins et de pharmaciens* ont signé il y a huit jours un communiqué d’« union sacrée pour les génériques ». L’idée serait ni plus ni moins d’inciter les médecins à prescrire dans le Répertoire et d’éviter les transferts de prescriptions.
Cet accord a été mis en avant mardi au ministère par les syndicats officinaux, en faisant valoir qu’il accord était susceptible de faire récupérer de 200 à 250 MEuro(s) d’économies. « Soit l’équivalent de l’économie que réalisera l’assurance maladie en 2006 en appliquant la mesure TFR du PLFSS sur le Répertoire actuel, expose Pierre Leportier. Il existe donc bien une alternative ! » Certes, mais le ministère, qui veut des économies réelles, n’y voit que des économies potentielles… Et au lendemain de la présentation du PLFSS en Conseil des ministres, le secrétaire général de l’USPO, écoeuré, n’hésite pas à lancer que si toutes les mesures prévues sont confirmées, « on peut tout de suite mettre cet accord à la poubelle ! ».
* CSMF, SML, FSPF, UNPF, USPO.
Les mesures sur le médicament
– Baisse des prix de tous les produits du Répertoire des génériques de 13 % au 1er janvier 2006.
– TFR pour tout générique au bout de deux ans d’inscription.
– Mise en place progressive de conditionnements de trois mois dès que cela est possible.
– Baisses de prix ciblées au fil de l’eau.
– Déremboursement au 1er mars 2006 de 156 médicaments à SMR insuffisant.
– Passage à 15 % de 62 veinotoniques au 1er janvier 2006 et baisse de leur prix de 20 %. Les complémentaires seront libres de ne pas compléter. Déremboursement total des veinotoniques au 1er janvier 2008.
– Passage de 0,6 à 1,96 % en 2006 de la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires.
– Si les laboratoires ne respectent pas les volumes de vente prévus dans leurs accords conventionnels, reversement du CA excédentaire de 70 % à l’assurance maladie.
– A partir du 1er janvier, réduction de 7,5 à 12,5 % des remboursements hors parcours de soins coordonné (contrats responsables). Majoration de ce ticket modérateur à venir.
– Nouveau protocole de soins pour les ALD, signé par le patient, distinguant les traitements ne relevant pas de l’ALD.
A noter :
D’autres discussions ont lieu dans l’ombre, notamment sur le principe d’un fonds de restructuration de la profession (afin d’indemniser des pharmaciens dont les officines seront définitivement fermées) et sur la revalorisation des gardes. L’Etat envisagerait de lâcher près de 150 millions d’euros pour le premier et 40 millions pour la seconde. Ou comment prendre beaucoup d’une main et redonner des miettes de l’autre !
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