Yves Trouillet : « Il faut exiger de nouvelles rémunérations »

Réservé aux abonnés
Publié le 29 novembre 2008
Mettre en favori

Yves Trouillet, président de l’APR, revient sur les différents dossiers abordés lors de l’assemblée générale de l’association qui s’est tenue à Beaune les 22 et 23 novembre. Il encourage les pharmaciens à s’impliquer dans la maîtrise médicalisée pour rendre sans fondement l’intégration du médicament dans le forfait de soins des EHPAD.

« Le Moniteur » : Quelle est la position de l’APR concernant l’intégration des médicaments dans le forfait de soins des maisons de retraite ?

Yves Trouillet : Bon nombre de pharmaciens en zone rurale ont besoin des maisons de retraite pour vivre. L’APR, avec la FSPF, a fait le siège auprès des députés et des sénateurs pour que ce texte ne passe pas en l’état. La modification apportée par le Sénat prend en compte notre demande de ne pas adopter de position aveugle et de tenir compte des résultats de l’expérimentation avant toute généralisation du budget de soins dans le budget global des EHPAD. Cela peut devenir un bon laboratoire d’essai du travail du pharmacien s’impliquant au côté du médecin coordonnateur dans l’EHPAD pour participer au choix du médicament adapté le moins cher et veiller à sa bonne prise. Si on a l’intelligence d’associer les pharmaciens à la maîtrise médicalisée, il ne sera pas utile de faire entrer le médicament dans le forfait de soins.

La pharmacie rurale résiste-elle à la tourmente actuelle ?

La pharmacie rurale va mal. Elle souffre des difficultés liées aux économies imposées par les différents PLFSS et pâtit de problèmes structurels amplifiés par la crise financière : désertification des campagnes, vieillissement des populations, absence de nouveaux arrivants et faible pouvoir attractif pour les jeunes. A part la problématique de l’apport initial, ces derniers n’acceptent plus les mêmes contraintes que nous. Ils veulent de plus grosses structures, une meilleure qualité de vie, exercer en groupe….. Si on est capable de répondre à leurs attentes, leur attrait pour la pharmacie rurale renaîtra. Sinon le maillage territorial perdra toute signification.

Publicité

Les holdings ne sont-elles pas une solution ?

L’APR est hostile à l’ouverture du capital mais favorable à un système entre pharmaciens en exercice. Les SEL n’ont pas encore démontré toutes leurs capacités. Imaginons des aides fiscales permettant de transmettre des parts à travers une holding de pharmaciens afin d’en garantir la pérennité.

Comment éviter le « détricotage » du maillage des officines ?

Si le capital est respecté, le maillage le sera aussi. Mais il est mis à mal par les difficultés économiques rencontrées par les officines et la crise qui se profile. J’en veux pour preuve les milliers de dépôts de bilan annoncés. Et c’est bien ce qui m’inquiète le plus. Car il ne faudrait pas que sous la double contrainte du crédit cher et de la perte de marge certains pharmaciens aux abois soient contraints d’accepter n’importe quoi… ou de renoncer. Si des faiblesses s’installaient dans certains points du réseau, ce serait sa solidité globale qui serait affectée et, à terme, l’existence de beaucoup d’entre nous. C’est pourquoi je crois à l’idée de territoire de santé, de bassin de vie regroupant à la fois une population, des structures médicales et paramédicales, des pharmacies et des professionnels de santé. Ce territoire, en concourant aux soins et au bien-être médical d’une population donnée, a l’avantage de prendre en compte la présence de médecins et donc d’assurer la pérennité économique des pharmacies. Il faut avancer sur ce dossier sinon les agences régionales de santé s’en empareront et décideront à notre place. D’autres solutions doivent encore être étudiées comme le regroupement ou l’entrée des adjoints dans le capital à hauteur de 20-25 % pour qu’ils soient de vrais cogérants.

Pour quelles modifications de la rémunération plaidez-vous ?

Nos conditions économiques ne sont plus acceptables. Si l’on peut supporter des efforts en période de croissance, cela n’est plus possible en pleine récession. Il faut exiger la mise en place de nouvelles rémunérations liées aux services rendus aux populations. Ainsi, une marge commerciale assurerait l’équilibre des officines pour la partie gestion et approvisionnements et des honoraires seraient versés pour les services rémunérés. Ce n’est pas une volte-face de la part de l’APR que de voir les choses ainsi, mais la baisse des volumes et des prix nous l’impose.