- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- « Il n’y a pas d’économie pérenne sans la santé »
« Il n’y a pas d’économie pérenne sans la santé »
Éric Baseilhac invite les acteurs de la chaîne du médicament à se montrer solidaires dans la phase de reconstruction du système de santé qui s’annonce, avec la mise en place d’une nouvelle économie du médicament.
Pharmacien Manager : Avez-vous constaté une baisse des prescriptions et des ventes de médicaments dans les officines depuis le début du confinement ?
EB Avant toute chose, laissez-moi dire « bravo et merci » aux pharmaciens et à leurs équipes. Depuis le début de cette crise, ils sont au front, avec énormément de constance et de dévouement. Cet engagement nous inspire, à moi-même et à tous mes collègues de l’industrie pharmaceutique, beaucoup de respect et d’admiration. Concernant le marché du médicament, les premiers chiffres témoignent d’une augmentation sensible sur le mois de mars, sur le segment officinal, probablement lié à un effet de stockage, ce qui laisserait présager une accalmie à venir.
PM Quelles leçons, selon vous, faudra-t-il tirer de cette crise ?
EB Cette pandémie a rappelé avec force que la santé est un bien au-dessus de tous les autres et qu’il n’y a pas d’économie pérenne sans elle. Le médicament doit redevenir un bien essentiel, qui ne peut plus être soumis aux aléas d’une régulation, ayant pour seul objectif d’obtenir des prix toujours plus bas. On voit, aujourd’hui, sous nos yeux, les conséquences de cette dynamique mortifère : des délocalisations qui nous ont fait perdre notre souveraineté pharmaceutique, et des tensions sur l’approvisionnement. Cette crise a aussi a mis en lumière la nécessaire solidarité entre tous les acteurs de la chaîne du médicament. Quand on regarde le médicament comme un objet commercial, nos intérêts peuvent parfois être contradictoires. Mais, quand il est perçu comme un contributeur du soin et de la santé, on se sent immédiatement plus solidaire. Je nous invite donc tous à conserver ce regard car nous allons devoir reconstruire notre système de santé et imaginer une nouvelle économie du médicament. Et nous ne pourrons le faire que tous ensemble.
PM Quels sont les chantiers prioritaires qu’il faudra ouvrir ?
EB Trois doivent être lancés dès maintenant. Le premier porte sur l’accélération de la mise en oeuvre du plan ruptures. Avec les pharmaciens, il faut que nous parvenions à mettre rapidement en place un système de visibilité, en temps réel, des stocks de médicaments sur le territoire national. Le deuxième chantier, c’est la mise en place d’un nouveau cadre économique pour les médicaments d’intérêt stratégique (MIS), afin d’atteindre la souveraineté pharmaceutique à laquelle tout le monde aspire au sortir de cette pandémie. Et le troisième, c’est la remise à plat de la régulation du médicament.
PM Quelles sont les préconisations du LEEM en la matière ?
EB La situation d’endettement dans laquelle se trouve le pays, avec un nouveau déficit abyssal de la Sécurité sociale (41 Mds d’ € prévus en 2020, Ndlr), doit nous inciter à repenser une économie du médicament sur le long terme. Le médicament ne doit plus être regardé comme la variable d’ajustement du budget de l’Assurance maladie, mais comme un investissement et un vecteur d’efficience pour la réorganisation de notre système de santé. Ce nouveau regard impose de remettre en cause l’annualité budgétaire de sa régulation dans le cadre des LFSS, et le cloisonnement de sa gouvernance. La disposition dite article 66, qui aligne le remboursement des princeps sur le tarif des génériques, est caractéristique de ces mesures d’expédients budgétaires que nous ne voulons plus voir à l’avenir. D’abord parce qu’elle nie la place des industriels et des pharmaciens dans l’économie du répertoire. Ensuite, parce que la spirale baissière infernale qu’elle entraîne sur les prix expose à des risques majeurs de rupture d’approvisionnement.
PM Comment voyez-vous le rôle des pharmacies d’officine évoluer dans les années à venir ?
EB Quand le système de santé a été sous tension, l’officine est restée le lieu privilégié pour venir chercher des médicaments, du conseil, du soin en téléconsultation… Elle a donc tout pour s’imposer comme un carrefour incontournable, qui intègrera une grande part de l’offre de santé de première ligne. Au Leem, nous travaillons depuis plusieurs mois à l’élaboration d’un parcours officinal pour des pathologies bénignes de la sphère ORL, digestive, dermatologique… Dans ce parcours, le pharmacien d’officine serait considéré comme le praticien de premier recours. Nous sommes en train d’en réaliser l’analyse médico-économique et souhaitons rapidement convaincre le gouvernement de sa mise en place, qui aurait un triple intérêt. Sécuriser le recours à la médication officinale grâce aux conseils du pharmacien sur la base d’algorithmes décisionnels, et la traçabilité de la pharmacovigilance dans le dossier pharmaceutique. Soulager les urgences hospitalières et les cabinets de médecine générale. Et très certainement aussi, générer des économies pour l’Assurance maladie… !
DIRECTEUR DE L’ACCÈS, DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET INTERNATIONALES DU LEEM
BIO EXPRESS
→ 1988
Doctorat en médecine à la faculté de Toulouse. Master en Gestion et Politiques de Santé à Sciences-Po Paris (2006).
→ 1989 – 1994
Médecin de campagne dans les Hautes-Pyrénées.
→ 1995 – 2003
Dépose un brevet sur un glucide d’index glycémique bas et fonde une entreprise de diététique médicale.
→ 2003 – 2013
Directeur exécutif chargé de l’Accès au Marché des Laboratoires JANSSEN.
→ 2013
Directeur exécutif chargé des Affaires économiques et internationales du LEEM.
- Rémunération des pharmaciens : une réforme majeure se prépare-t-elle ?
- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
- Remises génériques : l’arrêté rectificatif en passe d’être publié
- Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?
- Paracétamol : quel est cet appel d’offres qui entraînera des baisses de prix ?
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis