Raisonner réseau

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Publié le 7 juin 2008
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Membre de deux réseaux de soins, Pharmasoins 31 et Relience, Jean-Michel Pomiès, titulaire à Muret, a découvert, au-delà du défi professionnel, tout ce que peut offrir humainement parlant ce type d’engagement. Au point de parcourir la France pour tenter de convertir ses confrères !

Merci pour ce que vous avez fait pour maman. Elle aurait aimé qu’on vous le dise. » Les mots sont à peine audibles mais le chagrin est immense pour Laura, 13 ans, et son grand frère Paul, 17 ans. Leur maman est décédée il y a peu et Jean-Michel Pomiès est venu démonter le matériel médical mis à sa disposition. L’émotion est palpable entre le pharmacien et la famille. Des moments forts comme celui-là, le titulaire de Muret, en Haute-Garonne, en a vécu souvent.

Ce n’est pas un hasard si Jean-Michel Pomiès s’est engagé corps et âme dans Pharmasoins 31, une association d’officinaux accompagnant les patients à leur retour au domicile, et dans le réseau de soins palliatifs Relience. « Je me suis investi car si je veux continuer à pouvoir travailler le MAD dans ma pharmacie, il faut que ma profession soit reconnue par les patients et les autres professionnels de santé comme un vrai partenaire », déclare Jean-Michel Pomiès. Passionné par son métier, le titulaire l’est indéniablement, mais il l’est probablement plus encore par les relations humaines qu’il place au coeur de son exercice officinal.

Une charte de qualité pour Pharmasoins 31

Quand Roland Bugat, aujourd’hui cancérologue au cancéropôle de Toulouse et à l’Institut national du cancer à Paris, appelle en 1999 les officinaux de la région à participer au premier réseau d’oncologie Midi-Pyrénées, Jean-Michel Pomiès répond immédiatement. « Pour respecter les règles déontologiques, nous avons monté une association loi 1901 que nous avons baptisée Pharmasoins 31. L’association regroupe ainsi tous les officinaux qui souhaitent s’engager aux côtés des autres professionnels de santé hospitaliers ou libéraux, pour organiser le retour au domicile du patient. » Une charte de qualité stricte garantit la compétence et la qualité des prestations fournies par les officines.

« Au départ, nous voulions proposer d’étendre nos services à toutes les spécialités, se rappelle le titulaire. Nous avons commencé par le VIH avant les rétrocessions. Nous avions négocié avec nos confrères hospitaliers pour que nos patients VIH n’aient plus besoin d’aller chercher leur traitement à l’hôpital. Nous nous sommes ensuite engagés dans la nutrition entérale à domicile, puis avons intégré un réseau diabète pour nous spécialiser dans les pompes à insuline… Le choix d’une nouvelle activité est souvent le fait des patients. Nous avons rédigé des plaquettes sur les compétences et les objectifs de Pharmasoins 31. Chacun de nos adhérents peut y apposer son tampon et les donner à ses clients. C’est ainsi que des demandes émanent souvent directement des patients. Nous prenons alors contact avec les autres professionnels de santé lorsqu’il s’agit d’un réseau. Cela peut déboucher sur une collaboration à plus grande échelle. »

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« Un réseau fonctionne comme une entreprise »

A l’écoute des besoins des autres professionnels de santé, soucieux de proposer un service irréprochable, les pharmaciens de Pharmasoins 31 ont ainsi noué des relations étroites avec les infirmiers du département et leur confédération. A tel point que ces derniers n’hésitent pas à contacter l’association lorsqu’ils sont sollicités pour la mise en place d’un réseau, comme ce fut le cas pour le réseau de soins palliatifs Relience. « Ce réseau a été créé en 2003, mais nous avons commencé à y travailler dès 2001 », se souvient Jean-Michel Pomiès.

