Un cadre pour les ALD

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Publié le 3 juin 2006
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La Haute Autorité de santé a publié les deux premiers référentiels (diabète et hépatite C) des affections longue durée. Ils serviront de socle au nouveau protocole de soins. Les 28 autres devraient suivre d’ici fin 2007.

L’encadrement – médical – des affections longue durée (ALD) commence vraiment maintenant. Acte i cette semaine, pour le diabète et l’hépatite C, avec la publication d’un « guide médecin » et d’une « liste des actes et prestations » directement liés à la maladie. Ces référentiels – qui ne disent pas leur nom – serviront de base pour « aider » le médecin à établir les nouveaux protocoles de soins qui lui seront opposables ainsi qu’au patient.

Première conséquence, un contrôle mieux balisé des prestations et produits pris en charge à 100 % (9 millions de personnes, 60 % des dépenses d’assurance maladie). Deuxième conséquence, insiste la Haute Autorité de santé (HAS), un meilleur suivi de la maladie. A cet égard, le « guide médecin » publié pour chacune des ALD sera censé aider à gommer la non-qualité qui été mise en lumière en 2005 par le Haut Comité pour l’avenir de l’assurance maladie (la moitié des hypertendus mal suivis, 40 % des diabétiques…).

Une logique de prise en charge illogique.

La HAS se défend d’avoir pris en compte des critères économiques pour établir ces deux premiers référentiels. Cependant, elle demande l’ouverture d’une « réflexion plus large sur les différentes modalités de couverture collective du risque sanitaire aggravé ». En effet, les ALD se définissaient à l’origine par des « affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ». Or la HAS a constaté que des ALD à certains stades d’évolution ne présentent pas de traitement particulièrement coûteux (avec une difficulté : le « particulièrement coûteux » n’obéit plus à aucune définition depuis le plan Séguin de 1986). A contrario, des patients suivent des traitements très coûteux pour des pathologies qui, elles, ne sont pas exonérantes. Une façon de souligner que le système de prise en charge actuel est illogique. C’est pourquoi la HAS a évoqué au début de ses travaux l’idée d’une prise en charge variant en fonction du « reste à charge » des patients. Mais elle renvoie les décideurs à leurs responsabilités car il s’agit de choix qui dépassent effectivement ses prérogatives.

Est-ce pour cela que « les adaptations du périmètre de remboursement » des différentes ALD ne seront effectuées par la HAS qu’après mai 2007 ? Heureux hasard du calendrier…

Le poids des associations.

En fait, il est question depuis des mois d’une restriction du champ de certaines ALD – le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui compte un certain nombre d’associations de patients parmi les plus puissantes, disait encore au Moniteur son inquiétude à cet égard en mars dernier. Mais il semble que la HAS ait fait marche arrière précisément après que les associations de malades furent montées au créneau auprès de Xavier Bertrand sur le sujet.

Ces dernières, malgré leur poids, restent inquiètes. Témoin cette prise de position mercredi du Collectif Hépatites virales, qui estime que « si l’expertise des associations a (difficilement) permis de faire évoluer les versions successives de ce document [le référentiel « Hépatite C » de la HAS, NdlR], celui-ci n’en demeure pas moins insuffisant à bien des égards ». Le Collectif reproche par ailleurs une insuffisance de concertations sur le travail de la HAS, même si les associations ont eu à donner un avis sur ses documents. « Ces recommandations, qui se veulent scientifiques, cachent mal leurs préoccupations économiques, reproche le Collectif. Pourtant ce n’est pas le rôle de la HAS… »

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Un membre du CISS nous confiait en aparté que, sans le lobbying des associations, le périmètre de prise en charge aurait sans doute déjà été revu. Mais leur inquiétude persiste. Il fait peu de doute en effet que la question sera sérieusement réexaminée dans une dizaine de mois. Certains responsables politiques UMP, notamment Jean-Michel Dubernard, président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, n’ont en effet pas caché leur souhait de remettre à plat la prise en charge des maladies chroniques. La HAS leur donne – indirectement – des arguments.

