Des officinaux parlementaires à la tribune !

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Publié le 22 juin 2002
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Au lendemain des législatives, trois députés pharmaciens réagissent à certaines interrogations touchant la santé et l’officine. Malgré l’euphorie du triomphe politique, la prudence reste de rigueur à l’abord de la question centrale actuelle : le financement de notre politique de santé.

Le fait d’être pharmacien a-t-il pu jouer dans votre élection ?

Jean-Marc Roubaud : Certainement, dans la mesure où l’officine est un lieu privilégié de rencontre avec les citoyens.

Gérard Dubrac : Surtout pour ma première campagne pour les municipales. Le pharmacien est un notable dans une ville de 8 000 habitants. On le considère à la fois comme un scientifique, un gestionnaire et un homme de terrain.

Louis Guédon : Ca n’a pas vraiment joué car je suis connu depuis longtemps en politique mais au début de ma carrière, avoir de nombreux contacts humains au quotidien a sans doute joué.

Des parlementaires comme Bernard Charles ont récemment soutenu les instances de la pharmacie sur des textes importants. En quoi pourrez oeuvrer pour la profession ?

J.-M. R. : Dès lundi, je me suis inscrit à la commission des Affaires sociales. Je suivrai ainsi le dossier des marges, tout particulièrement, mais aussi ceux de la sécurité à l’officine et de la lutte contre les toxicomanies.

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G. D. : Je serai évidemment plus attentif à tout ce qui touche les questions liées à la pharmacie et à la santé mais je n’en ferai pas une spécialité. D’ailleurs, on n’a pas forcément la bonne approche parce qu’on est un professionnel.

L. G. : Bernard Charles était dans la majorité, alors de gauche, il était donc bien placé pour aider l’officine. Etant dans l’opposition jusqu’ici, la profession ne m’avait pas fait l’honneur de me confier des dossiers. Mais il est évident que tout parlementaire, quand sa profession le lui demande, se fait un honneur de les défendre.

Dans le domaine de la santé, une des principales questions actuelles concerne le financement des revendications des professionnels. Comment pensez-vous pouvoir y répondre ?

J.-M. R. : C’est uniquement une question de choix politique : quand on prend des mesures concernant la culture ou l’enseignement, ce n’est pas en termes de maîtrise comptable…

G. D. : On ne peut augmenter les dépenses publiques pour contenter tout le monde, on ne peut non plus alourdir les charges sociales. Seule une véritable négociation secteur par secteur avec les professionnels peut permettre de trouver un juste équilibre entre le coût de la santé et les besoins grandissants.

L. G. : Déjà, on ne peut pas avoir une politique de santé cohérente sans avoir instauré un climat de confiance. Après, il faudra arriver à responsabiliser les professionnels de santé de manière à sauver notre assurance maladie « à la française ». Mais pour ça, il faudra déjà voir ce que nous réserve l’audit commandé par Jean-Pierre Raffarin sur les comptes…

L’audit des comptes publics doit justement être examiné par le Gouvernement le 27 juin. Y a-t-il des solutions pour sortir de la crise* ?

J.-M. R. : Il faut revoir l’ensemble du processus de pensée de la dépense publique en France.

G. D. : On ne peut plus se contenter de se répéter que nous avons le meilleur système du monde. On peut rechercher des recettes dans d’autres secteurs d’activités et relancer un système concurrentiel pour faire baisser les coûts. La santé est un marché.

L. G. : Il faudra observer la répartition entre les trois branches de la Sécurité sociale et mettre en regard les cotisations et les dépenses. Il faut prendre garde à n’allouer qu’à la santé les sommes qui y sont afférentes.

Quel objectif national des dépenses d’Assurance maladie seriez-vous prêt à voter compte tenu du fait que l’ONDAM actuel est jugé irréalisable depuis plusieurs année ?

J.-M. R. : Nous n’en sommes pas encore là aujourd’hui ! Il va falloir avoir le courage de mettre à plat tous les problèmes des professions de santé, de gestion de l’assurance maladie, et de prendre des décisions, même si elles peuvent parfois être impopulaires.