Pour bénéficier des subventions, une association de professionnels libéraux impliqués est créée. Jean-Michel Pomiès est alors nommé président de Relience. « Un réseau fonctionne comme une entreprise, explique-t-il. Il faut le gérer au quotidien, préparer les évaluations pour les financements et les budgets pour les trois années à venir. Tous les mois, je réunis le comité directeur. Nous organisons également trois réunions du bureau par an. Il y a aussi le conseil d’administration, l’assemblée générale… Et j’organise un entretien individuel avec chaque salarié du réseau. » Deux médecins, deux secrétaires, une infirmière, une psychologue et une assistante sociale constituent les membres permanents de l’équipe. Des binômes constitués d’un infirmier et d’un médecin, libéraux ou détachés par l’hôpital, font office d’équipes mobiles et interviennent à la vacation. Des tâches de manager et gestionnaire qui n’empêchent pas Jean-Michel Pomiès de privilégier le contact avec ses clients…

« Je réalise une grande partie de ma mission pour Relience par téléphone et par e-mail depuis l’officine, plutôt l’après-midi ou le soir car les matinées sont réservées aux livraisons à domicile chez mes patients. » Même lorsqu’il fait appel à un prestataire extérieur, le titulaire est toujours présent au domicile du patient lors de l’installation du matériel. « C’est à moi qu’il a fait la demande, il est normal que je me déplace, insiste-t-il. De la même façon, j’assure le service après-vente et le dépannage. Lorsqu’un souci survient, je me rends sur les lieux et, si je ne peux dépanner moi-même, j’appelle mon prestataire. »

Une totale disponibilité qui suppose une bonne organisation en interne : l’équipe comprend deux cotitulaires, deux adjoints à mi-temps – même si le chiffre d’affaires de l’officine ne l’impose pas -, quatre préparatrices, dont l’une gère les commandes et les devis, et une secrétaire. Le planning prévoit toujours deux pharmaciens présents pour permettre à Jean-Michel Pomiès de sortir si nécessaire. « C’est un service que les patients apprécient et qui me permet en outre d’encore mieux adapter mon conseil, qu’il s’agisse du matériel ou de la délivrance des médicaments. C’est enfin très enrichissant sur le plan humain. Cela a totalement changé mes relations avec la clientèle », confie-t-il.

Semer la bonne parole dans les facs

Adepte des réseaux de la première heure, Jean-Michel Pomiès prend désormais son bâton de pèlerin pour faire des émules auprès de ses confrères dans toute la France ! Intervenant sur les réseaux dans le cadre de deux DU, l’un de maintien à domicile et l’autre de soins palliatifs, il est également régulièrement sollicité pour en parler aux étudiants de 5e et 6e années. « J’y passe bien sûr beaucoup de temps, mais les bénéfices humains et pour l’officine dépassent largement mon investissement », conclut Jean-Michel Pomiès.

Envie d’essayer ?

Les avantages

– Les liens tissés avec les clients sont humainement enrichissants.

– Les réseaux permettent d’entretenir une relation étroite avec l’ensemble du tissu socioprofessionnel de santé et d’être reconnu comme un partenaire compétent.

– Les réseaux constituent un bon moyen de se spécialiser.

– Face à la concurrence des autres distributeurs de matériel de MAD, la réactivité du pharmacien intégré dans un réseau est fortement appréciée par ses clients et le crédibilise.

Les difficultés

– Plus l’on s’implique dans un réseau, plus cela réclame du temps.

– Il n’est pas toujours facile de se rappeler au bon souvenir des autres professionnels de santé ! Ils ne pensent pas toujours aux pharmaciens lors de la création d’un réseau.

Les conseils de Jean-Michel Pomiès

« A nous de tisser des liens suffisamment forts et de bousculer les habitudes en faisant le premier pas. »

« Foncez ! Vous ne le regretterez pas ! »

« Informez-vous des réseaux existants par le biais des caisses d’assurance maladie, de l’hôpital, d’Internet. N’hésitez pas à les contacter. »

« Même si les réseaux contactés ne fonctionnent pas avec des pharmaciens, rien ne vous empêche de demander un rendez-vous au coordinateur pour en discuter. »

– « Lorsque vous intégrez un réseau, faites le savoir à vos clients. Même s’ils ne sont pas directement concernés, ils apprécieront votre implication. »