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Alerte NRBC
NRBC. Quatre lettres qui représentent encore aujourd’hui un risque réel. Le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique n’a en effet pas disparu avec la guerre froide. Au contraire, ces menaces se sont même diversifiées et amplifiées. Le service de santé des armées est un des acteurs clés du dispositif national de défense médicale contre les risques NRBC. Près de 15 900 hommes et femmes y oeuvrent pour protéger le combattant comme la population civile. Parmi eux, 185 pharmaciens à des postes clés. Visite dans les coulisses de la lutte anti-NRBC.
Après la bataille de Valmy en 1792, sous l’impulsion des pharmaciens militaires Parmentier et Bayen soucieux des lourdes pertes humaines subies par les combattants, un décret, paru en 1794, donne naissance à « un magasin de médicaments simples et un laboratoire où l’on préparera les médicaments composés ». L’établissement prendra le nom de « Pharmacie centrale de l’armée » en 1914. C’est le début de l’industrialisation avec la fabrication en grande série de comprimés et d’ampoules de solutions injectables. Aujourd’hui, la PCA, cachée dans la forêt orléanaise, emploie 98 personnes dont 10 pharmaciens et 8 préparateurs, qui travaillent sur 13 lignes de production, fabriquant une trentaine de médicaments sous 12 formes pharmaceutiques.
Inspiré de formations américaines et britanniques, le stage NRBC met les participants en condition réelle. Ici une chaîne mobile de décontamination (voir également pages 28 et 29).
Seul établissement militaire ayant le statut de fabricant-exploitant pharmaceutique, la pharmacie centrale des armées (PCA) a une mission de protection : elle produit et développe des médicaments spécifiques des besoins des forces armées. En tant que réponse au risque NRBC, la PCA doit être réactive et pouvoir répondre rapidement et en grandes quantités à tout besoin de santé publique.
Qui dit médicaments répondant aux besoins des forces armées, dit mode d’administration pratique – le combattant, en situation de stress, doit pouvoir avaler ou s’injecter le produit en un minimum de temps, avec un minimum de gestes et sans avoir à ôter sa tenue de protection -, molécules et packaging résistants – à des températures extrêmes, à l’humidité, aux vibrations, bref aux conditions de terrain (le produit suit le combattant, dans sa poche ! ) -, et longue vie. C’est pourquoi l’innovation des produits conçus par la PCA ne réside pas uniquement dans leurs principes actifs et excipients mais dans le dosage, la composition, l’administration, la forme et le packaging du produit final.
A charge donc pour la PCA de mener les études de stabilité des principes actifs en conditions stressantes (congélation, décongélation, humidité…), les études d’impureté et l’interaction contenu-contenant grâce à un matériel performant, un savoir-faire et un personnel polyvalent et qualifié. Le site fait 8 000 mètres carrés et abrite la production, la logistique, la maintenance et le laboratoire.
La machine sur laquelle nos deux « astronautes » travaillent permet de fabriquer 120 000 comprimés par heure. Elle intègre un dépoussiéreur de comprimés et un détecteur de métal qui vérifie qu’aucune particule métallique ne subsiste. Les opérateurs sont protégés contre l’empoussièrement grâce à une tenue complète de protection et une lourde cagoule équipée d’une cartouche de filtration d’air et d’un système de ventilation pour leur éviter d’aspirer de la poussière. Une tenue nécessaire mais fatigante.
Deux hommes s’affairent à la fabrication de comprimés d’iodure de potassium destinés à protéger les personnes exposées à des rejets d’iode radioactifs.
Et voici la star de la PCA ! Ineurope a reçu en 2005 le prix Galien de la recherche pharmaceutique. Cette trithérapie antidote (atropine sulfate, pralidoxime méthylsulfate et avizafone chlorhydrate, sous forme de lyophilisat) s’administre par auto-injection intramusculaire dès les premiers signes d’intoxication par un agent neurotoxique organophosphoré (comme le sarin), une arme chimique létale.
