Huit candidats face à la pharmacie

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Publié le 16 février 2002
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Si l’avenir de la protection sociale et celui du financement du système de santé sont au coeur des débats de la campagne présidentielle, celui de la pharmacie reste dans l’ombre. A deux mois du premier tour, huit candidats à l’élection présidentielle ont accepté de répondre aux questions du « Moniteur ». Ils livrent leurs commentaires sur le système de santé et les grands dossiers de la pharmacie.

Le système de santé a explosé. C’est un échec absolu ! » François Bayrou ne mâche pas ses mots, mais il est dans le ton de cette campagne électorale : âpre. Au moins sur le sujet de la santé. Car mis à part le Parti socialiste, tous les candidats que nous avons interrogés ont la dent dure sur la politique de santé actuelle.

« Renoncement, logique comptable insupportable » pour les uns, « autisme, fonctionnarisation des professionnels de santé » pour les autres, à droite comme à gauche le gouvernement en prend pour son grade. C’est qu’avec la crise que traverse le monde médical, les adversaires du futur candidat PS jouent sur du velours. « Le gouvernement ne réagit que dans l’urgence, quand les crises éclatent, et toujours pour parer au plus pressé, éteindre l’incendie », s’enflamme Alain Madelin. « Les socialistes ont consciencieusement appliqué le plan Juppé, qui a fini de socialiser notre système de santé », s’emporte Jean-Marie Le Pen.

La gauche n’est guère plus tendre. « Le gouvernement s’obstine à faire la sourde oreille aux revendications des professionnels de santé, et refuse de sortir de la logique comptable en matière de santé publique », critique Robert Hue. « La France n’a jamais autant dépensé pour sa santé et pourtant les mécontentements fusent de toute part, constate Noël Mamère. C’est la fin d’une période. Notre système de santé n’est plus adapté. » Attaqué, le PS défend son bilan. « La politique de santé actuelle vise à promouvoir la qualité, la sécurité sanitaire, l’égal accès aux soins. Elle est fondée sur une complémentarité entre l’Etat, garant du système, qui définit les priorités de santé publique, et les partenaires sociaux qui gèrent les soins de ville en toute autonomie, mais pour une meilleure efficacité, il faut encore améliorer la cohérence de la chaîne de soin dont les pharmacies sont un élément essentiel. »

Après les critiques viennent les propositions. Unanime, la droite défend la création d’un « vrai ministère » de la Santé. « La santé ne doit pas être cantonnée à un petit secrétariat d’Etat placé sous l’écrasante tutelle du ministère de l’Emploi », estime Alain Madelin, tandis que le RPR lui adjoindrait des moyens « intégrant la médecine scolaire et du travail et un volet environnemental ».

Plus petit dénominateur commun : les agences régionales de santé

Plus surprenant, gauche et droite se retrouvent sur une idée : la régionalisation. Le PS et les Verts d’un côté, le RPR et l’UDF de l’autre, défendent la création d’agences régionales de santé chargées de recenser les besoins et de définir des objectifs sanitaires. L’intention est louable : financer et exécuter la politique de santé dans un cadre régional décentralisé au plus proche des malades et des professionnels de santé. Vive la fongibilité des enveloppes budgétaires ! Adieu maîtrise comptable : les candidats desserrent les cordons de la Bourse ! « Le discours commun est que l’augmentation des dépenses de santé est trop importante et nuisible à l’économie alors qu’elle est inéluctable, assure François Bayrou. Je considère que l’on pourrait y affecter une part encore plus importante. » « Non, les dépenses de santé ne sont pas trop importantes dans notre pays ! reprend Robert Hue en écho. Leur augmentation constitue même une nécessité, une exigence de civilisation au moment où la population vit plus longtemps. Je propose pour financer la santé une taxation forte des revenus financiers des entreprises. »

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Même dans le programme santé du PS, la référence à la progression du produit intérieur brut ne s’impose plus dans le calcul de l’ONDAM, ce qui signifie que les dépenses de santé peuvent augmenter plus vite que la richesse nationale. Une petite révolution, le principe étant opposé a celui que les différents gouvernements de Lionel Jospin s’efforcent d’appliquer depuis cinq années, plaidant pour une maîtrise drastique des dépenses. Le RPR fait également patte de velours : « Il faut appuyer sans réserve une véritable revalorisation du statut financier de tous les professionnels de santé afin de leur redonner une confiance durable. » Le RPR rejette d’avance toute idée de sanction collective et comptable. Logique. Il tente d’exorciser la mesure la plus honnie des professionnels de santé : la maîtrise comptable des dépenses de santé et son pendant, les sanctions en cas de dépassement de l’objectif. Alain Juppé est encore dans toutes les mémoires… Le terrain de la santé est miné. Et aucun candidat n’ose aujourd’hui avancer un mécanisme clé en mains pour en réguler les dépenses.

Chirac réélu par les pharmaciens

Est-ce réellement une surprise ? Selon le sondage Fovéa-Le Moniteur réalisé auprès d’un échantillon de cent pharmaciens représentatifs de la profession, Jacques Chirac serait réélu président de la République. Au premier tour, il recueillerait la majorité des suffrages (21 %). Représentant la droite au second tour, il serait élu puisque 53% des pharmaciens déclarent vouloir voter à droite. A noter qu’au premier tour, Alain Madelin comme Jean-Pierre Chevènement réalisent un meilleur score (6 % chacun) que le Premier ministre s’il était candidat. Lionel Jospin ne comptabiliserait en effet que 5 % des suffrages, devant François Bayrou (3 %) et Robert Hue (1 %). Enfin, ni Jean-Marie Le Pen ni Noël Mamère ne trouvent grâce aux yeux des officinaux puisqu’ils ne récoltent aucune voix. Encore faut-il relativiser les résultats de notre sondage puisqu’il a été réalisé en janvier 2002, date à laquelle la campagne n’en était qu’à ses prémices, ce qui explique sans doute, plus qu’un rejet des politiques, les 20 % des officinaux qui s’abstiennent et les 15 % qui votent blanc.