A noter

– 1er juillet 2007

C’est la date à laquelle le pharmacien devra vérifier la validité des conditions de prise en charge, notamment du 100 %, avant tout tiers payant (PLFSS 2006). Devra-t-il avoir l’oeil rivé sur le référentiel de chaque ALD ? Selon l’Assurance maladie (voir Le Moniteur n° 2621), ce contrôle sera automatique via la carte Vitale (faute d’un accès au protocole de soins signé par le patient). Reste à savoir si l’informatique de l’Assurance maladie et de l’officine sera à jour.

Education thérapeutique : une perche pour les officinaux

L’officine n’a de cesse que de mettre en avant son rôle dans la prévention et l’éducation pour la santé. A cet égard, la Haute Autorité de santé (HAS) donne un bel argument aux représentants de la profession auprès des pouvoirs publics, en insistant sur le fait qu’il faudrait envisager une véritable organisation de l’éducation thérapeutique et sa prise en charge par l’assurance maladie. Objectif : faire basculer un maximum de soins de l’hôpital vers les soins de ville pour les ALD, à partir d’un constat simple. Celui que le dépistage, l’éducation thérapeutique et l’hygiène de vie représentent les éléments clés de la qualité des soins et, indirectement, une économie de coûts car elles limitent les complications. Or les hospitalisations qui en découlent représentent de 40 à 50 % du coût des ALD. Certes, « l’éducation thérapeutique n’est pas un acte mais un travail collectif » , souligne Laurent Degos, président de la HAS. Mais on peut tout de même noter que la convention pharmaceutique prévoit que certaines missions du pharmacien soient rétribuées sous forme de paiements à l’acte spécifiques, et que tout concourt au développement du rôle d’éducateur pour la santé et de prévention chez le pharmacien, notamment pour des raisons évidentes de proximité et de maillage territorial (voir par exemple le dernier rapport Berland, page 12). Le contexte est favorable.

Listes positives de traitements

« Rien que ce qui est médicalement nécessaire, mais tout ce qui est nécessaire. » C’est le raisonnement de la HAS dans l’élaboration des « guides médecin » et des listes d’actes et de prestations qui seront publiés pour chaque ALD. Pour la grande majorité des patients, il s’agira donc d’une liste positive de ce qui sera pris en charge à 100 %.

Si les listes de traitements publiées mercredi sont sans réelle surprise, elles comportent néanmoins une curiosité : y figurent des produits (substituts nicotiniques…) aujourd’hui non remboursés mais qui devraient l’être pour ces patients, selon la logique de la HAS. Le référentiel « Diabète » compte en fait cinq listes (traitement du diabète proprement dit, de la néphropathie, des complications oculaires, traitement du pied à risque ou des plaies du pied, traitement des neuropathies périphériques), le référentiel « Hépatite C », une seule. Les référentiels de neuf autres ALD doivent voir le jour d’ici fin 2006. Le reste paraîtra d’ici fin 2007, à raison de deux à quatre par trimestre (1).

A titre d’exemples :

– Les traitements pharmacologiques liés au traitement du diabète proprement dit :

– Metformine, insulinosécréteurs, glitazones, inhibiteur des alphaglucosidases intestinales, insuline

– Hypolipidémiants

– Antihypertenseurs

– Aspirine

– Traitement des complications infectieuses

– Substituts nicotiniques (2)

– Orlistat, sibutramine (sujet obèse) (2)

– Vaccination antigrippale et pneumococcique

– Matériel d’injection

– Matériel d’autosurveillance glycémique (selon les recommandations du « guide médecin »).

– Les traitements pharmacologiques liés au traitement des neuropathies périphériques (diabète)

– Antidépresseurs tricycliques, antiépileptiques (neuropathies douloureuses)

– IPDE5(2), injection intracaverneuse ou intra-urétérale (dysfonction érectile)

(1) L’ensemble des référentiels publiés par la HAS seront mis en ligne sur le site de la Haute Autorité (http://www.anaes.fr). (2) Non remboursable à ce jour.