Si les signes d’intoxication persistent dans le quart d’heure (détresse respiratoire…), le combattant doit s’auto-injecter une seconde dose. Chaque combattant dispose d’ailleurs de deux Ineurope dans sa dotation individuelle, qu’il peut utiliser avec ses gants. Il lui suffit en effet de retirer une bague pour actionner instantanément la reconstitution de la solution injectable, puis de s’auto-injecter le produit à travers sa tenue de combat, l’aiguille étant suffisamment robuste pour la traverser, aidée d’un puissant ressort. Pratique, efficace et opérationnel, Ineurope peut aussi être utilisé par les civils en cas d’attaque terroriste.
Ineurope n’est pas pour autant le seul produit qu’a développé la PCA. Elle compte aussi, parmi sa gamme d’antidotes, la doxycycline 100 mg (comprimés) contre les infections par le charbon, le DTPA 40 mg (diéthylène-triamine penta-acétate, poudre pour inhalation en gélule) contre le plutonium, Pyridostigmine 30 mg (comprimés) en prévention des attaques chimiques ou encore du sulfate d’atropine 2 mg, une solution contre les agents neurotoxiques organophosphorés qui peut aussi s’auto-injecter à travers l’épaisseur de la tenue de protection du combattant.
Ici transitent, avant expédition, les produits finis et ceux qui doivent être testés cliniquement (la PCA gère ces essais mais ne les effectue pas sur son site). C’est ici aussi que sont réceptionnées les matières premières (principes actifs et excipients). Chaque contenant sera analysé avant d’être utilisé !
Le stage NRBC
La conception et le développement d’antidotes par la pharmacie centrale des armées ne constituent qu’un pan de la lutte contre le risque NRBC. La formation en est un autre, non négligeable. C’est au travers d’un stage de cinq jours, imaginé par un pharmacien, que les professionnels de santé, militaires et civils, apprennent les gestes essentiels qui leur permettront ensuite d’être capables de prendre en charge les victimes d’attentat.
Une formatrice montre sur un mannequin imprégné d’agent comment utiliser une sonde radioactive, laquelle permet de mesurer la contamination.
Les stagiaires doivent arriver à pratiquer une intubation avec des gants épais. Pas facile !
Le mannequin peut aussi être utilisé pour apprendre aux stagiaires à poser une perfusion ou à découper les vêtements d’une victime selon un protocole bien défini. Ainsi, à droite, s’effectue un déshabillage couché au cours de la chaîne de décontamination. Le protocole indique par exemple dans quel sens les vêtements doivent être découpés et comment ils doivent ensuite être repliés pour éviter toute contamination de la peau jusqu’à présent protégée par le vêtement qui, lui, est donc contaminé. Et ce, toujours en tenue de protection pour les stagiaires ! La vision est donc difficile et les gants compliquent grandement toute manipulation.
Une fois la zone contaminée identifiée, le mannequin devra être nettoyé jusqu’à ce que la sonde assure qu’aucun agent radioactif ne subsiste.
Recherche, formation et… expertise ! Les pharmaciens vont aussi sur le terrain. Cette photo, prise au Kosovo en 2002, montre un bâtiment qui contenait une dizaine de tonnes de cyanures et des sources radioactives. Le pharmacien en chef Frédéric Dorandeu (à gauche), à l’origine du stage NRBC, porte autour du cou un détecteur permettant l’analyse, entre autres, des cyanures et de l’explosivité. Le local étant clos, il y avait en effet un risque d’explosion et un risque toxique.
Lancé en novembre 2001 à raison de deux sessions par an, l’une à Grenoble, l’autre à Paris, le stage NRBC mêle théorie et pratique. Sur le terrain, les stagiaires s’exercent en conditions réelles : tenue de protection complète et produits d’exercice irritants au cas où ils leur prendraient l’envie d’ôter leur masque…
A gauche, un pseudo-blessé valide se douche à l’eau chauffée et au savon pour se décontaminer. Il sera contrôlé en sortie de chaîne de décontamination et devra recommencer s’il s’avère qu’il reste des agents contaminants.
Les organismes du SSA
Les pharmaciens du Service de santé des armées (SSA) n’officient pas qu’au sein de la PCA. La lutte contre le risque NRBC se joue aussi au sein du Service de protection radiologique des armées, implanté à Clamart, de l’Institut de recherche biomédicale des armées, divisé en quatre antennes (Brétigny-sur-Orge, La Tronche, Marseille et Toulon) et du Centre de recherches du service de santé des armées de Grenoble.
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