G. D. : Il faut s’appuyer sur un véritable dialogue social. Bien sûr, de nouveaux moyens sont nécessaires faute d’une explosion du système mais nous avons à redéfinir un véritable choix de société qui ne peut se décider dans le secret des ministères.

L. G. : Nous verrons à l’occasion du grand débat prévu, dans le programme de Jacques Chirac, au moment du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale, à l’automne. L’idée de base n’est pas de dépenser plus mais de dépenser mieux.

Compte tenu de l’inflation des dépenses de médicaments, que préconiseriez-vous pour la marge de l’officine ?

J.-M. R. : Nous avons besoin d’une marge correcte pour assurer un service de qualité. Des mesurettes ont été prises, il faut maintenant arriver à une négociation sur des marges définies avec les syndicats et s’y tenir.

G. D. : J’ai toujours vu la marge baisser depuis que je suis installé. Une réflexion s’impose sur le regroupement d’officines par exemple. Attention aux fausses solutions qui empêchent de regarder lucidement les vrais problèmes ! Les génériques, qui influent sur la marge, ne vont pas régler la question de l’inflation des dépenses. Ils ne font que contribuer au désinvestissement industriel et intellectuel de la recherche.

L. G. : La marge de l’officine arrive à un stade ultime, on ne peut plus y toucher.

En quoi la pharmacie pourrait-elle être concernée par un assouplissement des 35 heures ?

J.-M. R. : Face à un tollé général, l’ancien gouvernement avait reporté l’application des 35 heures dans le commerce et l’artisanat. Il faut permettre à ceux qui veulent travailler 40 heures de le faire.

G. D. : En pharmacie comme ailleurs, un assouplissement est nécessaire.

L. G. : L’idée avancée par l’UMP n’est pas de toucher aux texte lui-même mais de l’assouplir via une augmentation des quotas d’heures supplémentaires.

Les députés ont voté en décembre 2001 la loi Murcef. Vous-même, l’auriez-vous voté ?

J.-M. R. : Non, car je suis un libéral, mais au sens de l’exercice de la profession libérale. L’introduction de capitaux extérieurs me paraît dangereuse. Je susciterai un débat à l’Assemblée.

G. D. : Je suis contre. Je suis libéral… mais pas jusque-là. Il serait dangereux pour notre profession de subir la pression d’actionnaires. Autant je suis pour le croisement de capital d’une pharmacie à l’autre, autant je m’opposerai à tout projet allant dans le sens d’une perte de propriété du pharmacien.

L. G. : Je suis contre cette loi. Il est certain qu’elle introduira les méthodes de la grande distribution dans l’officine. Quant à la limitation du droit de vote des holding à 49 %, n’importe quel juriste à la solde du capitalisme fera sauter ce verrou. Mais il faut aussi noter que si une profession se sent menacée par cette loi, elle peut prendre les mesures de sa défense, elle a assez de juristes pour ça.

* Le déficit de la branche assurance maladie « plomberait » les comptes de 5 milliards d’euros.

Onze pharmaciens députés

Onze pharmaciens et un préparateur ont été élus dimanche, bénéficiant à plein de « l’effet UMP ».

Elus :

1 * : Jean-Michel Bertrand (avec 57,4 % des voix) ; 30 : Jean-Marc Roubaud (43,9 % dans une triangulaire avec le PS et le FN) ; 32 : Gérard Dubrac (52,2 %) ; 57 : Pierre Lang, biologiste (62 %) ; 82 : Jacques Briat (54,2 %) ; 83 : Jean-Sebastien Vialatte (71,5 %) ; 88 : Michel Heinrich (61,8 %) ; 88 : Gérard Cherpion (52,5 %).

Réélus :

39 : Jean Charroppin (54,4 %) ; 49 : Roselyne Bachelot (58,3 %) ; 85 : Louis Guedon (51,6 % dès le premier tour) ; et dans le 42 : J.-Francois Chossy, préparateur (64,3 %).

* Numéro du département