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ENTRETIEN AVEC JEAN-CARLES GRELIER,DÉPUTÉ DE LA SARTHE, APPARENTÉ AU GROUPE LES RÉPUBLICAINS
Elu député en 2017, Jean-Carles Grelier est membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Pour lui, la santé est le premier sujet politique et il en parle sans langue de bois.
Vous avez déclaré pendant l’examen parlementaire du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qu’il s’agissait du pire PLFSS jamais vu. Après son adoption, est-ce toujours votre avis ?
Jean-Carles Grelier : Oui, il a été un peu « moins pire » comme diraient les enfants parce qu’il y a eu, sous la pression du personnel hospitalier, un effort particulier réalisé en faveur de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier. Mais l’Ondam de ville n’a pas été révisé et les efforts budgétaires demandés à la filière du médicament et à celle des dispositifs médicaux n’ont pas non plus été modifiés. Finalement, l’Ondam est très en dessous des ambitions affichées par la ministre en matière de santé.
Quelle serait la solution afin de dégager suffisamment de ressources financières ?
J.-C. G. : Je préconise trois mesures. La première est de mettre fin à la loi de financement de la Sécurité sociale et de réintégrer la santé dans le budget général de l’Etat. En parallèle de cet acte budgétaire, on fait une loi de programmation pour la santé sur les cinq prochains exercices et on joue sur la solidarité des autres politiques publiques pour remettre complètement à flot notre système de santé. Mais le remettre à flot budgétairement ne réglera pas tout. Il faudra aussi, dans ce délai de cinq ans, parler de la médecine de proximité, de l’innovation thérapeutique, de l’accompagnement de la recherche, notamment de la recherche pharmaceutique, de la filière du médicament et des difficultés que rencontrent les pharmacies d’officine. Enfin, on crée une caisse d’amortissement spécifique pour la dette des hôpitaux. Le gouvernement propose d’en reprendre un tiers, moi je propose de reprendre la totalité. On a su le faire pour la SNCF, le Crédit Lyonnais et la Sécurité sociale.
Vous parlez de médecine de proximité. Quel type de mesure préconisez-vous ?
J.-C. G. : Il y aurait un sujet à discuter avec les professionnels de santé, auquel je tiens beaucoup, qui est le partage des tâches. Je pense que la suprématie exercée par les médecins sur le monde de la santé ne peut plus être d’actualité. Nous devons réfléchir à ce que d’autres professionnels de santé, dont les pharmaciens d’officine, ont la capacité de prendre en charge au bénéfice des patients.
A chaque fois que les pharmaciens ont de nouvelles missions, par exemple la vaccination antigrippale, les syndicats de médecins montent au créneau. La délégation de tâches est-elle vraiment possible ?
J.-C. G. : Autant je ne suis pas favorable à la coercition pour l’installation des médecins et je ne veux rien faire qui brise leur exercice libéral, autant je pense qu’ils doivent devenir raisonnables. A partir du moment où ils sont de moins en moins nombreux et que l’on travaille sur des délégations de tâches en direction de professionnels formés, diplômés et qui ont fait la preuve et la démonstration de leurs compétences, comme c’est le cas pour la vaccination, rien ne s’oppose à ce que l’Etat impose ces délégations de tâches si les syndicats de médecins venaient à s’y refuser. J’ai rencontré les syndicats de tous les étudiants en santé. Ils sont tous prêts à travailler ensemble. Cette espèce de corporatisme des médecins qui voudrait que sur un territoire seul le médecin dirige l’ensemble de la santé est terminée.
Ces dernières années, les missions des pharmaciens ont beaucoup évolué. Selon vous, pourrait-on encore aller plus loin ?
J.-C. G. : Il y a toute une partie de la « bobologie » qui encombre les services d’urgence. Et puis, examinons un petit peu plus finement tous les médicaments qui restent aujourd’hui soumis à ordonnance et qui, demain, pourraient être délivrés dans des situations d’urgence. Je pense notamment à toutes ces petites officines en secteur rural où il n’y a pas toujours un médecin présent et où le pharmacien est souvent confronté à un dilemme déontologique : j’ai en face de moi un patient dont je dois renouveler le traitement parce qu’il ne peut pas l’interrompre et je n’ai pas de prescription de renouvellement. Sur ces situations-là, il faudrait redonner un peu de souffle et de capacité dérogatoire aux pharmaciens d’officine pour pouvoir délivrer des médicaments. Voilà des pistes qui pourraient être discutées. Et je pense que les médecins seraient prêts à examiner une partie des conditions dans lesquelles cela pourrait se faire.
C’est l’un des objectifs des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
J.-C. G. : Oui, mais là encore, vieux réflexe jacobin du ministère de la Santé, les CPTS ne sont pas laissées à l’initiative des professionnels du territoire, mais à celle de l’agence régionale de santé (ARS). Ce sont les ARS qui cadrent, définissent et fixent les règles des projets de santé de ces CPTS et qui, in fine, avec l’Assurance maladie, vont les financer. Pendant plus de dix ans, l’Etat s’est défaussé sur les élus du territoire pour pallier les problèmes de démographie médicale et, aujourd’hui, alors qu’il réintervient par le canal des CPTS, il tient les maires et les élus locaux à la porte du dispositif. Mais qui connaît le mieux les besoins d’une population sur un territoire si ce ne sont les élus de ce même territoire ? J’appelle de mes vœux à plus de souplesse. L’objectif est de créer 1 000 CPTS. Pourquoi pas 2 000 ou 3 000 ? Cela veut dire dix CPTS par département, soit des communautés professionnelles XXL. Dans de telles CPTS, si l’on veut que la coordination fonctionne, on va commencer par trouver un siège social, puis recruter un directeur administratif, une secrétaire et une deuxième. On va recréer une espèce d’établissement qui ne dira pas son nom et une structure administrative qui va consommer l’essentiel des financements. Une CPTS, c’est 10, 20, 30, 40 professionnels au maximum. Dans mon département, une CPTS est en train de se dessiner avec plus de 300 professionnels de santé. Cela n’a plus aucun sens.
Mais 1 000 CPTS, c’est un premier objectif.
J.-C. G. : Non, 1 000 correspond surtout au budget que l’Assurance maladie est prête à y consacrer. Mon expérience me dit que le jour où il n’y aura plus suffisamment de moyens pour financer les CPTS, on se souviendra des collectivités locales et des communes, et on viendra solliciter leur financement.
Que pensez-vous de la dispensation à l’unité qui a été votée dans le projet de loi sur l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage ?
J.-C. G. : C’est une idiotie monumentale qui n’a pu naître que dans l’esprit de politiques n’ayant jamais réfléchi aux questions de santé. Quand on sait aujourd’hui ce que sont le modèle industriel de la pharmacie et le modèle économique, y compris des pharmacies d’officine, on ne peut pas être favorable à ce type de mesures. C’est quelque chose qui fait plaisir. On s’imagine que l’on a enfin la solution pour réduire les dépenses de l’Assurance maladie, mais c’est complètement idiot.

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